Le Moulin Rouge fait toujours tourner la tête

Auteur(s)
AS
Publié le 21 septembre 2015 - 18:24
Mis à jour le 21 octobre 2015 - 16:56
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La façade du Moulin Rouge en 1900.
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©Moulin Rouge
La façade du Moulin Rouge en 1900.
©Moulin Rouge
Le Moulin Rouge, célèbre music-hall parisien, fascine encore, 125 ans après la présentation au "Tout-Paris" de son premier spectacle. La revue "Féérie", à l’affiche depuis 1999, attire chaque année près de 630.000 spectateurs. Et l’ambition du nouveau propriétaire du Moulin depuis 2009, Jean-Jacques Clérico, est pour beaucoup dans le dynamisme de ce lieu historique du divertissement parisien.

82 Boulevard de Clichy dans le XVIIIe arrondissement de Paris. A deux pas de Pigalle, les touristes, appareils photos en main, se prennent en photo devant le célèbre Moulin de la place Blanche. Le Moulin Rouge fait partie intégrante du quartier, et ce depuis sa création par Joseph Oller et Charles Zidler, le 6 octobre 1889. Les Parisiens, de leur pas pressé, s’engouffrent dans le métro Blanche –tout près du Moulin- sans plus y prêter attention. "Les Parisiens ne s’en rendent pas compte, mais la notoriété du Moulin Rouge à l’étranger est dix fois supérieure à celle que l’on a en France", affirme Olivier Villalon, directeur général de la maison.

La naissance en 1889 du "Premier Palais des Femmes" -selon l’expression des créateurs du Moulin Rouge- s’inscrit dans une ambiance parisienne effervescente. Les cafés-concerts sont à la mode et aristocrates et voyous à casquette s’y côtoient. Les deux créateurs ne cachaient pas leur désir de faire de leur nouvel établissement le fer de lance de la musique et de la danse française.

L’ouverture du Moulin Rouge fait un tabac et le public vient en masse découvrir l’immense piste de danse, les miroirs, la galerie mais aussi le jardin -et son immense éléphant!- du Moulin Rouge.

Frou-frou et French Cancan

Comment parler du Moulin Rouge sans évoquer la danse qui a fait sa renommée internationale: le French Cancan. C’est le grand maître britannique du music-hall Charles Morton, s’inspirant du quadrille, qui l’a rebaptisé French Cancan en 1861. Le quadrille, danse mise au point par Céleste Mogador -danseuse vedette du Bal Mabille- autour de 1850, met en scène des danseuses  huit minutes durant sur un rythme endiablé. Le French Cancan doit son nom à son caractère particulièrement bruyant. Choquant pour les Anglais, le French Cancan et ses frou-frou séduit instantanément outre-Manche. A l’époque, les danseuses qui se produisaient au Moulin Rouge étaient bien souvent des "amatrices" qui, sur les planches le soir, redevenaient au matin lavandières, lingères, blanchisseuses et couturières.

Le Moulin Rouge attire les célébrités

De très nombreuses personnalités ont, au fil des ans, fréquenté le Moulin Rouge, côté coulisses comme côté scène, à commencer par des familles royales.

Le 26 octobre 1890, le Prince de Galles (futur Edward VII), alors en séjour privé à Paris, retient une table au Moulin Rouge pour y découvrir son quadrille. Une des danseuses du Moulin, figure de proue du French Cancan et connue sous le nom de La Goulue, reconnaissant le Prince, lui aurait lancé avec aplomb: "Ohé, Galles, tu paies le champagne!". La Goulue fut immortalisée sur plusieurs affiches du Moulin Rouge réalisées par le peintre et lithographe Henri de Toulouse-Lautrec.

Au début du XIXe siècle, une autre étoile montante du Moulin Rouge fait parler d’elle sous le nom de Mistinguett. Elle apparaîtra pour la première fois sur scène dans La Revue de la Femme en 1907 et par la suite plusieurs revues -dont la Revue Mistinguett de 1925- lui seront consacrées. Elle fut à l’origine de nombreuses chansons devenues éternelles, dont Valencia, Ça c’est Paris, Il m’a vue nue et On m’suit avec Jean Gabin.

L’avènement de la Seconde guerre mondiale portera un coup à l’engouement des Français pour les spectacles et cabarets. Vers la fin de la guerre, en 1944, Edith Piaf sera à l’affiche du Moulin Rouge avec Yves Montand en première partie. Le début des années 1950 sera l’occasion pour le nouveau directeur du Moulin Rouge, George France, de réaliser des travaux de grande ampleur pour redonner au Moulin Rouge son aura d’avant-guerre. 

A la fin des années 50, Joseph Clérico rachète le Moulin et en laisse les rennes à son fils ainé Jacki Clérico qui le lèguera à son tour à son fils Jean-Jacques.

Le 23 novembre 1981, c’est la reine Elisabeth II en personne qui se rendit au Moulin Rouge, fermé exceptionnellement pour l’occasion. Outre les personnalités royales, de nombreux artistes ont affectionné le music-hall de la place Blanche: Dean Martin, Yves Montand, Charles Aznavour, Ray Charles, Jane Russel, Charles Trénet, Dalida et bien d’autres.

La "Féérie" du Moulin Rouge

La précédente "revue" du Moulin Rouge, intitulée Formidable, a attiré de 1988 à 1999 plus de 4,5 millions de spectateurs! Féérie, le spectacle présenté depuis 1999 et conçu par les metteurs en scène Doris Haug et Ruggero Angeletti, sur une chorégraphie de Bill Goodson, met en scène une troupe de 100 artistes, dont les 60 Doriss Girls (troupe fondée par Doris Haug en 1957), recrutés dans le monde entier et affublés d’un millier de costumes de plumes, de strass et de paillettes.

Du lever de rideau à la note finale, les numéros s’enchaînent sans que le spectateur ait le temps de dire ouf. Au détour d’une chorégraphie, un aquarium géant sort du sol. Une danseuse plonge dans le bassin, où barbotent plusieurs énormes pythons pendant plusieurs minutes. Des petits poneys font aussi leur apparition sur scène, bichonnés comme des princesses. 

Le spectacle jongle entre numéros de danseuses et acrobaties, sans oublier bien sûr le célèbre numéro de French Cancan. Pas une fausse note et les costumes sont plus scintillants les uns que les autres.

En coulisses, le travail à réaliser pour un rendu parfait représente pourtant un travail de titan. Aujourd’hui, 400 personnes font tourner le Moulin, dont 22 couturiers qui reprennent chaque jour à la main chacun des costumes, à la paillette près. Les perruques des danseuses sont faites à partir de vrais cheveux et les plumes multicolores d’autruches, de coqs et de paons sont confectionnées par la maison Février, spécialiste de la plume qui collabore avec de grands noms de la mode. La maison Clairvoy, qui fabrique artisanalement depuis 1945 des chaussures sur mesure pour le monde du spectacle, est chargée quant à elle de confectionner les chaussures des danseurs.

A eux seuls, les lumières et costumes ont représenté un budget 4 millions d’euros d’investissement.

Un petit bout de rêve à la française

Jean-Jacques Clérico, qui a repris l’entreprise familiale du Moulin Rouge en 2009, a le souci de préserver un savoir-faire français. Le maintien de ce savoir-faire unique, l’entrepreneur de 55 ans le dédie entièrement à son public venu chercher du rêve et une "histoire" française. Dress-code oblige, la plupart des spectateurs qui viennent au Moulin Rouge s’y rendent en tenue de soirée. Jean-Jacques Clérico esquisse un sourire et confie: "Les clients +s’habillent+ encore pour venir au Moulin, mais il arrive que certains étrangers, en majorité venus d’Asie, qui ne sont pas réellement au courant des dress-code européens, arrivent au Moulin en tenue ‘‘casual’’, ce qui provoque parfois des situations cocasses mais ne doit pas se produire trop souvent, pour préserver l’image +premium+ du Moulin".

La santé et l’épanouissement de ses danseurs est l’un des objectifs principaux du patron du Moulin Rouge. Les salaires des cent personnes sous contrat avec l’entreprise vont de 3.000 à 6.000 euros par mois. "L’ambiance en coulisses est fondamentale pour que le spectacle soit réussi. Les jeunes filles étrangères qui décident de travailler pour le Moulin Rouge quittent leur pays d’origine et leur famille. A leur arrivée, elles doivent suivre un mois de répétitions intensives et nous les aidons à trouver un logement et à s’acclimater à Paris".

Le succès de la revue Féérie, présentée au Moulin Rouge depuis 15 ans, ne faiblit pas. En 2013, le chiffre d’affaires de l’institution s’est élevé à 65 millions d’euros, 1 millions de plus qu’en 2012. 

 

 

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