Calais : les commerces informels de la "Jungle" dans le viseur des autorités

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 19 juillet 2016 - 21:37
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Des migrants dans la jungle de Calais.
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©Philippe Huguen/AFP
L'heure n'est pas encore officiellement au démantèlement, mais les autorités ont montré les muscles ce mardi dans la "Jungle" de Calais (Pas-de-Calais).
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L'heure n'est pas encore officiellement au démantèlement, mais les autorités ont montré les muscles ce mardi dans la "Jungle" de Calais (Pas-de-Calais), lors d'une opération d'envergure visant à contrôler les commerces sauvages, une première depuis la formation du camp.

Concentrés le long d'un chemin de la zone nord, où vivent la majorité des migrants depuis la démolition de la partie sud en mars, ces petits restaurants, cafés ou autres salons de coiffure ont été visités depuis la mi-journée et jusqu'à 17H00 par des agents de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), encadrés par un important dispositif policier.

Au total, 17 lieux de vente, sur une cinquantaine, ont été contrôlées, selon la préfecture du Pas-de-Calais. Treize personnes - dix Afghans et trois Pakistanais - ont été interpellées pour "vente à la sauvette" et leurs marchandises saisies. Quatre d'entre eux passeront en comparution le 16 octobre au tribunal de Boulogne-sur-Mer, a indiqué le procureur chargé du territoire calaisien, Pascal Marconville.

Certaines de ces petites boutiques ont également été fermées et pourront prochainement "être détruites", a ajouté la préfète Fabienne Buccio lors d'une conférence de presse. Le restaurant "Wellcome", tenu par Ali, un Afghan de 26 ans arrivé voici deux mois, est de toute évidence le prochain sur la liste: "S'ils ferment mon restaurant, je ne sais pas ce que je ferai. Peut-être le rouvrir? Je ne sais pas de quoi demain sera fait. De toute manière on ne peut rien faire face à la police."

"Je travaille ici pour passer le temps mais je souhaite rejoindre l'Angleterre. J'essaye de passer toutes les nuits", ajoute le tenancier de ce local de 10 m2, tapissé de couvertures, où on peut manger un riz-poulet pour 2 euros et boire un thé vert pour 50 centimes. "Je n'ai que l'espoir pour loi", dit encore ce grand gaillard, qui arbore sur le front une cicatrice due "à un tir de grenade lacrymogène par des policiers".

Cette action encadrée par quelque 150 policiers, sous une chaleur de plomb, s'est déroulée dans le calme. "Le réfugié de guerre a l'habitude de courber le dos et d'aller plus loin. Mais cette violence intériorisée risque de ressortir sous une autre forme, entre eux", met cependant en garde Christian Salomé, président de l'Auberge des migrants, qui exclut l'idée que ces commerçants soient aussi des passeurs. Les contrôles "ont vocation à se poursuivre" les jours prochains, selon la préfecture.

En tout, 9m3 de marchandises -cannettes, conserves mais aussi téléphones portables- ont été saisies, dont "60 kg de denrées périssables", comme de la viande avariée, "avec des risques sanitaires indéniables", ont précisé les autorités. Quelque 1.000 cigarettes roulées et plusieurs seaux de "tabac à rouler achetés en Belgique" ont aussi été saisis, a poursuivi M. Marconville.

Pour la préfecture, "ces vendeurs à la sauvette" exercent "une activité paracommerciale sur le domaine public sans aucune autorisation et dans des conditions sanitaires et de sécurité" insuffisantes.

C'est la première fois qu'une action à grande échelle est menée contre ces commerces, des lieux indéniables de sociabilisation qui ont fleuri depuis la formation de la "Jungle" au printemps 2015. Ils s'attirent régulièrement de vives critiques des commerçants de Calais, qui dénoncent une concurrence déloyale.

S'agit-il, comme l'affirme Christian Salomé, "de faire fermer les lieux de convivialité pour décourager les migrants de rester ici"? La préfecture ne le formule pas ainsi à ce stade. Et elle insiste sur le fait qu'il ne "s'agit pas du tout d'un démantèlement: c'est une étape importante mais qui n'engage peut-être pas l'avenir" et "rien n'est encore fixé à ce jour".

Cette opération coïncide en tout cas avec l'annonce le 11 juillet de la maire de Calais, Natacha Bouchart, d'un démantèlement "très prochain" de la zone nord, information non démentie par la préfecture. Une étape qui s'annoncerait autrement délicate, au vu du nombre de migrants vivant au total sur ce secteur: entre 4.500 selon la préfecture et 7.000 selon les associations.

 

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