"On nous colle" une "étiquette" : des Gilets jaunes face à l'antisémitisme

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Par Benoît FAUCHET avec les bureaux de l'AFP en région - Paris (AFP)
Publié le 23 février 2019 - 17:52
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Un Gilet jaune lève le poing en manifestant sur les Champs-Elysées à Paris le 23 février 2019
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© Zakaria ABDELKAFI / AFP
Un Gilet jaune lève le poing en manifestant sur les Champs-Elysées à Paris le 23 février 2019
© Zakaria ABDELKAFI / AFP

"Comme le gouvernement n'arrive pas à arrêter ce mouvement, on nous colle l'étiquette d'antisémites", souffle Karim, qui a écrit "Pas en mon nom" sur son gilet. Or il en est convaincu: la haine antijuive n'est le fait que d'une "petite minorité" de "gilets jaunes".

Le mouvement a essuyé des accusations d'antisémitisme, notamment le week-end dernier avec les insultes lancées contre l'intellectuel Alain Finkielkraut.

Plusieurs incidents ont eu lieu avant ce samedi, 15e journée de manifestations: chanson de la "quenelle" (nom d'un salut nazi inversé) devant le Sacré-Coeur à Paris, banderole éphémère "Macron = Drahi = Attali = Banques = Médias = Sion" déployée sur un rond-point près de Lyon...

La tentation du complotisme et un antisionisme virulent n'épargnent par certaines figures du mouvement, tel Maxime Nicolle dit "Fly Rider", qui a jugé dans une récente vidéo qu'"être sioniste" était "raciste", et "même pire que ça, parce que quand on s'y intéresse, c'est vraiment dégueulasse".

Samedi, les manifestants descendant les Champs-Elysées évoquent peu la question, et portent plutôt des revendications sociales, fiscales et politiques - le RIC, ou référendum d'initiative citoyenne, est toujours bien présent.

Mais Nathalie Labedade, 46 ans, venue de Sevran (Seine-Saint-Denis), en jaune de la tête aux pieds, ne cache pas ses opinions. "Free Palestine", "Séparation du CRIF et de l'Etat", "Contre les fachos sionistes", lit-on sur sa chasuble couverte d'inscriptions.

Elle dit être là "contre le racisme" tout en fustigeant, volubile, ceux qui veulent "semer la division" en ne parlant jamais "des cimetières chrétiens profanés ou des musulmans attaqués".

- "Pas gangrené" -

Karim Mohammedi est sur une autre ligne. Parce que "c'est hyper d'actualité" et qu'il préfère répondre par avance aux soupçons, cet électricien arbore un gilet noirci au marqueur de slogans comme "Unis contre l'antisémitisme" et "Pas en mon nom".

"Bien sûr que tout n'est pas rose", relève-t-il. "Mais quand j'entends Philippe Val (ancien directeur de Charlie Hebdo, NDLR) parler de +gilets de la honte+ antisémites... Il fait d'une petite minorité la majorité", peste ce Franco-Algérien de 41 ans.

Et quand la parole dérape, elle est immédiatement réprimée, assure Pierre à quelques mètres de là. "Tout à l'heure un type bourré a crié +Je laisserai jamais la France devenir l'esclave des juifs+", on lui est tous tombés dessus", raconte cet étudiant en histoire, qui a "plus d'exemples d'antisémites dans (sa) fac", à Cergy, que parmi les "gilets jaunes".

A Marseille, un couple de retraités se souvient aussi que, lors d'une précédente manifestation, des "gilets jaunes" en avaient expulsé un autre faisant l'apologie d'Hitler. "Le mouvement n'est pas gangrené (...), mais c'est difficile d'empêcher que des salopards s'agrègent", analyse le mari, Jean-Louis Bertocci.

"Ce qu'il s'est passé la semaine dernière vis-à-vis de +Finkielmachin+ c'est des individus isolés. J'ai jamais rien entendu contre les Arabes, les islamistes, les juifs chez les +gilets jaunes+", affirme dans le même cortège Xavier, 42 ans, animateur dans le social.

A Nice, "Fafa", 56 ans, s'agace: "Cela fait quatorze semaines qu'on se tape du pavé (...) et il y a pas eu de problème, pas de cassage ou de paroles antisémites. J'ai pas à me justifier, c'est un truc de fou!"

Même message à Bordeaux où Maïté, 63 ans, pense que les "gilets jaunes" ne sont "certainement pas antisémites". "La preuve c'est que chez nous on a eu des croix gammées sur les boîtes aux lettres et sur les murs, avec toujours les mêmes inscriptions comme +Force à Daech!+ et +Fuck les gilets jaunes+, alors voyez, les croix gammées, c'est pas nous", lance cette retraitée de la grande distribution.

Au Rond-point des Champs-Elysées à Paris, un attroupement médiatique se forme autour d'un homme portant une kippa. "Les juifs, on n'est pas contre les +gilets jaunes+, et les +gilets jaunes+ ne sont pas racistes", souligne ce sexagénaire se présentant comme "Hubert Bokobza", "Tunisien, Israélien, Français et sioniste".

Un homme accourt à ses côtés, et lance à l'adresse des caméras: "Arrêtez de stigmatiser pour diviser. Bien sûr que nous, on n'est pas antisémites!"

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