La revue d’actu de France-Soir : semaine du 5 juin 2023

Auteur(s)
Wolf Wagner, pour France-Soir
Publié le 11 juin 2023 - 09:50
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1984 was not supposed to be an instruction manuel
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« 1984 n’était pas censé être un manuel d’instruction »
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La revue d’actu de France-Soir est une revue de presse hebdomadaire articulée autour de l’actualité politique, économique et médiatique, tant française qu’internationale. Sans pour autant chercher à les ignorer, cette rubrique n’a pas vocation à s’attarder sur les sujets les plus discutés de la semaine. Elle s’attache plutôt à revenir – avec un regard gentiment acerbe – sur des nouvelles parfois passées inaperçues au milieu de l’intense flux d’informations hebdomadaires.


Au programme de la « RDA » de France-Soir cette semaine : surveillance et terrorisme numériques, carnets internationaux de vaccinations, Aurore Bergé, Didier Maïsto, BHL, Raphaël Enthoven… mais aussi l’Ukraine et ses symboles nazis, ses services secrets, leur opération de sabotage et leur pouvoir de censure.

Ambiance… années 30, voire 40, pour cette deuxième RDA.



FRANCE 

Lundi, La Quadrature du Net revenait sur l’affaire dite « du 8 décembre » 2020 dans laquelle la DGSI reprochait à des membres de « l’ultra-gauche » d’utiliser des messageries chiffrées « comme Signal, WhatsApp, Wire, Silence ou ProtonMail » et d’avoir eu « recours à des outils permettant de protéger sa vie privée sur Internet comme un VPN, Tor ou Tails ». Pour le Parquet national antiterroriste, cette recherche de « clandestinité » représente « des faits matériels » suffisants pour caractériser « la participation à un groupement formé […] en vue de la préparation d’actes de terrorisme ».

Interloquée par les motifs retenus, La Quadrature du Net se demandait si les renseignements français envisageaient également « [d’]accuser (…) de clandestinité la Commission Européenne qui a, en 2020, recommandé [l’]utilisation [de Signal] à son personnel ».

Entre surveillance de l’ultra-gauche et de l’ultra-droite, reste-t-il encore un peu de temps à la DGSI pour s'intéresser à l’ultra-centre ?

Mercredi, Public Sénat rapportait que la chambre haute du Parlement, qui « poursuivait l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice pour la période 2023-2027 », venait de voter un amendement en vue de légaliser « l’activation à distance des téléphones portables à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ». À terme, si ce projet de loi aboutissait, ce texte permettrait d’autoriser « l’activation d’un appareil électronique à distance dans le but de géolocaliser une personne » ou « l’activation à distance de la caméra et du micro de ces appareils pour des affaires de terrorisme, ou relatives à la criminalité organisée ».

Lundi : les utilisateurs de messageries chiffrées deviennent des « terroristes ».
Mercredi : un amendement est adopté pour géolocaliser et écouter à leur insu les « terroristes ».

Jeudi, Reporterre, « le média de l'écologie », revenait sur le cas de ces « militants écologistes arrêtés le 5 juin au matin (…) par la brigade de recherche et d’intervention (BRI) et les brigades antiterroristes. (…) Ressortis libres et sans contrôle judiciaire, ils sont restés quatre jours en garde à vue, où ils ont été interrogés sur leurs positionnements politiques et cuisinés sur leurs convictions anticapitalistes et écologiques. (…) Les forces de police cherchant à savoir si les militants cautionnaient “la violence lors des manifestations”, le sabotage ou encore les querelles entre pacifistes et black bloc ».

Pour l’un « des proches des militants », ce coup de filet a surtout consisté à « priver de liberté pendant quatre jours quelqu’un sans aucune justification ». Un autre familier de l'affaire s'interrogeait : « le dossier judiciaire est-il trop fragile pour passer devant le juge ? Les autorités continuent-elles l’enquête ? N’est-ce qu’un coup de pression pour essayer de tordre la mobilisation ou une manière de faire du renseignement ? Il y a encore beaucoup de mystère autour de cette opération policière ».

Actuellement, en France, il y a encore beaucoup de mystère autour de nombreuses situations.

Ce même jeudi, en fin de matinée, quelques minutes après que sa famille politique ait empêché le débat législatif au Parlement sur la réforme des retraites, mais aussi quelques heures après une attaque sanglante à Annecy, Aurore Bergé réussissait l'exploit de relier les deux actualités entre elles.

Depuis les coursives du Palais Bourbon, au micro de LCP, la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale déclarait « [qu’]être en ce moment dans l'hémicycle avec une espèce de bataille de chiffonniers sur une recevabilité ou non d'amendements nous paraît en total décalage par rapport à l'effroi qui submerge notre pays quand des enfants sont pris pour cibles, quand des enfants sont attaqués et qu’apparemment, certains d’entre eux, de très jeunes enfants, sont en urgence absolue ».

Si, encore, Aurore Bergé était parvenue à lâcher une petite larme durant cette intervention, peut-être se serait-elle ensuite évitée la vague d’indignations qui s’en est suivie… comme, par exemple, celle de Didier Maïsto. Sur Twitter, le journaliste indépendant, ancien patron de Sud Radio, constatait « qu’au moment même où la minorité présidentielle enterre la démocratie à l’Assemblée nationale, elle fait une pause pour improviser une conférence de presse putassière sur la tragédie d’Annecy, n’hésitant pas à instrumentaliser celle-ci, en tentant, par cette infamie opportuniste, de justifier l’injustifiable.

Même pas l’once d’un commencement de début de dignité, tout est exploité jusqu’à la moelle de la façon la plus décomplexée pour de la petite politique politicienne dégueulasse. Ces gens-là sont dégueulasses, irrémédiablement et définitivement dégueulasses. Ils ne nous représentent en rien, nulle part, jamais ».

La veille, déjà, Didier Maïsto était très remonté contre « la macronie et ses alliés microscopiques LR [qui] aiment tellement la démocratie qu’ils ne vont jamais au vote, au nom du “respect de la Constitution”, de “l’intérêt supérieur de la nation” et “des générations futures”, afin de “sauver le régime par répartition ». Pour l’ancien PDG de Sud Radio, « ces gens-là ont instauré un régime qui n’a plus rien à voir avec la démocratie ».

Un régime que le journaliste se souvient avoir qualifié, dès 2017, de « fascisme soft ».


MONDE

Lundi, BFMTV rapportait que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et son directeur, Tedros Adhanom Ghebreyesus, allaient prochainement adapter au niveau international « le certificat Covid numérique de l'Union européenne » dans le but de « "faciliter la mobilité" [et] de "protéger les citoyens du monde entier contre les menaces pour la santé, y compris les pandémies" ».

Pour BFM, « ce dispositif représente le premier élément constitutif du réseau mondial de certification sanitaire numérique de l'organisation, qui doit mettre au point "un large éventail de produits numériques pour améliorer la santé de tous", tels que des carnets internationaux de vaccinations numériques ».

Le directeur de l’OMS souhaite d'ores et déjà voir plus loin. Selon lui, ce réseau « pourrait également jouer un rôle crucial dans les situations humanitaires transfrontalières en garantissant l'accès des personnes à leur dossier médical lorsqu'elles traversent les frontières en raison d'un conflit, d'une crise climatique ou d'autres situations d'urgence » .

Un véritable philanthrope ce Tedros !

Sans transition… ou presque, le New York Times s’attardait, ce lundi, sur ces « symboles nazis [observés] sur les lignes de front de l'Ukraine [qui] mettent en lumière les épineux problèmes de l'histoire ». Dans un tweet, le quotidien déplorait que « la décision de certains soldats ukrainiens de porter des écussons avec des icônes nazies menaçait de renforcer la propagande russe utilisée pour justifier l'invasion. Cela pourrait également redonner une vie courante à ces symboles après les efforts déployés depuis des décennies par l'Occident pour les éliminer ».

Du « fascisme soft » au nazisme pur… il y a désormais moins de trois heures d'avion.

Mardi, le Washington Post décortiquait une partie des douze documents classifiés récemment mis en ligne sur le sabotage de Nord Stream. Le quotidien rapportait que « la CIA a appris en juin dernier, via une agence d'espionnage européenne, qu'une équipe de six membres des forces d'opérations spéciales ukrainiennes avait l'intention de saboter le projet de gaz naturel Russie-Allemagne ». Joe Biden en aurait été informé… sans que cela ne change quoi que ce soit. Contactés par le quotidien, les « dirigeants ukrainiens », « la Maison Blanche » et « la CIA » n’ont pas souhaité commenter la nouvelle.

Telle une cerise sur le gâteau, le Post ajoutait que « des responsables européens de plusieurs pays ont discrètement suggéré que l'Ukraine était à l'origine de l'attaque, mais ont résisté à le dire publiquement, craignant que le fait de blâmer Kiev ne rompe l'alliance contre la Russie ».

Avoir su étouffer le Mers el-Kébir des pipelines pour éviter qu’il y ait de l’eau dans le gaz au sein de l’alliance anti-russe relève presque du génie… ou de la trahison.

Toujours concernant l’Ukraine, mercredi, Matt Taibbi, l’un des journalistes ayant contribué à la révélation des « Twitter Files », se demandait « combien de membres intrépides de la presse dominante s’indigneraient du fait que a) les services secrets ukrainiens ont demandé au FBI de "bloquer" le travail d'un journaliste canadien, Aaron Maté, et b), pire, le FBI a effectivement suivi cette demande ».

Le document publié par Matt Taibbi montre que le SBU ukrainien a demandé au FBI de bloquer tous les comptes « utilisés pour disséminer de la désinformation et des fausses informations qui reflétaient de manière inexacte les évènements en Ukraine » et – tant qu'à faire – de fournir également « les données des utilisateurs » ciblés.

SBU et FBI, les services secrets... de polichinelle.

Dans un autre registre, ce même mercredi, The Telegraph nous donnait des nouvelles de Jacinda Ardern, l’ancienne Première ministre néo-zélandaise. Celle qui, en octobre 2020, en pleine pandémie de Covid, était encore présentée par RFI comme « jeune, féministe, progressiste, moderne, charismatique » – au point d’être devenue « la coqueluche de la presse internationale depuis son accession au pouvoir en 2017 ». Le quotidien britannique nous explique que Jacinda Ardern n’aurait finalement plus tellement le vent en poupe au pays des kiwis. En cause ? Sa gestion de la crise sanitaire qui serait à présent assimilée à celle d’un « tyran et [d’]une hypocrite ». En tête des reproches, celui d’avoir « maintenu son pays dans un confinement strict, qui a causé une immense souffrance, en particulier à l’étranger pour tous ceux qui n’ont pas eu le droit de rentrer chez eux ». L’article du Telegraph ne résiste d'ailleurs pas à rappeler qu’en janvier 2023, « l’impopulaire Première ministre avait quitté son job “épuisée” pour passer plus de temps avec sa famille »… soit un plaisir que « tant de néo-zélandais se sont vus refuser à cause de (…) Jacinda Ardern ! ».

Du progressisme (politicien) à la tyrannie, l'ascension fulgurante de « la coqueluche de la presse internationale » !


ÉCONOMIE

Mardi
, L’Humanité relayait une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) qui remarque « [qu’]au lieu de progresser, le taux d’imposition [devient] dégressif à mesure que l’on monte dans l’échelle des plus hauts revenus. ». Selon l’IPP, ce « taux d’imposition globale apparaît progressif jusqu’à des niveaux élevés de revenu puis devient régressif pour le sommet de la distribution : il atteint en effet 46 % pour les foyers les 0,1% des plus riches puis descend à 26% pour les 0,0002% les plus riches. ».

Résultat : selon L’Huma, « les 378 contribuables français les plus fortunés ne paient que 2 % d’impôts ». De son côté, La Croix observe « [qu’]au total, 75 milliardaires paieraient aujourd'hui environ 500 millions d'euros d'impôt sur le revenu, alors que, s'ils étaient imposés sur la totalité de leurs revenus, cette recette fiscale remonterait à près de 12 milliards d'euros ! ».

La source principale du ruissellement économique est manifestement obstruée par un puissant barrage politique.

Le même jour, dans une tribune parue dans Le Monde, « plus de 70 économistes internationaux » rappelaient que « la France et l’Inde organisent les 22 et 23 juin à Paris un Sommet international pour un “Nouveau pacte financier mondial”, qui affiche la volonté de réformer l’architecture financière internationale ». Une « architecture » qui, selon le site internet du sommet, devrait être capable de « garantir la pérennité et la prévisibilité du financement de l’action climatique et de la lutte contre la pauvreté ». Pour cela, plusieurs pistes seront abordées, dont celles de « réformer les institutions financières internationales » ou de « renforcer et réaffirmer le rôle des financements privés ».

Toujours davantage augmenter la part des financements privés dans des institutions internationales, soit, en définitive, un mode de fonctionnement calqué sur celui de l'OMS.

Un gage de confiance et de transparence indéniable.

Jeudi, Le Canard Enchaîné s’amusait « des ricains qui peuvent dire "thank you" à Macron ! Basé aux îles Caïman et propriétaire du groupe aéronautique toulousain Latécoère, Searchlight a obtenu l’effacement de 183 millions d’euros de dettes, dont 60% de prêts garantis par l'État… ».

Prendre à la communauté pour donner aux riches, l'exercice préféré du Robin des banques français !


MÉDIAS

Lundi, dans un communiqué, le Syndicat National des Journalistes (SNJ) révélait qu’une journaliste du Télégramme avait été « convoquée au commissariat de police de Lorient, le 25 mai dernier, en vue d’une audition (…) pour “violation du secret de l’instruction et recel de violation du secret de l’instruction ». En d’autres termes, le Procureur de la République de Vannes souhaitait connaître les sources de la journaliste… qui, selon le SNJ, « a bien évidemment refusé (…), comme le permet la loi du 4 juillet 2010 ».

Une pression envers les journalistes qui aurait tendance à se multiplier selon le syndicat qui rappelle que cette audition serait « interven[ue] après des procédures similaires. La dernière en date, début avril, concernait deux journalistes de Ouest-France et du Courrier de l’Ouest ».

Au nom de la loi... bafouons-la !

Très actif sur Twitter cette semaine, Didier Maïsto s'imaginait, mardi soir, ce que pourraient être les « prochaines séquences [politiques] : une énième loi de façade sur l’immigration pour détourner l’attention et hystériser encore la société, l’accélération de la destruction de tous nos droits, un Pass Vaccinal mondial sous l’égide de l’OMS avec la collaboration de l’Union européenne (et surtout de la Commission, qui dirige de fait), une attaque en règle de la Sécu, la réduction à leur portion congrue de nos services publics, déjà bien entamés, comme de nos libertés, sans oublier une grande loi sur les fake news, déclinée par les fact checkers financés par de l’argent public. Bientôt Manu dans sa piscine et en jet-ski à Brégançon, entre deux vidéos Tik Tok sur la guerre en Ukraine au nom de “nos valeurs”, des médias pour nous commenter tout cela H24, des hôtels pleins à craquer, des plages bondées… et des cons qui comptent leurs centimes dans l’indifférence générale.

France, 2023. ».

Jusqu’ici tout va bien ! L’important ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage.


DIVERS

Lundi, Éric Morillot, journaliste indépendant, ancien de CNews et de Sud Radio, partageait un tweet du Los Angeles Press Club qui annonçait que le 25 juin 2023 « Bernard-Henri Lévy serait le lauréat du prix Daniel Pearl 2023 ». Une récompense remise à BHL « pour son courage et son intégrité dans le journalisme ».

Courage, intégrité, journalisme... et BHL. Le Malraux du pauvre devrait apprécier ce triple oxymore.

Mardi, Le Figaro annonçait que l’essayiste Raphaël Enthoven avait accepté de passer l’épreuve du bac de philo afin de se mesurer à ChatGPT. Le quotidien précise que « ce “match des intelligences” sera arbitré par Éliette Abécassis, femme de lettres et réalisatrice agrégée de philosophie ». Elle sera en charge de corriger les copies de l’intelligence artificielle et du sophiste.

ChatGPT affrontera-t-il ensuite un philosophe ? La question reste entière.
 

  • Wolf Wagner, journaliste indépendant pour France-Soir

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