Baisse du chômage : est-ce réellement grâce au gouvernement ?

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DD.
Publié le 17 mai 2019 - 15:07
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le nombre de chômeurs augmenterait de 47.000 en 2017, après une baisse de 107.000 en 2016
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© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives
Croissance ou flexibilité: qui est vraiment à l'origine de la baisse du chômage?
© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives

Le marché du travail a affiché une nouvelle performance positive au premier trimestre 2019, même si la baisse du chômage ralentit. La tendance interroge: qui de la croissance mondiale ou des réformes structurelles initiées par le gouvernement est vraiment reponsable de la performance? Du côté de l'exécutif, le discours s'avère fluctuant.

Le gouvernement s’est félicité de la nouvelle –une de ses promesses de campagne les plus audacieuses– tout en restant malgré tout prudent. Jeudi 16, l’Insee a annoncé que le chômage en France était tombé à 8,7% au premier trimestre, un niveau inédit depuis 2009. Edouard Philippe, au micro de Franceinfo, s’est bien évidemment réjoui de cette situation tout en reconnaissant qu’il y a "un niveau de croissance dans l'Union européenne plutôt plus faible qu'il y a un an ou deux" et des "éléments d'incertitude" comme les "guerres commerciales".

Une volonté de temporiser qui s’explique par deux raisons: primo, si le chômage baisse, ladite baisse est nettement plus faible que celle constatée en 2018 (-19.000 chômeurs sur le premier trimestre, contre -90.000 sur le quatrième trimestre 2018). Secundo, la promesse du candidat Macron était de ramener le chômage à un taux d’environ 7% à la fin de son quinquennat. Un objectif qui, vu les prévisions de croissance pour cette année (1,4% selon l'estimation du gouvernement) semble difficilement atteignable malgré la dynamique encourageante.

Le gouvernement pourrait également se retrouver embarrassé par une autre question si la baisse du chômage devait ralentir encore : l’efficacité dans la durée des réformes du marché du travail initiée dès la fin de l’été 2017 et qui devaient montrer leur efficacité à moyen terme. "On voit que les employeurs, notamment les petites entreprises, n'ont plus peur d'embaucher, et ça c'est l'effet des ordonnances" s’était d’ailleurs réjouie Muriel Pénicaud en fin d’année 2018 (voir ici) pour se féliciter des bons résultats objectifs sur le marché du travail au dernier trimestre de cette année.

Ces réformes structurelles ont-elles déjà atteint leur limite alors que la France reste encore deux points au dessus de la moyenne européenne en termes de chômage? Difficile d’affirmer avec certitude les raisons pour lesquelles le chômage baisse. Edouard Philippe dans sa déclaration botte prudemment en touche en évoquant la croissance alors que le gouvernement, il y a trois mois, parlait plutôt de l’action gouvernementale.

Lire aussi - Chômage: la baisse se poursuit, mais à un rythme lent faute de croissance forte

Si la croissance est considérée comme la cause de la baisse (ou non) du chômage, l’hypothèse revient alors à valider une règle économique, la"loi d’Okun", qui prétend qu’il existe pour chaque pays un taux de croissance à atteindre pour que le chômage baisse. Alors que le chiffre souvent avancé pour la France est de 1,6%, une légère baisse du chômage avec un début d’année évoquant plutôt un taux de croissance de 1,4% à la fin de l’année pourrait faire penser que le taux à partir duquel le chômage baisse en France serait autour de 1,2% ou 1,3%. Une bonne nouvelle a priori pour le gouvernement –l’objectif semble plus facile à atteindre- mais qui le rend paradoxalement vulnérable. Si la croissance demeure atone, pour des raisons indépendantes de la volonté de l’exécutif (guerre commerciale, prix du baril…) le chômage pourrait ne plus baisser et la flexibilisation du marché du travail n’aura plus les résultats escomptés. Ce qui rendra difficile la position du président de la République s’il souhaitait se représenter en 2022.

Reste l’autre débat que les économistes n’ont pas tranché : la part en France entre le chômage conjoncturel (sensible à la croissance) et le chômage structurel (due à des blocages inhérents à la société française et pour lequel les réformes sont effectivement la solution). Début 2018, la Commission européenne estimait ainsi que le chômage structurel en France s’élevait à 9,2% exactement. Un chiffre qui, s’il est exact, signifierait que la croissance n’est qu’un facteur secondaire et que la réponse est d’abord politique, avec la mises en place de réformes adéquates pour faire tomber les "blocages" du marché du travail en France comme une faible mobilité, un cadre légal incitant peu à l’embauche, ou un problème de formation chez certains publics comme les chômeurs de longue durée.

Mais d’autres économistes (voir ici) estiment que le chômage structurel en France tourne plutôt autour de 6,5% ou 7%. Autrement dit, tant que le chômage n’atteint par ce seuil –celui de la promesse électorale de Macron- c’est principalement la conjoncture, et donc la croissance, qui fera baisser le nombre de chômeurs et pas nécessairement les réformes pour flexibiliser le marché du travail (sans préjuger ou non de leur intérêt). Le ralentissement de la baisse du chômage suivant la courbe du ralentissement de la croissance observé au premier trimestre donne d’ailleurs du crédit à cette hypothèse.  Alors que le gouvernement envisage toujours d'introduire une dose de dégressivité (notamment pour les cadres) dans l'allocation chômage, il reste bien difficile de savoir si c'est la loi, des "questions d'appétance" (dixit Philippe) ou la conjoncture mondiale qui expliquera vraiment les évolutions à venir du chômage. Mais le gouvernement use -sans surprise d'ailleurs- de la rhétorique classique en économie politique: se féliciter de son action sur les bénéfices, blâmer le reste du monde pour les pertes.

Voir aussi:

Assurance chômage: "Il y aura bien un bonus-malus" sur les contrats courts

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