Réforme du Smic : une méthode douteuse pour un projet socialement explosif pour le gouvernement
Le Smic concerne des millions de travailleurs qui sont, par définition, proches du bas de l'échelle des salaires même s'ils sont employés à temps plein. Un groupe d'experts piloté par un économiste très écouté du pouvoir exécutif vient de proposer une réforme d'importance. Ainsi Gilbert Cette a remis un document aux membres de la Commission nationale de la négociation collective visant à revoir les modalités d'évolution du Smic.
Pour l'heure, le Smic voit sa hausse annuelle découler mécaniquement de l'inflation (hausse des prix sur douze mois hors tabac) et de la hausse du pouvoir d'achat issue du SHBOE: salaire horaire de base ouvrier et employé. A cette double source d'augmentation, il convient d'ajouter ce que l'on nomme un "coup de pouce" qui relève de la décision discrétionnaire du gouvernement.
Prétextant de chercher "à réduire le chômage" et à "lutter efficacement contre la pauvreté", le groupe Cette veut modifier cette règle d'indexation automatique et souligne que seule la France et trois autres pays (la Belgique, le Luxembourg et la Slovaquie) l'appliquent. Enfonçant le clou dans une plaie –celle de la dureté de la vie lorsqu'on est payé au Smic– Gilbert Cette et autres experts vont plus loin et soulignent que le salaire minimum représente environ la moitié du salaire moyen et indiquent que des "études portant spécifiquement sur le coût du travail pour les salaires proches du Smic en France ont conclu à l'existence d'effets négatifs sur l'emploi".
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A ce stade, on ne peut que s'insurger sur cette méthodologie qui agrège avec peu d'opportunité des études éparses et monocolores alors que le sujet est controversé et mérite des approches plurielles. Par ailleurs, il faut surtout pointer le fait que les experts déclarés ne retiennent que le Smic brut pour établir leurs comparaisons internationales. Or, de toute évidence, c'est le salaire net qu'il faut retenir. Par définition, si quiconque veut lutter de bonne foi contre la pauvreté, il ne retiendra pas le salaire brut (d'autant que les cotisations patronales, pour un collaborateur au Smic, sont largement soumises à exonération) mais le net à payer (avant le futur prélèvement à la source dans le cas d'un ménage où le conjoint ne serait pas au Smic mais au-delà et donc imposable).
Comme le lecteur l'aura perçu, ces travaux d'apprentis réformateurs m'incitent à la plus grande prudence car je garde en mémoire la modicité du "reste à vivre" qui correspond au Smic minoré des dépenses obligatoires et incontournables d'un ménage. Les auteurs, dans un espace de lucidité, conviennent que certaines de leurs propositions auraient comme "inconvénient de ne plus garantir le pouvoir d'achat" (sic). C'est bien le rêve de certains employeurs qui sont d'autant plus silencieux qu'ils ne détesteraient pas –contrairement à certains de leurs pairs– aboutir à une glaciation du Smic.
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Au fond, tout ceci ne sera probablement qu'un clapotis sans véritable lendemain. Pour une raison. C'est que le "système Cette" responsabiliserait d'autant plus le gouvernement qui porterait "la totale responsabilité de la revalorisation". Ce qui augurerait de discussions d'autant plus dures avec les partenaires syndicaux.
Pour ma part, je préférerais lire des études qui cherchent à accroître le différentiel entre le seuil de pauvreté et le Smic net que de feuilleter des projets qui sont davantage inspirés par le souci des finances publiques (qui assurent les allègements de charges) que par l'harmonie sociale de notre société. Je rappelle ici que les incertitudes relatives à la gestion du patrimoine financier de l'Etat dépassent le seuil des 30 milliards conformément aux travaux d'audit de la Cour des comptes. Voilà un beau thème pour un groupe d'experts.
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