Attentats du 13 novembre : sur les "terrasses", entre devoir de mémoire et volonté d'oublier

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 05 novembre 2016 - 18:32
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Le bar La Bonne Bière.
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©Kenzo Tribouillard/AFP
Comme tous les autres établissements visés le 13 novembre, le bar A la bonne bière a rouvert ses portes.
©Kenzo Tribouillard/AFP
Les attaques contre les bars et restaurants du 13 novembre ont fait 39 victimes. Ces établissement sont devenus des symboles malgré eux, et certains voient dans leur fréquentation une marque de résistance. Mais parmi le personnel, beaucoup préfèrent oublier pour avancer.

Même agitation derrière le bar, mêmes rires en terrasse. Dans les cafés et restaurants visés par les attentats du 13 Novembre, l'activité a repris. Mais personne n'a oublié.

Les trois djihadistes du "commando des terrasses" avaient visé six établissements des Xe et XIe arrondissements de Paris, qui ont tous rouvert après une fermeture plus ou moins longue: Le Carillon, Le Petit Cambodge, A la bonne bière, Casa nostra, La Belle Équipe et le Comptoir Voltaire. Des attaques qui avaient fait 39 morts.

Début de matinée à La Belle Équipe. Assises dans la salle, trois jeunes femmes plaisantent. Ce café du mercredi matin, c'est devenu "un rituel". Pourtant, Samira, 37 ans, n'était jamais entrée ici avant les attentats. Aujourd'hui, elle s'est appropriée les lieux.

"La première fois, tout avait été refait, je voulais voir, c'était de la curiosité, et aussi une forme d'hommage. Maintenant, je me suis attachée à cet endroit. En plus, la serveuse est adorable!" sourit-elle.

Son amie Sara se souvient avoir été "émue" lors de la réouverture. Elle qui habite à quelques rues reconnaît qu'il y a "des gens dans le quartier qui ont du mal à revenir". Elle-même évite d'amener ses enfants. Mais se réjouit de l'affluence retrouvée: "Le soir et le weekend, c'est toujours blindé".

A l'extérieur, Anne-Marie s'est installée en terrasse. Ça fait "cinq ou six fois" qu'elle vient, elle "apprécie l'atmosphère en journée". Surtout, elle ressent "beaucoup de compassion, un peu d'admiration même" pour l'équipe, "pour leur niaque, pour le fait qu'ils continuent".

Derrière le comptoir justement, le barman s'active. S'il discute facilement tandis que ses mains continuent de travailler, à l'évocation des attentats, la conversation s'interrompt. Il fait non de la tête, puis tourne le dos en silence et reprend son activité.

Même réticence au Comptoir Voltaire. Une serveuse dit vouloir "tourner la page": "Je n'ai jamais pris un seul weekend depuis que je travaille ici. Le premier que je vais prendre, c'est le 13 novembre prochain!" Son patron a prévu de fermer pour l'anniversaire: "La meilleure façon d'oublier les choses, c'est de ne plus en parler".

Dans un autre bar de ce quartier "bobo" de la capitale, Pascal vient trois à quatre fois par semaine, en voisin, à la Bonne Bière. "Je n'ai pas changé mes habitudes", avance-t-il avec satisfaction. "Ravagé" par les attentats, il a guetté la réouverture, impatiemment: "C'était symbolique, c'était la vie qui reprenait, c'était le retour à la normale." Il est rassuré de constater que la brasserie a "conservé la même ambiance festive, jeune, branchée". "En fait ici, rien n'a changé, mais tout a changé... il y a une trace qui restera à vie".

Quelques tables plus loin, Orçun a atterri là par hasard. Il ne vit pas à Paris, et ne savait pas que le restaurant avait été la cible des attentats. Il s'en excuse presque. "En même temps, rien ne permet de s'en rendre compte", observe-t-il. "Et c'est tant mieux!"

En fin d'après-midi, dans une rue parallèle, une autre terrasse s'anime. Tranquille en journée, Le Carillon accueille à la tombée du jour une clientèle variée, concentrée sur quelques mètres de trottoir, dans une ambiance conviviale.

Accoudé au bar, un ancien serveur, présent le 13 novembre, profite de la soirée. Avec ses anciens collègues, il "évite d'en reparler, ça fait plus souffrir qu'autre chose". Il évoque les attaques seulement avec les familles des victimes, "quand elles ont besoin de parler".

De tous les serveurs et patrons de bar interrogés par l'AFP, il est le seul qui accepte de se confier. "On est restés sur place jusqu'à sept heures du matin, avec la police scientifique, les corps des victimes... C'était une scène de crime, ça nous a marqués", se souvient-il.

Depuis quelque temps, il travaille dans un nouvel établissement. Mais continue malgré tout de revenir au Carillon, avec le même plaisir. "C'est un lieu qui nous appartient à tous désormais", conclut-il dans un sourire.

 

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