"Jungle" de Calais : l'évacuation reprend après l'émotion des bouches cousues

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 03 mars 2016 - 13:24
Image
Le démontage des abris dans la partie sud de la jungle de Calais.
Crédits
©Philippe Huguen/AFP
"De tels faits ne peuvent que susciter une profonde émotion (...) Pour autant, rien ne justifie de telles extrémités", a estimé la préfecture du Pas-de-Calais.
©Philippe Huguen/AFP
Les travaux d'évacuation de la zone sud de la "jungle" de Calais se poursuivent, ce jeudi. Ils avaient été brièvement interrompus après que des migrants se soient littéralement cousu la bouche pour protester contre la destruction de leurs abris de fortune.

Ouvriers et pelleteuses étaient à l'œuvre ce jeudi 3 au matin pour continuer les travaux d'évacuation de la zone sud de la "jungle" de Calais, où certains migrants, dans un spectaculaire signe de protestation, sont allés jusqu'à se coudre la bouche.

Comme depuis lundi 29 février, premier jour de l'opération d'évacuation de ce secteur où vivent de 800 à 1.000 migrants selon la préfecture, mais 3.450 selon les associations, les travaux ont démarré peu avant 9h, par un vent glacial, sur la zone sud. Un hectare environ, sur une surface de quelque 7,5 hectares, a été évacué, selon la préfecture.

Sur un terrain boueux, les ouvriers de l'entreprise de BTP Sogéa et les équipes de services de l'Etat chargés de convaincre les migrants d'accepter une solution d'hébergement ailleurs que dans le bidonville, encadrés par les CRS, ont commencé à arpenter et déblayer le terrain d'un secteur où est implanté un important lieu de vie de la "jungle": "l'ashram kitchen". Cette grande tente soutenue par une structure métallique fait office de centre de distribution de repas. On y sert en permanence sandwiches et thé.

Une trentaine d'associatifs et de bénévoles, craignant que ce lieu ne disparaisse, s'étaient ainsi rassemblés devant, mercredi matin. "C'est un endroit très couru, où sont servis environ 1.000 repas par jour. Les migrants y trouvent de la nourriture chaude et du thé, c'est important pour eux, surtout pour les femmes et les enfants. J'espère qu'il ne sera pas détruit", explique l'une des bénévoles, souhaitant conserver l'anonymat. A ses côtés, dans le bruit des pelleteuses, Wadou, un Erythréen, confirme: "j'aimerais pouvoir continuer à venir tous les jours. Je n'ai rien pour cuisiner dans mon abri. Ca me rend triste".

L'ordonnance du jugement du tribunal administratif de Lille autorisant jeudi dernier l'évacuation partielle de la jungle avait cependant insisté sur la préservation des lieux à caractère "social", "culturel" ou "cultuel", "soigneusement aménagés", sans préciser si commerces et restaurants en faisaient partie. La préfecture s'était elle-même engagée à les conserver. Reste à savoir comment, sur le terrain, vont perdurer ces lieux-là, au milieu d'une zone qui aura été vidée entretemps.

L'inquiétude des réfugiés s'est aussi traduite mercredi 2 par un geste spectaculaire, suscitant une vive émotion: huit migrants iraniens, selon deux responsables associatifs, se sont cousu la bouche avec des aiguilles et du fil, puis ont défilé brièvement dans une allée du camp. "We are humans" ("nous sommes des êtres humains") ou encore "Where is your democracy? Where is our freedom?" ("Où est votre démocratie? Où est notre liberté?"), pouvait-on lire sur deux des pancartes brandies.

"Ils ont fait ça eux-mêmes de façon peu sanitaire, en stérilisant des aiguilles en les chauffant", a raconté Olivier Marteau, responsable de Médecins sans frontières (MSF) pour Calais. "Leur cabane venait d'être détruite", a expliqué de son côté François Guennoc, de l'association L'Auberge des migrants.

La préfecture, elle, ne mentionne que "deux migrants" qui se seraient cousu la bouche. "De tels faits ne peuvent que susciter une profonde émotion (...) Pour autant, rien ne justifie de telles extrémités alors même que l’Etat met tout en œuvre pour sortir les migrants des conditions indignes dans lesquelles ils survivent dans la zone sud", a réagi la préfecture dans un communiqué, alors que les images ont fait le tour des réseaux sociaux.

C'est dans ce contexte tendu que se tient ce jeudi à Amiens le sommet franco-britannique, où la question migratoire figure au centre des débats. Avec d'ores et déjà une annonce et une mise en garde. L'annonce: Londres va apporter 20 millions d'euros d'aide supplémentaire notamment à la sécurisation de Calais, selon le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes Harlem Désir. L'avertissement: la France cesserait de retenir les migrants à Calais en cas de sortie de la Grande-Bretagne de l'UE, selon le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron.

 

À LIRE AUSSI

Image
Dans la "Jungle" de Calais.
Crise des migrants : ce qu'Hollande va demander à Cameron, ce jeudi à Amiens
François Hollande reçoit ce jeudi le Premier ministre britannique David Cameron à Amiens, pour commémorer le centenaire de la bataille de la Somme. La crise des migran...
03 mars 2016 - 08:36
Politique
Image
Heurts entre migrants, activistes et CRS dans la "jungle" de Calais.
"Jungle" de Calais : retour sur une journée de démantèlement compliquée
Les travaux de démantèlement d'une partie de la "jungle" de Calais, le plus grand bidonville de France, se poursuivaient mardi sous la surveillance des forces de l'ord...
02 mars 2016 - 08:03
Société
Image
Heurts entre migrants, activistes et CRS dans la "jungle" de Calais.
CRS contre "No border" : violences lors de l'évacuation de la "jungle" de Calais
Des violences ont émaillé le début du démantèlement partiel de la "jungle" de Calais, lundi. Alors que de nombreux policiers étaient déployés sur zone pour protéger le...
01 mars 2016 - 09:44
Société

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.