Pourquoi y a-t-il 700.000 logements "indignes" en France ?

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Bernard Cadeau, édité par la rédaction
Publié le 21 décembre 2018 - 12:43
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Des pompiers s'activent près des immeubles effondrés, le 8 novembre 2018 à Marseille
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© GERARD JULIEN / AFP/Archives
Le logement insalubre en France ne concerne pas que la ville de Marseille.
© GERARD JULIEN / AFP/Archives
Le drame de Marseille a mis en lumière le problème de l'habitat insalubre et délabré, qui ne concerne d'ailleurs pas que la Cité phocéenne loin de là. La faute à un manque de volonté politique et à une incapacité de certains propriétaires d'entretenir leurs logements, entre manque d'argent et complexité des normes. L'analyse de Bernard Cadeau, ancien président du réseau Orpi, pour France-Soir.

Au plan médiatique, un évènement chasse souvent l’autre et c’est ainsi que le mouvement des gilets jaunes a repoussé au second plan le drame des deux immeubles effondrés de la rue d’Aubagne à Marseille. Huit personnes y ont trouvé la mort et la France s’est brutalement trouvée confrontée à une réalité silencieuse: l’habitat insalubre ou "habitat indigne".

Depuis début novembre, sur la seule ville de Marseille 183 autres immeubles ont été évacués, preuve que le mal est largement répandu. Certains assureurs ont prévu de retirer la garantie effondrement aux propriétaires non occupants, quand d’autres ont averti d’une augmentation de la prime de l’ordre de 6%! Mais Marseille n’est pas la seule agglomération concernée et beaucoup d’autres communes comptent un nombre plus ou moins important d’immeubles très dégradés voire dangereux.

Cette précarité se traduit également dans d’autres chiffres. Ainsi, la Fondation Abbé Pierre compte 700.000 logements indignes, 7 millions de logements qualifiés de "passoires thermiques" et 12 millions de victimes de précarité énergétique. C’est une double voire une triple peine: de mauvaises conditions de logement, des risques réels, des frais de chauffage hors norme qui s’ajoutent à la première dépense contrainte de tous les ménages: le loyer.

> A qui la faute? 

Rappelons tout d’abord, qu’au niveau global, notre pays souffre depuis 40 ans d’un déficit de logements disponibles. La demande est très supérieure à l’offre. En cause notamment, le manque de volonté politique et d’action constante dans le temps, la multiplication des textes, qu’ils soient règlementaires ou législatifs, la complexité et l’absence d’accompagnement fiscal incitatif pour les investisseurs privés. Il faudrait pourtant construire plus et, en parallèle, utiliser le parc existant pour résorber petit à petit ce déficit.

Lire aussi - Marseille: la métropole propose un plan à 600 millions d'euros contre l'habitat insalubre

Mais les premiers désignés parmi les coupables, ce sont bien sur les marchands de sommeil. Ils sont minoritaires, certes, mais ce sont des délinquants et aucune mansuétude ne peut leur être accordée. Le législateur est intervenu, et l’autorité publique dispose d’un arsenal répressif réel.

La loi Elan (Evolution du Logement et Amélioration Numérique ) qui vient d’être votée renforce les sanctions, instaure le délit de "location dans des conditions indignes" et les peines peuvent aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende. La loi précédente, loi Alur, avait instauré le permis de louer que les mairies peuvent exiger dans les zones où l’habitat dégradé est important. Au moins 500.000 logements seraient concernés, tant en métropole qu’outre-mer.

Un autre phénomène aggrave la situation: la difficulté pour les petits propriétaires d’entretenir leur bien immobilier faute de moyens. Ils ne peuvent plus faire face, l’immeuble se dégrade, la valeur locative baisse et avec elle les ressources du bailleur. Les travaux d’entretien sont retardés ou annulés et, à terme, seule la solution de la vente s’impose, mais à quel prix et dans quelles conditions! C’est vrai également dans les copropriétés dégradées dans lesquelles les charges ne sont plus payées. Cela vaut aussi dans les centres-villes anciens où ce phénomène da paupérisation est encore plus visible et sensible .

Sont également concernés les héritiers qui reçoivent ce type de biens dans le cadre d’une succession. Ils ne sont pas habitués à gérer ce genre de situation. Ils n’ont soit pas les moyens, le temps ou le désir de conserver ce patrimoine, soit ils ont l’intention de rénover et d’effectuer les travaux nécessaires mais entament alors un parcours du combattant! Ils sont face à une montagne de dispositifs qui s’empilent les uns sur les autres et qui apparaissent peu compréhensibles, de l’isolation à la toiture, en passant par les fenêtres, la prime énergie, l’éco prêt à taux zéro etc. 

L’Anah (Agence nationale à l’amélioration de l’habitat), le Crédit foncier, les fournisseurs d’énergie entre autres, rendent la mission un peu moins pénible, mais il faut d’urgence instaurer un guichet unique de la rénovation immobilière, simplifier les dispositifs et flécher des ressources proportionnées aux enjeux. Le défi est énorme mais il n’est pas insurmontable. Les propriétaires bailleurs, qu’ils soient privés, publics ou semi-publics, ne demandent qu’à entretenir et valoriser leur patrimoine puis le mettre à disposition sur le marché locatif.

Non le défi n’est pas insurmontable pour peu que la volonté politique s’affirme haut et fort, que les moyens nécessaires soient mis en place et surtout que l’effort sans précédent que cela suppose s’inscrive dans le temps long! Une politique du logement efficace nécessite plus de temps que la durée de n’importe quel mandat. Il faut simplifier, stabiliser et Sanctuariser. C’est le gage d’un habitat digne pour chacun demain.

Voir aussi:

A Marseille, une situation "affolante" du logement indigne ou insalubre

Foyer insalubre: le maire de Montreuil réquisitionne des locaux pour les travailleurs migrants 

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