Acte de cruauté envers un animal domestique : que risque la personne responsable des sévices ?

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Lalia Andasmas et Marion Renson-Bourgine, édité par la rédaction.
Publié le 16 juin 2017 - 18:30
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Un chien chez le vétérinaire.
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©Jewel Samad/AFP
L’acte de cruauté se distingue du mauvais traitement par sa particulière gravité et le fait qu'il soit commis sans nécessité.
©Jewel Samad/AFP
Les associations de protection animale sont en émoi suite aux nombreux faits divers recensant des actes de cruauté infligés à des animaux domestiques. Pour "FranceSoir", deux juristes spécialisées dans le droit animalier expliquent en détail les sanctions encourues par la personne responsable des sévices.

Les faits divers annonçant la mort ou la volonté de faire souffrir un animal sont de plus en plus nombreux. Dans des conditions atroces, le 30 mai dernier, un chat a été tué à Draguignan. Dénommé Chevelu, il a subi des lacérations avec du verre et a eu les yeux arrachés. L’identification des faits peut se révéler délicate pour les magistrats qui doivent commencer par les qualifier juridiquement. A priori, il s’agirait d’actes de cruauté, tels qu’ils sont visés par l’article 521-1 du code pénal[1].

De façon générale, les médias ont parlé de maltraitance. La confusion est facile[2] mais, juridiquement, les actes de cruauté se distinguent des mauvais traitements[3]. En effet, la nature juridique n’est pas la même, les actes de cruauté revêtant la nature délictuelle et les mauvais traitements la nature contraventionnelle. Cette qualification juridique permet d’appliquer le régime juridique approprié et les sanctions correspondantes.

Plus précisément, l’acte de cruauté se distingue du mauvais traitement par sa particulière gravité et le fait qu'il soit commis sans nécessité. Il s'agit d'une infraction intentionnelle[4]. Il importe peu de savoir si les faits ont été commis publiquement ou non ou qu'il s'agisse d'un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité.

Le délit d’acte de cruauté animale est inclus dans le code pénal depuis la loi du 19 novembre 1963. Durant la phase d’élaboration de cette loi, plusieurs points ont été soulevés, notamment le questionnement de la prise en compte de l'instinct de perversité de l'auteur d'un tel acte. En effet, il est difficile de ne pas être d'accord avec Jacques Leroy lorsqu'il écrit: "Si l'auteur de l'acte cruel n'est pas pervers, il le devient avec ce comportement que rien ne peut justifier[5]". C’est une considération non-reprise directement par les textes mais qui relève de l’appréciation jurisprudentielle. La législation a instauré des sanctions pénales.

Ainsi, l'auteur de sévices graves ou d'actes de cruauté encourt à titre principal une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende[6]. Des peines complémentaires sont prévues, il en va ainsi de l'interdiction de détenir un animal et d'exercer une activité professionnelle ou sociale en relation avec l'activité qui a facilité la commission de l'infraction. De plus, l'animal peut être confisqué et remis à une association de protection animale. Par ailleurs, selon l’article 2-13 du code de procédure pénale[7], toute association peut exercer les droits reconnus à la partie civile.

La société civile est de plus en plus sensible à l’égard de la protection animale et n’accepte pas ces actes de cruauté à l'encontre des animaux domestiques. Plusieurs manifestations sont prévues[8]. Ainsi, peut se poser la question de l’alourdissement des peines en la matière, peut-être par la consécration d’un véritable crime envers les animaux…


[1] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006418952&cidTexte=LEGITEXT000006070719

[2] Jean-Pierre Marguénaud, L'animal en droit privé, PUF, 1992, p. 329 et 330. Jacques Leroy, Droit criminel, Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2014 p. 65 et 66http://www.unilim.fr/omij/files/2015/04/RSDA-2-2014.pdf

[3] Article R. 654-1 du Code pénal https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419578&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20170614

[4] La preuve doit donc en être faite. cf. Cass. crim 13 janvier 2004, Bull. crim. n° 7 cité par Jacques Leroy, Droit criminel, Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2009 p. 38. Cette preuve de l'intention est à la charge de l'accusation. Toutefois "L'intention criminelle reste donc suffisamment établie par des faits, dûment développés par le juge du fond, qui en raison de leur gravité révèlent nécessairement le comportement délibéré de faire souffrir l'animal". Jacques Leroy, Droit criminel, Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2012 p. 58 et 59http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/99_RSDA_2-2012.pdf

[5] Jacques Leroy, Droit criminel, Revue Semestrielle de Droit Animalier 1/2015 p. 62 http://www.unilim.fr/omij/files/2016/01/RSDA-1-2015.pdf

[6] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006418952&cidTexte=LEGITEXT000006070719

[7] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071154&idArticle=LEGIARTI000006574805&dateTexte=&categorieLien=cid

[8] A Draguignan, un grand rassemblement organisé par le collectif Indignés pour la Libération Animal va avoir lieu le 17 juin à 16h devant la mairie. L'association Unité de Sauvetages Animaliers organise une manifestation à la même date à 15 heures devant l'Hôtel de ville de Paris.

 

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