Juliana Rotich : l'Afrique connectée
Se connecter à Internet en wifi, 3G ou 4G sans électricité et n’importe où dans le monde, c’est le projet d’Ushahidi, une start-up kenyane basée à Nairobi, créée en 2007.
Emblématique de la jeunesse africaine entrepreneuriale, Juliana Rotich développe des outils de haute technologie ayant pour objectif de rendre l’information plus accessible via le Net. C’est avec l’aide de deux amis africains, David Kobia et Erik Hersman, qu’elle œuvre pour son continent. Un pari plus que réussi.
Née dans un petit village à 40 kilomètres d’Eldoret, dans la vallée du Rift (Est du Kenya), Juliana Rotich, passionnée de technologie, quitte son pays pour suivre des études d’informatique à l’université du Missouri, aux Etats-Unis. Diplômée, elle trouve rapidement un poste de programmeuse à Chicago.
Loin de son pays natal, la jeune Kenyane blogue et ne cesse de discuter sur des forums. Rapidement considérée comme une des blogueuses les plus influentes du continent africain, elle est invitée en 2007 à une conférence, TEDGlobal à Arusha (Tanzanie), portant sur le thème de "l’Afrique des possibles". C’est là qu’elle rencontre Erik Hersman et Ory Okolloh. Devenus très proches, ils décident ensemble de faire bouger les lignes, tous convaincus du formidable potentiel de l’Afrique.
La folle ascension d’Ushahidi
Leur collaboration commence fin 2007 au moment de l’élection présidentielle. Les violences contestataires des partisans de Raila Odinga contre la réélection de Mwai Kibaki enflamment le pays. Après une flambée de révoltes, déclenchées suite à l’annonce des résultats des élections, le trio kenyan, rejoint par un quatrième blogueur, David Kobia, publie billet sur billet, expliquant ce qu’ils voient. Spontanément, ils créent une plate-forme internet où les foyers de violence sont indiqués: c’est Ushahidi ("témoignage" en swahili). Le principe: collecter les témoignages envoyés par mail et les placer sur Google Maps.
Mais l’accès à Internet reste difficile et peu de personnes peuvent en bénéficier, contrairement aux SMS qui, eux, sont utilisés par une grande partie de la population. Les quatre blogueurs décident alors d’ajouter à la plate-forme une mise à jour par SMS. Très vite, des centaines de Kenyans, libérés de l’utilisation d’Internet, localisent sur la carte et relatent les violences dont ils sont témoins. Le phénomène s’amplifie et plus de 50.000 témoignages sont rapportés en quelques jours.
Le projet finit par séduire la Fondation MacArthur puis l’Omidyar Network, deux organisations philanthropiques américaines qui financent une conversion du logiciel en "open source" (accessible pour tous gratuitement).
Ces cartes sont utilisées partout dans le monde. Elles aident et renseignent les populations où qu’elles soient. Utilisées aussi par les ONG et les médias, ces cartes collaboratives ont été d’une précieuse aide lors de nombreuses catastrophes humanitaires et de certaines crises politiques: à Haïti, après le tremblement de terre pour préciser la localisation des victimes, au Malawi et en Zambie pour connaître l’évolution des stocks de vaccins ou plus récemment au Japon, pour connaître les zones radioactives après la catastrophe de Fukushima… autant de crises majeures qui ont servi à faire d’Ushahidi un outil pour aider les gens à communiquer dans les pires situations.
Un boîtier qui déboîte
C’est en juin 2013 à TEDGlobal 2013 à Edimbourg que Juliana Rotich a présenté la nouvelle découverte d’Ushahidi, la BRCK, un outil qui pourrait bien révolutionner Internet. Ce boîtier répond à un problème fondamental, le besoin de connexions fiables dans des environnements imprévisibles. Robuste et portatif, cet appareil, qui ressemble plus à une brique en métal qu’à un outil technologique, utilise la meilleure source disponible pour continuer de fournir un accès web, même dans les moments de très faible connexion.
Et si l’électricité ne fonctionne pas, la batterie intégrée dans l’appareil entre en service instantanément, offrant un maximum de huit heures de connexion. "Si ça marche en Afrique, alors ça marchera partout dans le monde", promet la start-up, qui compte aujourd’hui une vingtaine de collaborateurs, outre le trio fondateur Rotich-Kobia-Hersman (Ory Okolloh a quitté l’entreprise).
Le mois dernier, Juliana Rotich était au forum économique de Davos, où elle a rencontré notamment la chancelière allemande Angela Merkel. Une nouvelle preuve de son influence et de son importance parmi les jeunes entrepreneurs qui montent.
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