Massacre du Grand Bornand : Ils ont loué le chalet de l'horreur... à leur insu

Auteur(s)
Marc-Antoine Bindler
Publié le 28 avril 2012 - 17:10
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Les Laurencières Grand Bornand
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©SIPA/Fayolle Pascal
Les Laurencières, un chalet "merveilleux".
©SIPA/Fayolle Pascal

Vendu aux enchères en 2009, le chalet du Grand Bornand où fut assassinée sauvagement la famille Flactif en avril 2003, est désormais loué aux vacanciers... sans que le drame ne leur ait toujours été systématiquement mentionné.

« Séjour de charme ». L'annonce sur le site de l'agence immobilière avait laissé Jean-Roch M. rêveur.  L'endroit ? « Les Laurencières», un chalet de 235m2, avec 18 couchages répartis dans 7 chambres spacieuses, et « deux grandes salles de bain qui ont chacune une douche et une baignoire ». Un chalet de rêve, à un prix de location défiant toute concurrence. « Nous cherchions un endroit pouvant loger 8 adultes et 6 enfants. Je suis tombé sur ce chalet avec d'excellentes prestations et un rapport qualité prix imbattable pour la région ». Et l'accueil très commerçant de l'agence l'avait tout de suite conforté dans son choix. « Au premier acompte, on nous a proposé 100 ou 200 euros de réduction et le linge de maison inclus dans le prix de location ». 
Jean-Roch et sa famille passeront donc une semaine aux « Laurencières », du samedi au samedi, pour 2.500 euros.

Ce qu'il ignorait, c'est que dans la région, « les Laurencières » sont aussi connues sous le nom de « chalet de l'horreur »... C'est en effet entre ces murs que la famille Flactif (Graziella Ortolano, Xavier Flactif et leurs enfants, Grégory 6 ans, Lætitia, 9 ans et Sarah, 10 ans) a été sauvagement assassinée le 11 avril 2003. Trois ans plus tard, David Hotyat, un voisin jaloux de la réussite de Xavier Flactif, promoteur immobilier un peu roublard, était condamné à la réclusion criminelle a perpétuité  assortie d'une peine de sureté de 22 ans. En avril 2009, la maison était vendu 315.000 euros aux enchères à un couple de retraités belges, avec une décote de 25%. Pour « faits criminels ».

"Ça nous a tout de suite refroidi"

Août 2011. La famille de Jean-Roch fait partie des tous premiers locataires du chalet. Tout le monde apprécie sa semaine et profite de l'air pur du Grand Bornand. Mais le jeudi, sur le marché de la station, le père de Jean-Roch est alpagué par un voisin : « Vous savez que vous louez le chalet du meurtre ?»L'homme ne prête pas attention à son interlocuteur, et c'est seulement le lendemain matin qu'il relate l'épisode à la famille. « Ma belle-sœur a tout de suite tiltée », se souvient Jean-Roch. « Sur internet, nous sommes tombés sur un article avec une photo du chalet intitulé "Le chalet de l'horreur" ». La fin des vacances s'annonce nettement moins sympathique. « Sur le coup, nous en avons ri, mais très vite, on a trouvé cela un peu angoissant ». A tel point que depuis la découverte du passé ses lieux, la famille évite autant que possible de rester à l'intérieur. Et quand il s'agit d'aller sortir du linge de la machine à laver, située au sous-sol, trois personnes sont « réquisitionnées ». Quant à la dernière nuit...  « On a dormi dans une chambre ou un enfant a été tué...  Le moindre bruit m'a réveillé. C'est le seul soir où nous avons fermés les volets...» se souvient-il. « On en rigole maintenant, mais si on avait l'avait su plus tôt, cela nous aurait gâché nos vacances. On était content de partir. On aurait pas pu rester deux jours de plus ».

Traces de feutres de la police

Cette mésaventure, ils ne sont pas les seuls à l'avoir vécu. Elle est également arrivée à H.P., mère de famille de 36 ans. Elle a loué « les Laurencières » avec un groupe d'amis et leurs enfants en février. Dès le départ, elle avait trouvé le comportement de l'agence anormal : « J'avais été frappé par l'attitude la fille de l'agence lors de la remise des clefs. Elle ne nous a pas demandé nos chèques de caution et ne nous a jamais regardé dans les yeux ». H.P. raconte que si le chalet a été refait en partie, il reste néanmoins des stigmates du drame : « La cuisine n'a pas été changée », s'offusque-t-elle « Le plan de travail ou a été tué un des enfants est toujours le même et il reste des traces de feutres de la police mal nettoyées sur une porte. Dans les chambres, les portes ont du mal à fermer en raison du parquet flottant posé sur la moquette ou une des fillettes est morte ». 

Mis au courant par des journalistes venus filmer le chalet à l'occasion de la sortie du film « Possessions », inspiré du faits divers, le groupe d'amis choisit d'alerter l'agence. Celle-ci s'est justifiée maladroitement en mettant en avant le fait « de ne pas savoir à quel moment prévenir ». « Ce qui me scandalise, c'est que nous ne sommes pas face à une histoire de mari jaloux. C'est une histoire d'une violence extrême et louer ce chalet a des familles avec des enfants, c'est scandaleux ». Contactée en janvier par France-Soir à l'occasion d'un premier article, une responsable de l'agence immobilière affirmait pourtant à l'époque « toujours prévenir ses clients du drame qui s'y est noué ». Or H.P. a loué ce chalet en Février... De nouveau contactée, l'agence, qui assure n'avoir absolument aucune obligation légale de prévenir ses clients, affirme le faire désormais « systématiquement  avant le versement du premier acompte » ... depuis février.

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