Bisphénols : les soupçons sur les perturbateurs endocriniens s'élargissent

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 23 janvier 2016 - 17:51
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Un enfant boit son biberon.
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©Closon/Isopix/Sipa
Le Bisphénol A a notamment longtemps été présent dans les biberons.
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Les perturbateurs endocriniens tels que le Bisphénol A, présents dans de nombreux produits de consommation courante, inquiètent de plus en plus les spécialistes. Outre l'infertilité, ils seraient responsables de plusieurs autres pathologies.

Accusés depuis longtemps de diminuer la fertilité humaine, les perturbateurs endocriniens, comme le Bisphénol A, sont de plus en plus soupçonnés d'avoir d'autres effets nocifs, notamment sur le système immunitaire et la fonction respiratoire chez l'enfant, ou encore de favoriser le diabète.

"Aujourd'hui, nous commençons à avoir des confirmations chez l'homme d'un certain nombre d'effets qui étaient prouvés expérimentalement chez l'animal", explique Gérard Lasfargues, directeur général adjoint de l'Agence française de sécurité alimentaire et sanitaire (Anses), à l'occasion d'un colloque à Paris sur les perturbateurs endocriniens.

Substances chimiques ou naturelles, les perturbateurs endocriniens, qui incluent des pesticides, des phtalates, le bisphénol A (revêtement plastique des canettes, boîtes de conserve...), interfèrent dans le système hormonal humain.

"Le grand enseignement de ces dernières années est que le focus s'est élargi: on ne parlait que de l'impact sur la reproduction, on parle aujourd'hui des systèmes immunitaires, de cofacteurs vis-à-vis de certains cancers (sein, prostate), de maladies métaboliques", observe Bernard Jegou, chercheur à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Ces produits "sont un enjeu de santé publique", estiment de nombreux chercheurs.

"On ne peut pas faire l'impasse sur le fait que depuis la dernière guerre mondiale, il y a des dizaines de milliers de produits chimiques qui ont été utilisés", non sans répercussions sur la santé, souligne Bernard Jegou.

"L'augmentation de la prévalence du diabète suit dans les dernières décennies exactement l'évolution de la production industrielle mondiale de produits chimiques", note pour sa part Patrick Fenichel, chercheur au CHU de Nice.

"On sait que la sédentarité et la suralimentation conduisent à l'obésité qui favorise le diabète de type 2. On sait que l'âge augmente le risque de diabète. Mais il n'est pas possible aujourd'hui avec ces facteurs classiques d'expliquer l'évolution impressionnante" de la maladie, dit-il.

En 2000, l'OMS tablait sur une prévision de 330 millions de diabétiques à travers le monde en 2030. "En 2013, la fédération internationale de diabète avait déjà recensé un chiffre largement supérieur: 380 millions", déplore-t-il. Bien que les études se soient multipliées, l'un des grands défis des chercheurs est de déterminer à présent avec certitude le rôle exact joué par ces substances chimiques.

Quel est leur impact à faible dose? Leurs substituts sont-ils inoffensifs? Quel est le risque potentiel lorsque ces substances sont mélangées entre elles? Autant de questions pour les chercheurs qui suspectent notamment des "effets cocktails" où les mélanges auraient un effet beaucoup plus important que celui de ces substances prises séparément.

En attendant des résultats irréfutables, "cela n'empêche pas de faire des recommandations pour limiter, voire interdire, l'usage d'un certain nombre de substances à partir du moment où on a une suspicion", insiste Gérard Lasfarges.

La France a ainsi contribué à l'interdiction en 2011 de l'utilisation du bisphénol A pour les biberons en plastique au sein de l'Union européenne. La France a en outre banni cette substance depuis janvier 2015 de toutes les boîtes et bouteilles à usage alimentaire. Elle est aussi favorable à l'interdiction de produits courants: pesticides, isolants alimentaires ou composants de cosmétiques.

Mais elle se heurte à un désaccord entre les Etats membres de l'UE "sur la définition du perturbateur endocrinien", qui devait être arrêtée en 2013 mais a été repoussée en 2017, poursuit Gérard Lasfargues. La ministre de l'Ecologie Ségolène Royal a fait savoir jeudi qu'elle avait "saisi officiellement des commissaires européens" pour faire "bouger plus vite" la Commission sur ce dossier, face au lobby des industriels.

"Les industriels ne devraient pas voir le développement des recherches comme une menace mais comme une possibilité d'accroître la confiance du public dans les produits industriels", réagit Bernard Jegou. Certains ont d'ailleurs déjà fait de l'absence du bisphénol A ou de paraben dans leurs produits un argument marketing, note le chercheur. "C'est bon pour les affaires aussi".

 

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