Prison : un rabbin, victime d'un attentat, veut guérir les islamistes de leur haine

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 24 février 2016 - 12:44
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Deux rabbins portant une kippa.
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©Régis Duvignau/Reuters
"Je ne viens pas pour les juger mais pour leur parler en frère", a notamment déclaré le rabbin.
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Blessé à la jambe lors de l'attentat de la rue des Rosiers le 9 août 1982, Guy Benarousse souhaite guérir les islamistes de leur haine en donnant des conférences en prison. Pendant deux heures, ce rabbin s'exprime régulièrement devant des détenus radicalisés.

Guy Benarousse avait 16 ans quand les balles d'un terroriste ont pulvérisé son genou. Trente-quatre ans plus tard, ce rescapé de l'attentat de la rue des Rosiers témoigne devant des détenus islamistes: des "frères" que ce rabbin entend "guérir de leur haine".

"Je ne fais pas de déradicalisation", prévient d'emblée ce rescapé de l'assaut de 1982 contre un restaurant juif à Paris, à propos des conférences qu'il donne en prison, "kippa sur la tête", à la demande de l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT). "Je porte la parole des véritables victimes à ceux qui se voient eux-mêmes comme des victimes", explique à l'AFP ce responsable de la communauté juive de Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne). C'est le point de départ de ces groupes de parole, "deux heures à bâtons rompus et sans tabou", initiés après les attentats de janvier 2015.

Sans en dire davantage, il raconte avoir vu "beaucoup de souffrance" chez ces condamnés. Avec sa jambe handicapée, témoin de sa douloureuse reconstruction, cet ingénieur de 50 ans s'est déjà rendu trois fois dans les prisons franciliennes de Fresnes et d'Osny, où l'AFVT expérimente un programme destiné aux détenus radicalisés. "Je ne viens pas pour les juger mais pour leur parler en frère", répète Guy Benarousse, convaincu que ce contact humain élémentaire est capable de "transformer en paix la haine qu'on a mise dans leur cœur".

Dès le début, "ils veulent m'entraîner sur le terrain géopolitique", allusion au conflit israélo-palestinien, qu'il refuse d'évoquer. Le rabbin leur oppose ses principes: "impossible de se faire justice soi-même", "rien ne peut justifier d'ôter la vie", "abandonner la logique du +c'est pas moi qui ai commencé+". Etape suivante: démonter les préjugés. "Une fois, un détenu m'a dit: +On m'a toujours répété que les juifs étaient antipathiques; vous êtes le premier que je rencontre et j'ai beaucoup de mal à vous détester+", se souvient-il en riant.

Les attentats de 2015 ont ravivé en lui un devoir de témoigner: "A Charlie Hebdo, on a tué des gens qui aimaient rire, et en novembre des gens qui aimaient vivre". "Le but des terroristes est de terroriser jusqu'à ce que vous n'ayez plus envie de vivre: si vous vous laissez enfermer là-dedans, ils ont gagné", soutient celui qui retourne souvent rue des Rosiers et à l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, où il a ses habitudes.

Même dans sa synagogue, il refuse de parler de sa foi, "ce serait du prosélytisme". Alors il prêche son amour de la République et de la laïcité "que le monde nous envie". "La liberté, ça on connaît; l'égalité, on en est au début; mais la fraternité, tout le monde l'a oubliée".

Le rêve de Guy Benarousse? "L'esplanade des religions", qu'il promeut à Bussy. Aux détenus, il aime plus que tout décrire ce projet lancé en 2009, "unique au monde" selon lui: construire côte à côte, au cœur de la cité, des lieux de culte pour différentes communautés.

Un temple taïwanais et une pagode laotienne sont déjà sortis de terre depuis 2012 dans cette ville-champignon près de Disneyland. La mosquée a été inaugurée en 2014, à cinq mètres seulement d'un terrain en friche destiné à la future synagogue. Depuis dix ans, les 120 familles juives de Bussy et de ses alentours se contentent pour l'instant d'un préfabriqué minuscule, sur un terrain vague.

"A chaque fois qu'il y a un attentat, le budget de la construction de la synagogue augmente: blindage des fenêtres, vidéosurveillance...". Un million d'euros doit être trouvé grâce à un financement participatif. "Il ne s'agit pas de cohabiter ou d'avoir des discussions théologiques entre clercs, mais bien de vivre ensemble", insiste-t-il: "c'est peut-être utopique mais j'y crois dur comme fer".

 

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