Les Restos du Coeur, 29 ans de lutte contre la précarité

Auteur(s)
AS
Publié le 26 novembre 2013 - 12:53
Mis à jour le 24 novembre 2014 - 17:43
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Les bénéficiaires du centre de distribution de la rue d'Alleray peuvent venir une à deux fois par semaine remplir leur sac de nourriture.
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Les bénéficiaires du centre de distribution de la rue d'Alleray peuvent venir une à deux fois par semaine remplir leur sac de nourriture.
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Les Restos du Coeur ont inauguré ce 25 novembre 2013 leur 29e campagne. La «petite idée» lancée par Coluche en 1985 participe toujours activement à lutter contre la précarité, l’isolement et l’assistanat. Reportage dans les coulisses du centre de distribution de la rue d’Alleray (Paris 15e).

Derrière une petite porte en métal gris de l’étroite rue d’Alleray se trouve le centre de distribution des Restos du Coeur du 15e arrondissement de Paris. Sous le numéro 15, une feuille A4 collée à hauteur de vue affiche le logo rose et noir bien connu de l’association. C’est dans cet ancien entrepôt de La Poste que les familles et les personnes seules de huit arrondissements parisiens viennent chercher chaque semaine quelques produits frais, laitages et aliments divers. 

A peine descendue la longue rampe de fer qui mène à la grande salle, chaque nouvel entrant se voit offrir une tasse de thé, de chocolat ou de café bouillant au bar de la cuisine à l’américaine du centre. Sur la table, du sucre et quelques gâteaux secs sont disposés dans des panières en osier. 

"Je veux bien un peu plus de lait s’il vous plait", demande Mai-Mouna. Cette jeune mère sénégalaise de quatre enfants âgés de 8, 6, 4 et 2 ans a l’air timide et le regard perdu. "C’est la première fois" qu’elle passe la porte d’un centre de l’association. Elle n’a pas de travail. Son mari, lui, travaille "dans les planches". 

Certains congélateurs sont vides

Dans son dos, sa petite fille de 2 ans s’agite pour attraper un gâteau encore hors de sa portée. Son bonnet péruvien mal enfoncé laisse apparaître les petites tresses qui ornent sa tête. Un foulard vert fluo la maintient attachée à sa mère qui déambule accompagnée de Marilou devant les piles de conserves et les briques de lait. A chaque produit son quota, en fonction de la taille du foyer. Yaourts, abricots en gelée et barres de poisson pané s’empilent dans le cabas. "Ah non pas ça, les enfants n’aiment pas", hoche de la tête en souriant Mai-Mouna. 

Le centre de la rue d’Alleray reçoit des livraisons trois fois par semaine. Le lundi des surgelés, des légumes et des fruits, le mardi des conserves et le mercredi des laitages et des produits frais. "Les livraisons que nous recevons cette année sont moins importantes que les autres années", reconnaît Mireille de Buzelet, une des responsables du centre. "La fréquentation du centre depuis le lancement de la 29e campagne des Restos est en augmentation de 18%" et "certains de nos congélateurs sont vides". 

Pour la fin d’année, le centre a reçu quelques produits spéciaux comme des coeurs d’artichauts. Des décorations vont être installées, mais les moyens sont minces. 

Pas de quoi décourager pour autant la fine équipe de bénévoles du bâtiment qui se relayent six jours sur sept. Ici, tout le monde se tutoie et s’appelle par son prénom. Guy, bénévole à la cinquantaine bien tassée, parle facilement de son engagement associatif. "J’avais un poste à responsabilité et je ne m’interrogeais pas sur un éventuel engagement associatif (…). A la retraite, j’ai commencé à regarder autour de moi". Alors, il y a quatorze ans, ce retraité natif du Sénégal décide de donner de lui. Il est rentré aux Restos du coeur il y a huit ans. Sa femme est une "bridgeuse de talent", blague-t-il. "Dis plutôt que tu ne voulais pas voir ta femme et que c’est pour ça que tu es là…", lui lance une bénévole, hilare. 

La discussion s’anime et chaque bénévole y ajoute sa petite touche d’humour. Denis s’approche. Cet ancien sapeur-pompier de Frejus (Var) a connu Coluche au moment où le projet d’une "cantine gratuite" a vu le jour en 1985. "Quand Michel est mort, ça n’a plus vraiment été pareil. On se marrait. Coluche faisait que des conneries", se souvient-il en réajustant ses lunettes. 

Un peu plus loin, six bénéficiaires attendent leur tour sur un banc en bois d’écoliers. "Aujourd’hui c’est calme, mais parfois on doit s’interposer parce que certains pensent qu’on va les servir tout de suite alors qu’il faut prendre son tour", commente Denis, tournant à son tour le regard vers la file. "Il faut avoir beaucoup de patience", ajoute Chantal, une ancienne prof de mathématiques et de physique. 

Places de spectacle et de cinéma

De la patience et du courage. "C’est dur d’avoir à refuser des demandes", renchérit Catherine en remuant le café qu’elle vient de se servir dans un gobelet en plastique. La légère odeur de café se répand jusqu’au coin bibliothèque du centre, installé à quelques mètres. Une centaine de livres sont empilés sur les petites étagères du mur rose bonbon. Un peu plus loin, deux gros tigres en peluche marquent l’entrée de l’aire de jeu des enfants. 

A l’étage, une pièce meublée de six bureaux est dédiée aux inscriptions. Une étape indispensable pour obtenir sa carte de bénéficiaire.  Un homme d’une quarantaine d’années, manteau et bonnet kaki, s’assoit. Sur son certificat de domicile, une case indique Tremblay (Seine-Saint-Denis). Il ne le sait pas encore, mais il ne dépend pas du centre de la rue d’Alleray. La bénévole lui tend un post-it rose sur lequel est notée l’adresse à laquelle il doit se rendre. L’affectation par lieu de résidence doit être strictement respectée, de même que la présentation d’une bonne dizaine de papiers officiels. Une fois leur carte en poche, les bénéficiaires auront le droit de venir une ou deux fois par semaine, à jours fixes. 

Des inscriptions, le centre en recense chaque semaine par dizaines. Le directeur du centre Marc Esclapez rappelle que "les gens ont besoin de nous au quotidien et pas seulement au moment des fêtes. Notre action se fait sur la durée"

En 2012, quelque 528 familles sont venues se ravitailler dans le centre de la rue d’Alleray. Des personnes isolées, quelques étudiants mais surtout des familles. "Nous n’accueillons pas ici de SDF. Ils peuvent en revanche se tourner vers les camions des Restos du Coeur qui distribuent à manger le soir sans condition de ressources", précise Guy.

 

 

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