Histoire du COVID-19 – chapitre 6 - Partie 5 : Le SARS-Cov2 était déjà adapté optimalement à l'homme dès son apparition fin 2019

Auteur(s)
Valère Lounnas et Gérard Guillaume, traduction de textes de la presse chinoise par Erwan Guillaume pour FranceSoir
Publié le 07 décembre 2020 - 15:18
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Le SARS-Cov2 était déjà adapté optimalement à l'homme dès son apparition fin 2019
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Alina Chan et al. ont montré que sur 151 isolats de virus collectés (50 par mois de janvier à mars 2020) il ne s'était produit que 2 mutations du RBM (sur des aa ni de contact ni critiques pour sa liaison avec l'ACE2) concernant 2 isolats distincts. Un point jamais soulevé est que le pangolin n'est certainement pas le mammifère possédant le récepteur ACE2 le plus proche de l'homme. Ce qui rend quasiment improbable, si le pangolin était porteur naturel de ce virus, qu'en passant à l'homme le virus ne se soit pas adapté d'avantage au niveau du RBD ou du RBM de la protéine S.

Donc, sur ce point nous rejoignons Alina Chan et nous analysons que l'hypothèse retenue généralement, d'une recombinaison multiple au niveau du RBD à travers plusieurs espèces animales, n'est pas fondée sur des preuves concrètes. Il ne s'agit que de spéculations non conclusives. Qu'une telle recombinaison dans des animaux très distincts de l'être humain ait pu converger vers un motif de liaison RBM du RBD quasi 100% adapté à l'homme par hasard est très peu probable, les virus s'adaptant naturellement à leur hôte. Par contre, les récepteurs ACE2 de 18 primates (chimpanzé, orang-outan, …) sont 100% identique à celui de l'homme sur les 25 aa directement impliqués dans la liaison avec la protéine S. Ce fait publié par l'Académie des Science Américaine (PNAS) est tenu totalement à l'écart des débats. Cela est si dérangeant que l'article dans le journal PNAS prévient laconiquement dans une section, intitulée « Signification »  placée en tête de l'article, qu'il ne faut pas sur-interpréter cette donnée du problème dans la recherche de l'hôte intermédiaire. Par exemple, le rhinopithèque de Roxellane, qui appartient au groupe des 18 primates dont le motif de liaison de l'ACE est identique à celui de l'homme, est une espèce en voie de disparition qui se trouve dans les forêts des régions montagneuses des provinces du centre de la Chine (Gansu, Shaanxi et Hubei). Ces animaux vivant dans les arbres peuvent être en contact occasionnel avec des chauves-souris ou leurs excréments. Ils pourraient donc avoir jouer le rôle d'hôte d'intermédiaire plus sûrement que les pangolins.

A Wuhan des primates de différentes espèces peuvent se trouver dans les zoos certainement, sur les marchés aux animaux très possiblement, et surtout à l'Institut de virologie de Wuhan. Les singes de laboratoire sont très courants dans les laboratoires de virologie car ils servent a mettre en pratique et tester les hypothèses au cours de l'élaboration des vaccins. On peut donc imaginer le scénario d'un virus expérimental, qui serait passer d'un singe de laboratoire à un technicien ou un employé s'occupant d'eux, puis aurait gagné le marché aux animaux de Huanan où un des marchés annexes, où des animaux et d'autres êtres humains auraient été contaminés.

 

Dans le cas d'une recombinaison, quel serait cette autre virus avec un RBM déjà optimal pour infecter l'être humain ?  Proviendrait-il d'un autre hôte intermédiaire dont le récepteur serait également très proche, ou bien de chauves-souris qui selon la théorie de Shi Zheng Li véhiculent des coronavirus possédant des protéines S qui permettent d'infecter l'homme, directement sans adaptation.

Lam et al. concluent leur travaux de façon, nous semble-t-il plus rationnelle que Liu et al. Ils disent en substance : « Cela suggère que ces animaux sont un hôte important de ces virus, ce qui est surprenant étant donné que les pangolins sont des animaux solitaires avec des effectifs de population relativement faibles, reflétant le statut d'espèce en danger. En effet, sur la base des données du moment il ne peut être exclu que les pangolins aient acquis leur virus apparenté au SARS-CoV-2 indépendamment des chauves-souris ou d'un autre animal hôte. » Cela ouvre implicitement la porte à une contamination humaine.

 

Comment Alina Chan montre que le SARS-Cov2 était optimalement adapté à l'homme dès son apparition fin 2019

 

Alina Chan et son équipe, ont comparé la dynamique évolutive du SRAS-CoV et du SARS- CoV2. A cet effet, ils ont utilisé pour le SARS-Cov 11 génomes de la phase épidémie précoce à moyenne et 32 génomes de la phase épidémique tardive. Ils ont également utilisé 46 génomes de SRAS-CoV-2 dont un isolat de Wuhan, du début décembre 2019, et 15 génomes provenant de diverses régions géographiques, recueillis au hasard chaque mois de janvier à mars 2020.

Ils ont constaté que la diversité génétique du SRAS-CoV-2 était bien plus faible que celle du SRAS-CoV, dont la diversité était considérable dans la phase précoce et moyenne de l'épidémie. La pression sélective avait été la plus élevée lors du passage du virus des civettes palmistes aux humains et avait diminué vers la fin de l'épidémie. Cette série d'adaptations entre espèces animales et l'homme a abouti à un SRAS-CoV hautement infectieux qui a dominé la phase épidémique tardive.

En comparaison, le SRAS-CoV-2 présente une diversité génétique plus similaire à celle du SRAS-CoV de la phase épidémique tardive. Le gène de pointe S, et les Orf3a et Orf1a avaient subi une forte pression sélective dans l'épidémie de SRAS-CoV. Les taux de mutations synonymes (dS) et non synonymes (dN) des gènes de la protéine pointe S, de l'Orf3a et l'Orf1a du SRAS-CoV-2 sont similaires à ceux de l'épidémie tardive de SRAS-CoV. En revanche, les quelques rares substitutions non synonymes dans le gène de pointe S du SRAS-CoV-2 n'a pas conféré d'avantage adaptatif dans l'intervalle de temps étudié.

Alina Chan et ses collaborateurs en concluent qu'au moment où le SRAS-CoV-2 a été détecté pour la première fois à la fin de 2019, il était donc déjà complètement adapté à la transmission humaine. Leurs observations semblent indiquer une phase d’adaptation invisible du SARS-CoV-2. Cela pourrait s'expliquer par le fait que le SARS-Cov2 est beaucoup moins létal que le SARS-Cov, avec de très nombreux cas asymptomatiques et pauci symptomatiques qui a pu favoriser sa circulation pré-pandémique non détectée. Pendant cette période le virus a pu accumuler des mutations adaptatives qui ont renforcé sa contagiosité et sa pathogénie à l'automne 2019.

Seuls 4 échantillons environnementaux provenant des prélèvements effectués au marché de Huanan ont permis d'obtenir des génomes complets de virus. Quant aux séquençages des quelques échantillons animaux mis à disposition des chercheurs par le CDC chinois, ils sont fortement contaminés et inexploitables. Les 4 génomes qui ont pu être résolus partagent plus de 99,9% d'identité avec l'isolat Wuhan Hu-1 (premier virus isolé d'un patient de décembre). Une identité > 99,9% n'avait été observée en 2003-2004 qu'entre des isolats rapprochés dans le temps provenant d'individus d'une même espèce, soit l'être humain soit les civettes, mais pas entre humains et civettes. L'identité de séquence la plus élevée enregistrée entre humains et civettes avait été de 99,78%.  Alina Chan conclue que les échantillons du marché de Huanan ont donc été contaminés par des vendeurs ou des clients mais pas par des animaux intermédiaires.

Il est important de rappeler qu'il y a eu deux épisodes de SRAS-CoV en 2002-2004, chacun résultant de transmission de la civette palmiste à l'homme: le premier est apparu à la fin de 2002 et s'est terminé en août 2003; le second est né à la fin de 2003 à partir  d'une population persistante de progéniteurs du SRAS-CoV chez les civettes. La deuxième épidémie a été rapidement réprimée grâce au suivi diligent des hôtes humains et animaux, retenant les leçons de la première épidémie. Pour prévenir aujourd'hui des flambées consécutives similaires de SRAS-CoV-2, il est essentiel de tirer les leçons du passé et de mettre en œuvre des mesures pour minimiser le risque que d'autres précurseurs de type SRAS-CoV-2 s'adaptent et réapparaissent parmi les humains.

Alina Chan estime qu'il serait étrange si aucun précurseur ou proche parent du SARS-CoV-2 n'était pas découvert chez l'être humain ou chez les animaux. Elle suggère d'évaluer la prévalence de certains anticorps potentiellement reliés au SARS-Cov2 chez les vendeurs et les trafiquants des marchés, pour déterminer si des précurseurs proches du SARS-CoV-2 ont pu circuler dans cette communauté. Elle propose de prélever des échantillons d'animaux sauvages et d'élevage ainsi que des échantillons humains déposés dans des banques de données médicales avant le départ de l'épidémie.

Elle dit également que séquencer plus d'isolats précoces du virus de Wuhan permettrait d'identifier des virus progéniteurs proches moins bien adaptés à l'homme, comme ça a été le cas pour l'épidémie de SARS de 2003. Elle conclue en ajoutant que pendant que ces recherches s'effectueraient il serait prudent de limiter l'activité humaine qui conduit à de fréquents et prolongés contacts avec des animaux sauvages et leur habitat. Cela nous paraît frapper au coin du bon sens, mais il est évident que le Chine n'a aucune intention ni de lever le voile sur l'origine de l'épidémie ni d'interdire rigoureusement le trafic d'animaux sauvages.

 

Pour finir elle n'exclue aucun scénario, que ce soit : (a) la possibilité d'un intermédiaire animale autre que le pangolin ; (b) l'adaptation inter-humaine du virus ;  (c) un accident de laboratoire, et préconise de prendre des mesures pour prévenir chacun de ces scénarios dans le futur. 

 

Conclusion

Le récepteur ACE2 du pangolin n'est pas le plus proche de celui de l'homme et l'adaptation parfaite du RBM du virus GD-pangolin-Cov reste un mystère. Si le pangolin avait été l'hôte intermédiaire, les virus extraits devraient avoir 98 ou 99% d'identité de séquence avec le SARS-Cov2. Il est quasi-certain, pour ne pas dire certain, que les pangolins de contrebande ne sont que de malheureuses victimes, dont l'autopsie post mortem nous livre des informations capitales sur le timing de la genèse de l'épidémie. Entre août 2017 et janvier 2018, des coronavirus à SARS circulaient chez les trafiquants d'animaux sauvages en relation avec les receleurs des marchés et les vendeurs. D'ailleurs, il est très probable que les trafiquants étaient immunisés du fait de leur promiscuité avec toutes sortes d'hôtes intermédiaires potentiels. N'oublions pas également que la létalité du SARS-Cov2 n'a rien à voir avec celle du SARS-Cov. En mars 2019, est apparu probablement dans ce microcosme des coronavirus à SARS optimaux sur le plan de la liaison au récepteur ACE2. A l'exception d'une mutation faiblement impactante H496Q à une position critique, l'adaptation complète du RBM s'est donc produite entre janvier 2018 et mars 2019 et a pu impliquer des contagions croisées multiples entre des animaux sur des marchés et des hommes. Mais cela n'exclue pas un accident de laboratoire non loin d'un marché géant... En tout cas, l'année 2018 est bel et bien une date clé de l'histoire du Covid-19. Une chose est certaine, cette possibilité ne pourra jamais être vraiment refermée en raison de la destruction des échantillons d'animaux saisis sur le marché de Huanan, l'absence d'enquête officielle sur les premiers patient atteints et le refus de la Chine de laisser une enquête internationale se dérouter à l'Institut de virologie de Wuhan.

Mais beaucoup de gens ont intérêt à ce que l'attention internationale soit détournée du  laboratoire P4 de Wuhan, dont l'Institut Pasteur et d'autres instances scientifiques qui contrôlent la science mondiale comme le Journal Nature. Dans un article de Nature du 23 novembre on apprend que des échantillons de chauves-souris, conservés depuis 2010 à l'Institut Pasteur de Pnom Penh au Cambodge et depuis 2013 au Japon, contiennent des coronavirus du type SARS. La belle affaire, le virus extrait de l'échantillon japonais à 81% d'identité de séquence avec le SARS-Cov2, c'est-à-dire bien inférieur au 88% des virus isolés par les recherches militaires chinoises, et le pourcentage d'identité n'est pas révélé pour celui de l'échantillon cambodgien, alors que non venons de montrer qu'il faut qu'une dizaine de jours seulement pour séquencer un virus. Si ce virus est un ancêtre direct du SARS-Cov2 il y a 10 ans, alors il sera dans la zone des 93-96% d'identité selon les calculs que nous avons présentés ici. Mais alors, quid des 8 autres coronavirus de type SARS prélevés dans la mine de Mojiang ?

Dans le prochain chapitre, nous examinerons minutieusement les anomalies du génome du SARS-Cov2, comme la présence d'un site clivage de la furine qui semble renforcer son pouvoir de pénétration, et les travaux du Professeur Luc Montagnier et du mathématicien Jean-Claude Perez, sur leur hypothèse d'insertion d'épitopes du virus du SIDA et de l'agent infectieux du paludisme. 

 

Note

Rasoir d'Ockham : outil de raisonnement scientifique qui consiste à retenir l'hypothèse la plus simple qui cadre le mieux avec les faits en l'absence de preuve du contraire.

(Nous remercions Jean-Pierre Tournier qui suit de près la littérature scientifique et nous alerte ainsi des nouveaux faits publiés)

Rédaction achevée le 27 novembre 2020.

 

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