Indre : inquiétude après l'achat de terres agricoles par un mystérieux groupe chinois

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 14 avril 2016 - 14:18
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Une moisson de blé.
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©Stefphane Mahe/Reuters
Les autorités se sont émues de n'avoir aucun moyen juridique "pour s'assurer que le projet d’acquisition répond bien aux objectifs des politiques publiques".
©Stefphane Mahe/Reuters
Usant d'une faille pour contourner les protections mises en place pour protéger l'achat de terres agricoles en France, un groupe chinois a fait main basse sur près de deux mille hectares dans l'Indre en achetant trois exploitations. Et des négociations seraient en cours pour l'acquisition d'une quatrième.

L'acquisition par une société chinoise de 1.700 hectares de terres agricoles dans l'Indre, au cœur du bassin céréalier français, provoque l'inquiétude des agriculteurs du Berry et des autorités chargées de l'aménagement rural.

"Un fonds de gestion chinois basé à Hong-Kong a acheté depuis un an trois exploitations céréalières", soit 1.700 hectares dans le département, a indiqué mercredi 13 à l'AFP le président de la FDSEA de l'Indre, Hervé Coupeau, confirmant une information révélée par le Journal de l'environnement. Selon lui, le fonds en question est représenté par un gérant français.

"Ils vont voir l'exploitant au bord de la faillite et lui demandent combien il a de dettes. Puis ils demandent que l'exploitation passe en Société agricole (SA) et rachètent 98% des parts", raconte-t-il. Le but de cette entreprise aujourd'hui "est d'acquérir des terres pour les exploiter" et non pour les mettre en fermage, assure à l'AFP Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer (Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural), organisme rattaché au ministère de l'Agriculture.

Selon Le Figaro, le Fonds chinois, dénommé Hongyang, est spécialisé dans les équipements pour station-service d'après son site internet. Pour Emmanuel Hyest, c'est le signe d'une "financiarisation de l'agriculture", avec "un fonds qui investit là où il pense que ça va être le plus rentable", un "phénomène important et nouveau" en France, mais qui fait l'objet de "grandes manœuvres au niveau mondial", notamment en Afrique et en Asie du Sud-est.

Ces acquisitions présentent plusieurs inconvénients du point de vue de la profession. D'une part, l'entreprise a payé l'hectare, estimé à 4.000 euros dans le département, "beaucoup plus cher que le prix du marché", ce qui implique un "vrai risque de déstabilisation", explique le président de la FNSafer, qui évoque un doublement par rapport à la valeur réelle.

D'autre part, cela leur permet de passer sous le radar de la FNSafer car celle-ci est notifiée de toutes les terres agricoles qui sont en vente afin de pouvoir exercer si nécessaire son droit de préemption quand le projet le nécessite, mais seulement quand elles sont détenues en direct. Or, une faille a été découverte il y trois ou quatre ans: elle rend possible la vente d'une partie des parts sociales détenues dans une société d'exploitation agricole comprenant des terres.

"On est notifié, mais on ne peut intervenir que si 100% des parts sont vendues", explique M. Hyest.

"Ni la commission des structures, ni la Safer ne disposent des moyens juridiques pour s'assurer que le projet d’acquisition répond bien aux objectifs des politiques publiques", s'est émue la FNSafer, dans un communiqué.

Ce n'est pas la première fois que cette martingale est utilisée, "mais c'est la première fois que des acteurs étrangers, en l’occurrence des Chinois, l'utilisent et sur une surface très importante". L’objectif poursuivi par ce groupe est "aux antipodes" du mode d'agriculture promu par la France, estime la FNSafer. "Aucune installation n’est prévue, mais simplement la mise en place de salariés; aucune implication sur les territoires n’est possible à cette échelle, aucun circuit court n’est envisagé puisque la production est destinée à l’exportation", ajoute la FNSafer.

Après le départ des exploitants, ce sont des salariés qui se sont installés sur ces terres pour cultiver des céréales, et si la première récolte a été vendue à la coopérative, "dès qu'ils auront suffisamment de volume, ils pourront aller au port tout seuls" vendre les céréales à l'exportation, assure M. Coupeau de la FDSEA. La société chinoise est maintenant "en pourparlers pour acquérir une quatrième exploitation", ajoute-t-il.

 

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