Malgré des résultats très mauvais en réanimation, l’APHP envoie ses recommandations au Liban

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FranceSoir
Publié le 02 novembre 2020 - 19:45
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Malgré des résultats très mauvais en réanimation, l’APHP envoie ses recommandations au Liban
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ANALYSE : La crise du Covid-19 continue. Le ministre de la Santé nous déclare que les réanimations sont sous tension. Le professeur Raoult et l’IHU voient leur demande de règlement temporaire d’utilisation de l’hydroxychloroquine refusée par l’ANSM (Agence Nationale de la Santé et du médicament).  Une saisine du Conseil d’État est en cours, nous dit l’avocat de l’IHU , Me Di Vizio,  ainsi qu’une plainte au pénal, contre le directeur de l’ANSM pour non-assistance à personne en danger.  L’AP-HP (Assistance Publique Hôpitaux de Paris), qui pourtant a eu le taux de mortalité le plus élevé de France en réanimation lors de la première vague (environ 40%), a de façon inattendue émis des recommandations de prise en charge des patients Covid+ dans un document intitulé "Recommandations de prise en charge des patients COVID+ hospitalisés à l’AP-HP ".

Ce document daté de octobre/novembre dans son titre, mais créé le 19 octobre par Malika Chafai, assistante médico administrative à l’APHP si l’on en croit les méta données du document.

En préambule ce document que nous mettrons en annexe est surprenant car dans son titre, il fait état de recommandations de prise en charge des patients Covid+,  élaborés par les Collégiales des Sociétés savantes, et de plus, on peut y découvrir qu’il a été transmis au Liban par des médecins français.

 

Que contient ce document ?

Ce document de 11 pages comprend des éléments de traitements pour les patients Covid+. 

  • Oxygénothérapie : On y retrouve un schéma directeur d’indication sur l’oxygénothérapie qui permet de définir le parcours du patient en fonction des seuils d’oxygène ou de ses besoins allant de la mesure initiale jusqu’à la décision d’intuber en fonction de l’état clinique du patient.
  • Anti-coagulants : un schéma sur les traitements anti-coagulants en fonction du degré de risque hémorragique du patient met l’accent sur l’Enoxaparine un anticoagulant propriété de Sanofi.  Sont spécifiés également d’autres anti-coagulants (Tinzaparine un générique, Nadroparine (Fraxiparine) et Dalteparine).
  • Corticothérapie : le produit mis en avant est la dexaméthasone qui doit être prescrite chez tout patient Covid+ - sans limite d’âge - hospitalisé et requérant une oxygénothérapie.  Nous rappelons qu’en mars 2020, les mêmes sociétés savantes n’avaient pas recommandés les corticoïdes.  La Dexaméthasone a comme particularité qu’elle est bien connue et est un des produits interdits chez les sportifs depuis 1996,  recherchée dans le contrôle antidopage. Cette molécule est notamment utilisée par les cyclistes mais aussi par les chevaux de course.  La référence pour l’usage de la dexaméthasone est une étude britannique Recovery qui précise que chez les patients de 80 ans et plus, ce médicament n’a pas eu d’incidence sur le taux de mortalité par rapport au placebo).
  • Remdesivir, produit par Gilead. Ce médicament, au demeurant fort controversé pour son absence de preuve d’efficacité et les effets secondaires sérieux qu’il crée, est inclus dans la liste des traitements.  Une mention est faite qu’il est CONTROVERSE, mais que ce médicament peut être prescrit chez tout patient COVID+ hospitalisé avec atteinte respiratoire requérant un apport en oxygène à faible débit.  L’étude utilisée est celle de JH Beigel publiée en mai 2020.  Depuis ce temps, des études supplémentaires ont non seulement démontré la non-efficacité de ce médicament, mais également que le remdesivir provoquait des effets secondaires.  Le professeur Yazdanpanah, fervent supporteur du remdesivir lors de la première vague, a même annoncé sur les plateaux de télévision, la non-efficacité de ce médicament.  Malgré cela il est toujours inclus et recommandé. Il est de plus précisé que pour l’instant (octobre 2020) le remdesivir reste disponible sous le statut d’ATU de cohorte (gratuitement), mais la mise à disposition par Gilead risque d’évoluer en fonction du résultat des « négociations » avec l’HAS et le CEPS. Une gestion ministérielle centralisée de l’approvisionnement des établissements hospitaliers est en cours de mise en place. Le document ne précise pas que Gilead a retiré sa demande de remboursement en septembre 2020.
  • Tocilizumab, un autre médicament de Gilead est toujours inscrit sur les listes, malgré une étude récente démontrant la non efficacité de ce traitement dans le cadre de la prévention de l’intubation ou du décès pour des patients atteints de forme modérée de la maladie.
  • Plasma de patients immunisés : en sixième rang vient l’administration de plasma issue de patients immunisés.  Cela a procuré une amélioration clinique, chez les patients, démontrée par l’essai mené par Karine Lacombe.
  • Antibiotiques : D’après le document il n’existe pas d’antibiothérapie systématique en face d’une pneumonie à SARS-CoV2. Avant confirmation virologique, une antibiothérapie probabiliste pourra être discutée si la pneumonie présente des critères de gravité (besoin en oxygène > 6l/min), sans oublier la réalisation des prélèvements respiratoires bactériologiques pour éventuelle désescalade. Remarque : En période hivernale d’épidémie grippale, dans le cadre de la pandémie COVID, il convient de faire plus facilement une PCR multiplex / PCR Grippe : oseltamivir si PCR grippe +
  • Autres traitements
    - Un petit paragraphe sur l’Ivermectine en co administration de corticoïdes existe.
    - Pour les autres immunomodulateurs (Sarilumab,  Anakinra, Baricitinib et Immunoglobulines), il est précisé qu’ils ne doivent être prescrits que dans le cadre d’essais cliniques.

Rappelons que le Sarilumab est un médicament qui coute 800e dans sa dénomination commerciale Kevzara® et qui pourrait être une molécule concurrent de l'hydroxychloroquine dans le traitement de l'arthrite rhumatoïde. La lecture de son brevet  nous apprend que Jérôme Msihid, manager d’essais cliniques chez SANOFI en est le co-inventeur.


L'AP-HP écrit les médicaments qu'il ne faut pas prescrire

Il est de plus écrit précisément qu’il ne faut pas prescrire chez les patients COVID+ quels qu’ils soient car aucune preuve scientifique du bénéfice potentiel de ces traitements n’a été mise en évidence et que les inclusions dans les essais cliniques évaluant ces traitements sont terminées ou interrompues :

  • L’azithromycine 
  • L’hydroxychloroquine (ou la chloroquine)
  • L’association azithromycine / hydroxychloroquine
  • L’association lopinavir – ritonavir

 

Absence d'une bibliographie, des mentions des travaux de l'IHU et du rôle des médecins de ville

Dans ce document il n’est fait aucune mention des travaux de l’IHU comme si ces derniers étaient inexistants, pas plus qu’il n’est fait mention des recommandations sur l’absence de fiabilité des tests PCR ou des traitements préventifs.  A croire que les médecins de ville n’ont aucun rôle dans le système hospitalier français.  Ce document donne le sentiment que le Covid, comme le nuage de Tchernobyl en son temps qui s’est arrêté aux frontières françaises, n’a pas d’existence en dehors de l’hôpital.  Les spécialistes de l'AP-HP et des sociétés savantes se réservent-ils le pré carré de la science médicale dans le cadre de la gestion de l’épidémie ? Cela ne semble pas le cas pour les autres viroses puisque la grippe est bien souvent traitée par les médecins généralistes.  Le Covid est visiblement une maladie infectieuse, cependant l’AP-HP semble être infecté par un autre virus.

Dans l’éventualité où un médecin libanais reçoit ce document sans connaitre les travaux de l’IHU, celui-ci ne serait exposé qu’à une version incomplète de la science et de l'expertise médicale française.  De plus si d’aventure la plainte déposée par Didier Raoult pour non-assistance pour personne en danger,  ainsi que le recours au Conseil d’Etat contre la décision de l’ANSM prospérait, le Liban serait surement en droit de demander des comptes à l’APHP sur la base de ce document.  

Non seulement la bataille de l’hydroxychloroquine et de la science française se joue sur le territoire national, mais l’AP-HP est prête à exporter une partie de « cette expertise incomplète à l’étranger ». Il est dans ce cas étonnant que l’AP-HP ne mentionne pas comme références ses propres statistiques de mortalité dans le cadre de la gestion de l’épidémie en réanimation, ce qui pourrait peut-être faire réfléchir les autorités sanitaires et médecins libanais. Il est de plus étonnant que ce document ne soit pas signé d'un seul médecin de l'AP-HP.  Rappelons que l’entreprise libanaise Benta Pharma a repris  FAMAR usine lyonnaise, dernier fabriquant français d’un médicament à base de chloroquine. 

L’AP-HP peut causer et exporter son savoir avec la caution des sociétés savantes, gageons qu’en l’absence d’un système de santé "aussi performant" que celui disponible en France, le Liban fera preuve de pragmatisme comme l’ont fait bien d’autres pays.

Document AP-HP : Téléchargez la version PDF 

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