Des médecins dans l'incapacité d'exercer pour une histoire de délais

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 20 décembre 2016 - 13:54
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Une consultation médicale.
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©Valinco/Sipa
Les futurs généralistes ont un délai de trois ans après la fin de leur internat pour leur soutenance, sauf dérogation.
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Entre quelques dizaines et une centaine d'anciens étudiants en médecine ne peuvent exercer en France à cause d'un retard dans la soutenance de leur thèse. Une situation qui pourrait enfin évoluer grâce à un amendement.

Malgré son bac +8 en médecine générale et ses 17 ans d'expérience au Samu, Christian Gauchet, 47 ans, a dû se reconvertir comme agent immobilier. Comme lui, des dizaines de médecins ont été subitement interdits d'exercer pour ne pas avoir soutenu leur thèse à temps.

Une situation ubuesque que la ministre de la Santé, Marisol Touraine a promis de "traiter" fin novembre. Et qui fait l'objet d'un amendement gouvernemental au projet de loi montagne, qui sera examiné en deuxième lecture mercredi.

"Enfin quelque chose de concret" réagit pour l'AFP Christian, reprenant espoir après 4 ans de chômage forcé. A l'origine de ses déboires et de ceux de ses confrères dits "privés de thèse", un décret paru en 2004 lors d'une réforme des études médicales. Ce texte obligeait tous les étudiants généralistes de l'ancien régime - les résidents - à soutenir leur thèse avant la "fin de l'année universitaire 2011-2012". Problème : "personne ne nous a prévenus", s'indigne Christian.

Les futurs généralistes ont un délai de trois ans après la fin de leur internat pour leur soutenance, sauf dérogation. Mais pour les anciens résidents, "aucune date limite n'existait", assure Christian. Certains profitaient donc de la possibilité d'exercer temporairement sans diplôme, sous certaines conditions, notamment comme remplaçant, ou mettaient leur carrière entre parenthèse pour des raisons personnelles avant d'obtenir leur précieux sésame.

C'est ainsi que Christian a pu exercer une dizaine d'années comme "faisant fonction d'interne" dans les hôpitaux de Strasbourg et Saverne. "Le nez dans le boulot" et dans sa vie de famille, "déconnecté du travail estudiantin", le Strasbourgeois repousse l'échéance jusqu'en 2013, après la fin d'un contrat. Mais quand il retourne à la fac pour soutenir sa thèse, "finalisée", on lui annonce qu'il est hors délai.

"C'était l'effondrement total. Je me suis retrouvé avec l'équivalent d'un simple bac, il n'y avait aucune passerelle" pour devenir infirmier, par exemple, relate celui qui est tombé en dépression. Sans emploi, ni indemnité chômage (en raison de son statut d'étudiant), il finit par demander le RSA. "Je suis toujours allocataire", confie-t-il aujourd'hui, peinant à démarrer sa nouvelle activité dans l'immobilier après une formation cet été.

Ces résidents ayant validé toute leur formation, sauf leur thèse, le syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) en a recensé une quarantaine. L'Ordre des médecins, qui "interpelle les autorités depuis 4 ans", n'a de son côté reçu que 27 dossiers, tempère son vice-président Patrick Romestaing. Mais "on pense qu'ils sont au moins une centaine", assure Christine Wyttenbach (SNJMG), misant sur la médiatisation de l'affaire pour en "retrouver d'autres".

De fait, rares sont ceux qui osent témoigner. Il y a "un sentiment de honte même s'il n'est pas justifié", explique Laetitia Monnier, une Rémoise de 42 ans, elle aussi privée de thèse. Dépression, divorce et autres "péripéties" l'ont tenue éloignée de la fac jusqu'en 2013. Après avoir "enchaîné les CDD, les mi-temps", notamment comme "vendeuse en charcuterie", elle suit désormais une formation en conduite de ligne de production dans l'industrie.

Virigine Lacombe, 50 ans, entame elle sa deuxième année en sophrologie, frustrée de ne pouvoir exercer malgré le manque de généralistes. "Il y a énormément de départs à la retraite autour de moi" constate-t-elle. "Certains confrères mettent des années à trouver un successeur pour éventuellement faire appel à des étrangers... On est là, nous", lance cette Normande.

Certes, une "remise à niveau" s'impose, reconnaît Virginie, qui a arrêté d'exercer en 1999 pour s'occuper de ses quatre enfants. Mais pas question de "mettre son CV à la poubelle" en passant les épreuves classantes nationales (ECN) et en faisant trois nouvelles années d'internat, solution privilégiée par l'Ordre des médecins.

"C'est important de les remettre dans un cursus normal" pour vérifier leurs compétences et pour le bien des patients, justifie Patrick Romestaing. Pour l'heure, l'amendement gouvernemental prévoit que les "résidents" pourront se réinscrire à l'université pour présenter leur thèse, dans des conditions qui restent à déterminer.

C'est encore flou mais "au moins les choses bougent", commente Virginie, qui a un sujet de thèse tout trouvé, en lien avec la sophrologie.

 

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