Affaire Benalla : une nouvelle enquête ouverte sur un contrat avec un oligarque russe

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Par Eléonore DERMY et Marc PREEL - Paris (AFP)
Publié le 07 février 2019 - 22:26
Mis à jour le 08 février 2019 - 07:50
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Alexandre Benalla avant son audition devant le Sénat, à Paris le 21 janvier 2019
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© Alain JOCARD / AFP/Archives
Alexandre Benalla lors de son audition par la commisison d'enquête sénatoriale, le 21 janvier 2019 à Paris
© Alain JOCARD / AFP/Archives

Après les violences du 1er mai et l'imbroglio autour des passeports diplomatiques, l'inextricable affaire Benalla prend un nouveau tournant judiciaire: le parquet financier a ouvert une enquête sur un contrat signé avec un sulfureux oligarque russe.

Le parquet national financier (PNF) a confirmé jeudi l'ouverture de cette enquête révélée par Mediapart, sans plus de commentaires.

Au même moment, Matignon a annoncé à l'AFP la démission de la cheffe du groupe de sécurité du Premier ministre (GSPM), prise dans la tourmente de cette affaire qui n'en finit plus de rebondir. Dans la foulée, le ministère des Armées a annoncé à l'AFP la suspension du compagnon de cette dernière, un militaire, soupçonné d'être également mouillé dans le dossier.

Selon Mediapart, les investigations du PNF ont été ouvertes, à une date non précisée, pour "corruption" et concernent un contrat signé entre Mars, la société de Vincent Crase - ex-employé de LREM et gendarme réserviste - et l'oligarque russe Iskander Makhmoudov, qui aurait été "négocié" par l'ancien conseiller d'Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, "du temps où il était à l'Elysée".

Le journal en ligne avait révélé l'existence de ce contrat le 17 décembre, affirmant que M. Makhmoudov avait rémunéré M. Crase 294.000 euros le 28 juin 2018. Le contrat, qui "prévoyait la protection des biens immobiliers en France de l'homme d'affaires, et de sa famille à Monaco" selon Mediapart, avait été sous-traité à la société Velours, ancien employeur de M. Benalla.

A la tête de la "Société minière et métallurgique de l'Oural" (UGMK), M. Makhmoudov est présenté par la justice espagnole, avec laquelle il a eu maille à partir, comme faisant partie de l'organisation criminelle russe Izmailovskaïa.

Le 21 janvier, M. Crase avait affirmé devant le Sénat avoir travaillé pour cet oligarque russe une fois parti de l'Elysée, et sans l'aide d'Alexandre Benalla, mis en examen comme lui pour des violences sur des manifestants le 1er mai 2018.

Mais selon Mediapart, les discussions autour du contrat ont commencé "dès l'hiver 2017" et "se sont accélérées en juin" 2018.

Alexandre Benalla "a rencontré à plusieurs reprises le représentant de l'oligarque en France, l'homme d'affaires Jean-Louis Haguenauer", écrit le site.

"On peut imaginer des éventuelles surfacturactions de contrat qui peuvent cacher plus que des prestations de sécurité", a commenté auprès de l'AFP le journaliste Fabrice Arfi, co-responsable des enquêtes de Mediapart. "La dissimulation par Benalla de son implication laisse aussi planer le soupçon".

Les avocats de M. Benalla et de M. Makhmoudov étaient injoignables jeudi soir pour commenter ces informations.

- Démission -

Ce contrat a été évoqué dans une conversation entre M. Benalla et M. Crase enregistrée le 26 juillet et dont des extraits ont été publiés le 31 janvier par Mediapart.

Les deux hommes envisageaient alors de mettre en place un nouveau montage financier pour le contrat.

"Une discrète société, +France Close Protection +, voit le jour le 16 octobre", affirme Mediapart, précisant qu'elle est dirigée par "un ancien militaire qui travaillait sur le contrat pour Velours". Elle aurait employé M. Benalla à partir de novembre.

La révélation de cet enregistrement a suscité un nouveau rebondissement dans l'affaire, aboutissant à la démission jeudi de la cheffe du groupe de sécurité du Premier ministre (GSPM), Marie-Elodie Poitout, afin d'"écarter toute polémique".

Après la publication des extraits sonores par Mediapart, des journalistes ont en effet tenté de vérifier auprès de Matignon des rumeurs selon lesquelles cette conversation avait été enregistrée au domicile de cette dernière.

Dans une lettre datée du 1er février et obtenue par l'AFP, les services du Premier ministre expliquaient au Parquet de Paris avoir questionné la cheffe du GSPM sur cette rencontre.

Celle-ci a alors expliqué avoir rencontré M. Benalla fin juillet, avec son compagnon Chokri Wakrim, à leur domicile, mais assuré ne pas connaître M. Crase.

Selon une source proche du dossier, c'est sur la base de ce courrier que le parquet a ouvert une enquête et tenté lundi de perquisitionner les locaux de Mediapart, pour se faire remettre les enregistrements, une initiative vivement dénoncée par le site d'information, plusieurs médias et l'opposition comme une atteinte au secret des sources des journalistes.

Matignon n'a donné "aucune instruction" au parquet de Paris au sujet de cet enregistrement révélé par Mediapart, a assuré le Premier ministre Edouard Philippe dans une interview à Paris-Normandie à paraître vendredi.

Suspendu "à titre conservatoire" mercredi, le sergent-chef Chokri Wakrim, compagnon de Mme Poitout, aurait aurait été "sollicité par Alexandre Benalla pour travailler sur le fameux contrat russe" selon Libération. Il a déjà été entendu par la Direction du renseignement et de la Sécurité de la Défense (DRSD), a précisé une source bien informée à l'AFP, confirmant des informations du magazine Valeurs actuelles.

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