Souffrance "grandissante" à l'hôpital : les infirmiers tirent la sonnette d'alarme

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 14 septembre 2016 - 19:16
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Hôpital illustration.
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©Humbert Nicolette/Sipa
Sur trois ans, jusqu'en 2017, les hôpitaux sont sommés d'économiser l'équivalent de 22.000 postes.
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Afin d'alerter sur la souffrance "grandissante" des soignants à l'hôpital, la Coordination nationale infirmière (CNI) a appelé à la grève et organisé un rassemblement à Martigues, près de Marseille, ce mercredi. Les infirmiers s'inquiètent notamment des "économies faites sur la santé" qui les contraignent à travailler toujours plus avec de moins en moins de moyens.

Faire toujours plus avec toujours moins, au péril de sa propre santé: après le suicide d'au moins cinq infirmiers cet été, la profession tire la sonnette d'alarme sur la souffrance "grandissante" des soignants à l'hôpital en se mobilisant ce mercredi. C'est en signe de "respect" pour ces collègues décédés entre juin et août - à Toulouse, au Havre, à Saint-Calais, près du Mans, et à Reims - que la Coordination nationale infirmière (CNI) a appelé à la grève et organisé un rassemblement à Martigues, près de Marseille, en marge de ses universités d'été. Pression, changement de poste imposé, harcèlement... Si des enquêtes sont en cours, les témoignages des représentants des personnels et des proches des défunts, relayés dans la presse régionale, faisaient tous un lien avec les conditions d'exercice.

Pour les syndicats, difficile de ne pas rapprocher ces drames du "mal-être qui s'amplifie" dans les couloirs de l'hôpital, selon Nathalie Depoire, la présidente de la CNI, comme des "économies faites sur la santé", pour Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). Au CHU de Toulouse, la situation inquiète d'autant plus qu'au suicide d'un infirmier sur son lieu de travail, reconnu depuis comme un accident du travail, se sont ajoutées les morts d'un autre infirmier, d'une aide-soignante et d'une étudiante en soins infirmiers.

"Le suicide, c'est toujours des causes multifactorielles", a concédé Patricia Calmettes, membre de la CGT à l'hôpital de Rangueil lors d'un point presse organisé lundi 12. Mais ce n'est pas une raison pour faire l'impasse sur "ce qui se passe au niveau professionnel", a-t-elle ajouté. "La souffrance, on la voit grandir tous les jours et à toutes les échelles". De fait, les réformes de ces quinze dernières années n'ont pas été indolores pour les personnels. En 2014, le Centre d'études de l'emploi soulignait d'ailleurs le "sentiment de dégradation" des conditions de travail des soignants, "insuffisamment prises en compte en amont" de ces réformes.

Course à l'acte, plus grande rotation des patients et objectifs plus poussés en matière de qualité des soins s'accordent difficilement avec les plans d'économies drastiques imposés au secteur - un milliard d'euros rien qu'en 2016 -, l'activité augmentant plus vite que les effectifs. "On se fait houspiller, on doit aller de plus en plus vite mais avec moins de monde", témoigne Valérie, infirmière dans un service d'urgences parisien depuis 18 ans. "Le patient n'est plus qu'un objet qu'on pousse sur un brancard et basta !". Outre la pénibilité propre au monde hospitalier (horaires décalés, souffrance des patients, etc), c'est bien le manque de personnel qui accable les soignants. "Les problèmes de planning", avec des absences non remplacées ou des personnels rappelés sur leur temps de repos, "de fatigue, d'épuisement, c'est le quotidien aujourd'hui à l'hôpital", s'alarme Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF). La faute, selon lui, à la réforme des 35 heures, qui ne "correspond plus aux contraintes économiques" et s'est faite "sans les créations d'emplois" nécessaires, juge-t-il.

Sur trois ans, jusqu'en 2017, les hôpitaux sont sommés d'économiser l'équivalent de 22.000 postes. La masse salariale représentant "plus de 70%" du budget des hôpitaux, pas étonnant qu'elle soit sa principale "variable d'ajustement", explique Jean-Luc Stanislas, cadre de santé supérieur dans un établissement psychiatrique et consultant. "Cela se traduit par le non renouvellement des départs, la précarisation des statuts" ou encore une polyvalence accrue demandée aux soignants amenés à changer de service, énumère-t-il.

Résultat, "on voit de plus en plus arriver dans nos permanences des soignants en larmes qui se disent +je ne vaux plus rien,+ qui ont l'impression de mal faire leur travail", s'inquiète Nathalie Depoire. Outre la définition de ratios de soignants au lit du patient et par spécialité, la syndicaliste réclame des moyens pour la prévention des risques psycho-sociaux à l'hôpital. Un thème qui fera l'objet d'annonces "à l'automne", selon la ministre de la Santé Marisol Touraine, pour qui le suicide de professionnels de santé est "évidemment extrêmement préoccupant".

 

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