Jean-Marc Jancovici, favorable à un système communiste pour lutter contre le réchauffement climatique

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FranceSoir
Publié le 01 décembre 2022 - 16:15
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Pour Jean-Marc Jancovici, la lutte contre le réchauffement climatique doit impliquer des “actions concrètes”, quitte à restreindre certaines libertés individuelles.
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Limiter la température à 19° C, le nombre de vols par avion à 4 par an, la vitesse sur les autoroutes à 110 km/h... Pour Jean-Marc Jancovici, la lutte contre le réchauffement climatique doit impliquer des “actions concrètes”, quitte à restreindre certaines libertés individuelles. Dans ce cadre, l'ingénieur et conférencier se dit favorable à l'instauration d'un système communiste.

Invité du Grand entretien de France Inter le jeudi 24 novembre 2022, ce professeur à l'École des Mines, fondateur du cabinet de conseil Carbone 4 et président du think tank The Shift Project, estime que “l'objectif de rester sous 1.5° est mort”, affirmant que le déclin de la production des énergies conventionnelles “servira la lutte contre le réchauffement climatique, par la force des choses”.

Jean-Marc Jancovici estime que le déclin de la production des énergies conventionnelles, à l’image du pétrole, sonne la fin de la récréation énergétique. “Aujourd’hui, un problème reste très mal défini, c’est Peak Oil, c’est-à-dire l’approvisionnement en pétrole, et en gaz, dans son approche géologique et non pas climatique, qui est beaucoup plus abordé par les médias”, explique-t-il.

Le professeur rappelle qu’en 2018, l’agence internationale de l’énergie a annoncé “que la production mondiale de pétrole conventionnel a dépassé son maximum en 2018 et depuis, c’est le déclin terminal. C’est irrémédiable”, dit-il. 

Jean-Marc Jancovici a ainsi expliqué que cette baisse de production des énergies fossiles, qui constitue, selon les animateurs du Grand entretien, un “échec de la COP 27” qui s’est déroulée en Egypte, doit entraîner des “actions concrètes”. Et certaines de ses propositions ne manquent surtout pas de susciter la polémique et alimenter les craintes de voir les libertés individuelles être compromises au nom de la lutte contre le réchauffement climatique.

“4 vols par an et limitation de la température à 19° c"

L’invité de cette émission rebondit d’abord, à titre d’exemples, sur les déclarations de la Première ministre, Elisabeth Borne, sur la stratégie du gouvernement en matière de politique énergétique. “Les bons mots sont là mais les bons actes ne le sont pas nécessairement. Je vous donne un exemple de sobriété, qui ne porte pas sur une consommation essentielle de pétrole dans ce pays. C’est la limitation de vitesse à 110 km/h sur l’autoroute. C’est une mesure de sobriété, à laquelle la majorité de la population est désormais favorable”, dit-il.

M. Jancovici évoque le débat en vigueur, celui de la température dans les logements. “Depuis le choc pétrolier, nous avons une obligation réglementaire de limiter la température à 19° c. Vous avez énormément de bâtiments dans lequel ce n’est pas le cas. Il ne faut pas que cela reste un mot. Il faut parler d’actions concrètes”, a-t-il plaidé.

Interrogé ensuite par un auditeur, l’invité de France Inter fait des déclarations qui suscitent la polémique. “Je suis favorable, dit-il, à un système communiste : riche ou pauvre, vous auriez droit, dans toute votre vie, à 3 à 4 vols par avion, dont 2, dans votre jeunesse”.

Pour justifier sa déclaration, il déclare que “l’avion représente aujourd’hui 8% du pétrole mondial”. Ce moyen de transport “est né avec le pétrole et mourra avec le pétrole. Il n y a pas de solution technique à l’échelle pour conserver les quelques milliards de passagers aériens qu’on a par an (...) je suis désolé de le dire, mais (Les étrangers qui prennent l’avion plusieurs fois par an pour voir leurs familles, NDLR) les verront moins”.

Jean-Marc Jancovici justifie le nombre de “4 ou 5” par le problème de devoir gérer le prix ou par les quantités. Celui basé sur les quantités est plus efficace que celui géré par les prix, dit-il.  Il ajoute: “Une personne qui prend l’avion pour aller se mettre dans un hôtel dans une autre ville, ou qu’elle se mette dans un voyage organisé ou dans un village de vacances, la découverte d’une autre civilisation (suggérée par l’animatrice, NDLR) est un terme exagéré”.

Le fondateur du cabinet de conseil Carbone 4 justifie également son opinion par le fait que “le recours à des énergies renouvelables nécessite des décennies d’anticipation”. "Le grand n’importe quoi dans les médias et dans le politique porte désormais sur solutions au problème. On entend beaucoup de bruits sur l’avion à hydrogène qui va sauver l’aviation commerciale, la voiture électrique qui va permettre d’avoir 1.2 milliard de véhicules particuliers dans le monde... Beaucoup d'informations sont reprises sans mise en perspective, donnant l’illusion que le problème sera très facile à mettre sous contrôle”, affirme-t-il.

La guerre en Ukraine “sert” la lutte contre le réchauffement climatique

“Le pic de la production de pétrole conventionnel était en 2008 et celui des autres types, c’était possible que c’était en 2018. On va devoir faire avec moins. On a tellement perdu de temps, à ne pas comprendre qu’on allait devoir faire avec moins, qu’on est surpris, on répond dans le désordre”, poursuit Jean-Marc Jancovici.

“Cela se gère avec des décennies d’anticipation (...) On est passé de 2 à 40 millions de véhicules particuliers entre 1945 et aujourd’hui. On ne va pas changer cela en une semaine… On n’arrive pas à raisonner sur les bons horizons de temps”, regrette-t-il.

L’invité du Grand entretien de France Inter dément ainsi les mots d’Elisabeth Borne selon qui “la transition énergétique va de pair avec la croissance et la création d’emplois”. “C’est un mythe. Elisabeth Borne fait un métier qui consiste à dire, comme tout politique, que tout est son contrôle. Quand on regarde ce qui a fait la croissance économique ces 2 derniers siècles, c’est les machines, donc l’énergie”.

Interrogé également sur la guerre en Ukraine et son impact sur l’approvisionnement en gaz en Europe et, de ce fait, la relance de la production de charbon, Jean-Marc Jancovici estime que “cela va servir la cause". "Par la force des choses, si on manque de gaz et de pétrole, on émet moins de CO2... L’approvisionnement est limité par la géologie. C’est évident que les émissions de CO2 ne peuvent pas croître indéfiniment (...) La seule question est, qu’est-ce qui les fera baisser, un jour ? Notre volonté, ou des événements externes, comme une guerre, une pandémie, un effondrement économique .. ?”, s’interroge-t-il.

Il estime que Vladimir Poutine “ne fait qu’accélérer l’Histoire”. “On expérimente, malheureusement, la seconde possibilité, à savoir les événements extérieurs”.

À propos de cette volonté de réduire les émissions de CO2, ce professeur estime que les COP ne seraient pas efficaces sans les efforts nationaux des États : "Le fonctionnement d’une COP fait qu’on ne peut pas contraindre, de l’extérieur, des pays qui ne voudraient pas de l’intérieur, avancer sur le sujet”.

À ce propos, il conclut que l’objectif de passer sous les 1.5° est “mort”. “Probablement, sauf une comète, une nouvelle peste ou une guerre thermonucléaire. Aujourd’hui, le réchauffement planétaire est de l’ordre de 0.2° par décennie, même dans un scénario comme celui prévu par l’Accord de Paris, on franchirait les 1.5° avant 2050. On nous fait franchir transitoirement le seuil avant que cela ne redescende. L'objectif étant de rester sous 1.5° est mort”.

La déclaration de Jean-Marc Jancovici sur son “système communiste” et le nombre de vols a provoqué une polémique. Sur les réseaux sociaux, certains alertent contre un “totalitarisme écolo-communiste en marche”. Pour l'économiste Philippe Herlin, cette déclaration constitue un "aveu" : "Voilà à quoi sert la lutte contre le soi-disant "réchauffement climatique anthropique", je le dis depuis longtemps : instaurer le communisme", a-t-il dénoncé. D'autres internautes ont à l'inverse salué l'intervention d'"un invité qui réveille les neurones, les consciences."

Des craintes alimentées également par les mesures prises à travers le monde. Pour réduire l’empreinte carbone, plusieurs pays, à l’image du Canada ou de l’Australie ont déjà franchi des pas importants. Des banques affichent, par exemple, à leurs clients, leur quota carbone.

En France, l'instauration d'un “pass carbone”, outil qui accorderait aux citoyens un “quota” de CO2 à ne pas dépasser pour les achats, a été présenté sur BFM TV comme “une des clés du succès face au changement climatique”.

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