Tara l'ourse polaire face au réchauffement climatique – Episode 3 : Le grand départ

Auteur(s)
Jean-Marc Neumann, édité par la rédaction.
Publié le 09 mai 2019 - 16:17
Mis à jour le 10 mai 2019 - 17:55
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Un ours polaire saute sur la banquise.
Crédits
©Cory J. Mendenhall / US COAST GUARD / AFP
Tara et ses deux petits font désormais face à la fonte de la banquise.
©Cory J. Mendenhall / US COAST GUARD / AFP

L'ours polaire est en première ligne face au réchauffement de la planète et à la fonte des glaces. Afin de comprendre ce que le changement climatique implique pour cet animal, Jean-Marc Neumann, président de TELAS Conseil, consultant en stratégie, politique et règlementation de la protection animale, vous propose en collaboration avec France-Soir de découvrir l'histoire pas si fictive de Tara qui doit désormais quitter l'île de Kongsoya avec ses petits car la glace commence à fondre.

Plus de dix jours se sont écoulés depuis la sortie de la tanière. Il est temps de quitter la vallée pour se diriger vers la côte sud. Tara emmène les deux oursons à leur première chasse au phoque.

Les bébés phoques sont nombreux et les ours de l’île, dont plusieurs dizaines d’ourses accompagnées, se livrent à une véritable curée, une orgie de graisse et de viande tendre. Ce sera parfait pour constituer des réserves devant leur permettre d’effectuer le long périple qui les attend.

Entre deux chasses, Tara poursuit l’apprentissage de ses deux oursons, débuté peu de temps après leur sortie de tanière. Nulle tendresse excessive. Pas de jeux prolongés.

L’ourse est une mère attentive, qui sait manifester une certaine forme de tendresse à l’égard de ses petits mais qui sait aussi qu’elle ne peut se permettre de perdre du temps. Le temps pour les ours est précieux. Il faut que chaque instant serve utilement à la survie de la famille.

Il faut qu’elle se batte pour qu’elle et ses petits vivent. Tous les jours. Nul soigneur ici qui leur apporte tous les jours la nourriture à une heure précise, comme à leurs congénères vivant dans les zoos.

Mi-juillet, Tara et ses oursons doivent quitter l’île avant que la banquise qui l’entoure encore partiellement, notamment au sud, ne relâche totalement son étreinte.

Si elle n’y parvient pas, elle sait qu’elle devra rester sur la terre ferme et se nourrir du peu qu’elle y trouvera en attendant que la banquise se forme à nouveau vers septembre-octobre.

Ce serait une période difficile et périlleuse pour elle et sa famille. Tara devrait tenir des mois en se nourrissant uniquement de lichens, de mousses, d’algues et de restes d’animaux qui se seront échoués sur l’une des plages de l’île ou que d’autres ours auront abandonnés.

Sans compter que Tara devrait également faire très attention aux ours mâles qui restent sur l’île.

Ces derniers ne sont pas confrontés à la même problématique; ils ont pu se nourrir à leur faim tout au long de l’hiver.

La chasse fut bonne au cours des dernières semaines. Tara a pu reconstituer ses forces en se nourrissant de bébés phoques. Elle sait cependant que cela n’est pas suffisant pour tenir tout l’été et que l’éloignement des glaces rendra inéluctable le départ des phoques.

Tara connait parfaitement l’équation de la survie pour les ours polaires: glaces = phoques = ours. Sans glace, pas de phoque, sans phoque pas d’ours. Tout se tient. Les ours le savent, les hommes également mais ils devraient s’en souvenir afin de ne pas mettre davantage en péril le fragile équilibre de la nature.

Les jours passent. Les températures montent au-delà de zéro. La glace autour de l’île continue à se fendiller, les plaques de glace s’éloignent les unes des autres. La banquise se rompt progressivement, libérant l’île de son étreinte. Les glaces commencent à dériver. Bientôt Kongsoya sera à nouveau isolée.

Le jour du départ est arrivé.

Tara avance prudemment sur la neige en direction des limites de l’île suivie à quelques pas de ses petits. Elle surveille les alentours. La présence de mâles, notamment de gros mâles, constitue pour toutes les femelles suitées un réel danger.

Toujours aux aguets, le trio approche maintenant d’une vaste plaque de glace qui semble se prolonger indéfiniment. Mais la glace n’est pas une matière inerte et silencieuse. La glace se fendille, se disloque, des blocs entrent en collision et parfois se chevauchent, la glace hurle sous la force des courants. C’est bientôt le spectacle d’un vaste chaos constitué de plaques et blocs de glace séparés par des chenaux qui s’espacent chaque jour davantage qui s’offre à la vue de Tara.

Les glaces dérivent inexorablement vers le sud à une vitesse pouvant atteindre près de quinze kilomètres par jour. Les courants charrient des milliers de blocs de glace. Le monde lisse et immaculé qui semblait s’étendre à l’infini de Tara s’éloigne.

Tara doit se mettre à l’eau avec ses petits pour rejoindre la plus grande des plaques. Pour les petit c’est une véritable épreuve. Ils ne sont pas suffisamment forts et endurants, leur couche de graisse n’est pas assez épaisse. L’eau est glaciale. Après quelques dizaines de mètres de nage dans une mer calme, la petite famille se trouve enfin sur la glace.

Ils sont sauvés. Au moins ne resteront-ils pas sur l’île. Mais toutes les difficultés ne sont pas encore écartées. Loin de là.

Le trio poursuit désormais sa marche en direction du nord-est vers l’île de Kvitoya puis ensuite vers l’archipel François-Joseph. Ils devront, pour rester sur la glace rester durant tout l’été aux confins du 80ème degré de latitude nord.

Ils devront pour y parvenir parcourir en moyenne près de quarante kilomètres par jour sur la glace.

Tara et ses petits sautent ou, de plus en plus fréquemment, nagent de plaques en plaques. Parfois les petits hésitent, parfois leur saut est trop court et ils tombent à l’eau. A chaque fois cependant ils parviennent à se hisser à nouveau sur la plaque de glace pour poursuivre son chemin aux côtés de leur mère qui se retourne régulièrement pour s’assurer qu’ils suivent.

La progression est lente, difficile et fatigante car les plaques dérivent vers le sud, parfois à une vitesse de près de quinze kilomètres par jour, alors qu’eux doivent progresser vers le nord. L’exercice peut se comparer à l’effort que doit fournir celui qui tente de remonter un escalator qui descend.

Ils ont faim. Le dernier bébé phoque avait été tué il y a huit jours déjà. Tara distingue bientôt deux ours mâles. A leur côté un phoque annelé -Phoca hispida-, qu’ils viennent de tuer.

Les deux ours paraissent encore très jeunes. Ils sont si affairés à déchirer la peau du phoque qu’ils ne semblent pas l’avoir encore repérée.

L’occasion est trop tentante pour Tara. Après quelques instants de réflexion, après avoir humé l’air, surveillé les environs elle décide de s’approcher du tapis de sang sur lequel reposent la proie.

Les deux jeunes adultes les ont enfin repérés, elle et ses petits. Ils émettent des grognements, balancent leur tête de droite à gauche. Ils n’ont aucune envie que leur proie leur soit dérobée.

Tara est déterminée et se dresse sur ses pattes arrières pour apparaitre plus impressionnante. Elle émet également des grognements. Elle fait mine de charger. Devant sa détermination, les deux jeunes adultes reculent lentement, puis une nouvelle simulation de charge provoque leur fuite. Ils ont déjà mangé à leur faim et n’ont aucune envie de se battre pour préserver les quelques restes qu’ils abandonnent à Tara et ses petits.

Enfin sur place, le trio se délecte de la nourriture abandonnée dont il ne reste en quelques minutes que la carcasse. Très vite, Tara accompagnée de ses oursons s’éloignent et poursuivent leur chemin.

Lire aussi:

Tara l'ourse polaire face au réchauffement climatique – Episode 1: la tanière

Tara l'ourse polaire face au réchauffement climatique – Episode 2: la naissance

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