Suppressions de postes chez Areva : les syndicats très inquiets
Des milliers de salariés en moins et une activité qui n'a pas baissé: chez Areva, en pleine réorganisation, les syndicats s'inquiètent d'une situation "très tendue" avec la mise en œuvre de la réduction drastique des effectifs annoncée il y a dix-huit mois par l'ex-fleuron du nucléaire. Après une perte record de 4,8 milliards d'euros en 2014, Areva annonçait en avril 2015 une restructuration prévoyant quelque 6.000 suppressions d'emploi dans le monde jusqu'en 2017, dont 3.000 à 4.000 en France, assortie d'un plan d'économies d'un milliard d'euros. Le groupe s'était engagé à ne procéder à "aucun départ contraint".
Depuis, "près de 4.200 départs ont été réalisés", selon la direction. Elle souligne que les baisses d'effectifs sont "en ligne avec les objectifs annoncés". De 41.873 salariés au 1er janvier 2015, les effectifs sont passés à 36.809 fin août (-5.064, une réduction qui inclut la vente de la filiale américaine Canberra), selon les chiffres fournis par le groupe. L'accord signé il y a un an pour encadrer les plans de départs volontaires (PDV) mis en œuvre dans six sociétés du groupe touche aujourd'hui à sa fin. Près de 2.000 salariés y ont souscrit, aux deux tiers (1.431) via des mesures d'âge, précise la direction.
Pour les syndicats (CGT, CFDT, CFE-CGC, FO et Unsa-Spaen), qui avaient mobilisé à plusieurs reprises contre la "casse sociale", cette saignée dans les effectifs a pour conséquence une situation "très tendue" sur tous les sites, avec une activité qui "n'a pas baissé", soulignent-ils à l'unisson. Et les nombreux départs hors PDV, "non maîtrisés, nous inquiètent énormément, parce qu'ils sont synonymes de fuite de compétences", dit Jean-Pierre Bara (CFDT). Une inquiétude partagée par Cyrille Vincent (CFE-CGC) qui les chiffre à 900 entre mars et juillet.
Ces conséquences, notamment en perte de "compétences critiques" (soudeurs, radioprotection...), étaient "prévisibles", note Bruno Blanchon (CGT), "un peu en colère" que son syndicat, le seul à ne pas avoir signé le PDV, n'ait "pas été entendu" à l'époque. Pour la CFE-CGC, le "problème de fond", c'est la "réorganisation" des activités. "Il faut arriver à trouver le bon maillage pour savoir qui fait quoi et comment on répartit la charge" de travail, observe M. Vincent. Outre la "surcharge de travail" et le "stress" qui en découle, José Montès (FO) insiste sur la "sécurité" et la "sûreté". En termes d'effectifs, il y a "une ligne rouge à ne pas franchir" car, dans le nucléaire, "on travaille sur des choses très coûteuses et très sensibles", rappelle-t-il.
Christophe Laisné (Unsa-Spaen) espère que ce "gros trou d'air" ne sera "que passager". Mais, comme d'autres, il préfère rester prudent tant que les incertitudes liées à la réorganisation de l'ex-fleuron du nucléaire autour du cycle du combustible (de l'extraction de l'uranium jusqu'au traitement des déchets) ne sont pas levées. Bruxelles doit encore donner son aval à l'augmentation de capital de 5 milliards d'euros prévue et l'offre ferme d'EDF pour la reprise de l'activité réacteurs n'est toujours pas connue.
Pour les salariés, déjà "fortement démotivés" selon M. Montès, la nouvelle architecture juridique, une fois effective, signifiera la fin des accords sociaux, groupe et entreprise. Pour laisser du temps à la négociation, un "accord passerelle" prévoyant leur maintien pendant trois ans a été conclu en juillet. La CFDT et la CFE-CGC ne l'ont pas signé. Le texte fixe les thèmes qui devront être abordés en priorité, dont le temps de travail. Revoir à la baisse les conditions de travail des cadres, avec des "forfaits-jours, qui concernent déjà 95% des cadres, durcis", "est-ce l'urgence absolue, la seule voie pour redresser le groupe?", se demande, dubitatif, M. Vincent.
Pour la CGT, le "contrat social" qui sortira des discussions est "une condition importante du bon redémarrage du groupe". Pour renouveler les compétences et qu'Areva ne perde pas ses "atouts" dans la filière nucléaire, souligne M. Blanchon, il faudra être "attractif".
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.