"Lex Americana" : les Etats-Unis font étalage de leur capacité à faire payer les grands groupes

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 26 décembre 2016 - 12:38
Image
Les symboles de la justice américaine.
Crédits
©North Charleston/Flickr
La justice parvient à obtenir des milliards des grands groupes qu'elle poursuit.
©North Charleston/Flickr
Les amendes infligées au Crédit suisse et à la Deutsche Bank montrent une nouvelle fois que la justice américaine sait imposer de vraies sanctions aux entreprises franchissant la ligne rouge. L'Europe, elle, paraît bien timorée.

En distribuant des amendes de plusieurs milliards de dollars, les Etats-Unis se posent en gendarme intransigeant des milieux d'affaires, sanctionnant les multinationales sur son sol ou à l'étranger et tranchant avec la relative inertie européenne.

Les géants bancaires allemand Deutsche Bank et suisse Credit suisse sont les derniers en date à avoir subi les foudres de la Lex Americana pour avoir vendu des crédits immobiliers "subprime" à l'origine de la crise financière de 2008-2009.

La première devra débourser 7,2 milliards de dollars tandis que sa rivale suisse versera 5,3 milliards pour solder les poursuites et échapper à un procès aux Etats-Unis.

A défaut d'avoir traduit des banques en justice, les autorités américaines les ont fait passer à la caisse, sans épargner leurs géants nationaux: JPMorgan Chase, Citigroup, Morgan Stanley et Bank of America ont payé un montant cumulé de 40 milliards de dollars pour solder des poursuites liées à ces produits toxiques.

"Il y a un certain fondamentalisme de la loi aux Etats-Unis. Quand on viole la loi, la sanction tombe", affirme à l'AFP Nicolas Véron, expert d'un centre de réflexion européen (Bruegel) et américain (Peterson Institute).

Le Royaume-Uni a certes déjà imposé des sanctions conséquentes pour le scandale de la manipulation du taux Libor, mais de telles pénalités restent rares dans le reste de l'Europe.

"Ce n'est pas tant une différence dans les règles mais dans la manière dont elles sont appliquées. C'est beaucoup plus dur aux Etats-Unis", souligne M. Véron, selon lequel les pays européens "n'osent pas" s'attaquer à leurs champions nationaux.

Le cadre légal américain fait toutefois parfois la différence en offrant aux Etats-Unis la possibilité d'étendre son bras judiciaire bien au-delà de ses frontières.

Les autorités américaines viennent d'en faire usage en imposant la semaine dernière des pénalités de 2,6 milliards de dollars au géant brésilien du BTP Odebrecht -dont l'essentiel sera reversé au Brésil- et d'un demi-milliard au numéro un mondial des médicaments génériques, l'israélien Teva, à chaque fois pour des faits de corruption sans lien direct avec les Etats-Unis.

Pour cela, les autorités américaines disposent d'un outil juridique sans équivalent dans le monde: la loi FCPA (Foreign Corrupt Practices Act) de 1977 qui leur permet de traquer les malversations d'une entreprise dès lors qu'elle est cotée à Wall Street ou que ses transactions transitent par le circuit financier américain.

Cette extraterritorialité sans équivalent en Europe confère aux Etats-Unis un rôle de gendarme anti-corruption mondial qui lui permet d'asseoir son influence géopolitique.

"Il y a un véritable lien entre les affaires économiques et les affaires étrangères", affirme à l'AFP Aaron Klein, expert du centre de réflexion Brookings à Washington. "La prochaine guerre sera sans doute davantage menée à coups de bons du Trésor que de bombes".

Dans un tout autre registre, le retentissant scandale des moteurs truqués de Volkswagen a lui aussi étalé au grand jour la force de frappe du système judiciaire américain et sa capacité à faire plier les grands groupes.

Pour indemniser les automobilistes et réparer les dommages causés à l'environnement, le géant de l'automobile allemand s'est déjà engagé à débourser plus de 15 milliards de dollars et devra sans doute en ajouter un ou deux supplémentaires pour solder le volet civil du scandale.

En Europe, les autorités ont certes elles aussi ouvert des enquêtes contre VW mais le résultat, de leur propre aveu, devrait être moins spectaculaire.

"Dans l'UE, la voie vers des dédommagements est plus compliquée qu'aux Etats-Unis", a ainsi reconnu la commissaire européenne à la Justice Vera Jourova début septembre.

Aux Etats-Unis, l'action des autorités peut s'appuyer sur des actions en nom collectif engagées par des plaignants ("class actions") qui accentuent la pression sur les entreprises... mais qui n'existent pas dans l'Union européenne.

Les autorités européennes ne sont toutefois pas totalement inertes face aux grandes entreprises. Elles ont ainsi ouvert de nombreuses enquêtes pour atteinte à la concurrence, tout en accentuant leur offensive contre l'évasion fiscale des multinationales.

Décision la plus spectaculaire, la Commission a sommé fin août le géant Apple de rembourser à l'Irlande 13 milliards d'euros d'avantages fiscaux indus, mais elle a suscité la réprobation d'un adversaire de taille: les Etats-Unis...

 

À LIRE AUSSI

Image
Le logo de Deutsche Bank
Crise des subprimes : la Deutsche Bank va verser 7,2 milliards de dollars aux Etats-Unis
La Deutsche Bank a trouvé un accord avec les autorités américaines pour solder le contentieux sur la crise des subprimes. Le coût: 7,2 milliards de dollars, incluant u...
23 décembre 2016 - 09:20
Tendances éco

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.