Paradise Papers : la légalité de l'optimisation fiscale n'empêchera pas le dégoût de l'opinion publique
Encore une fois, l'actualité se trouve marquée par une histoire internationale d'évasion fiscale. Ceux qui payent loyalement leurs impôts sont lassés ou en colère après cette série de déballages.
Les Paradise Papers sont issus de la divulgation de plus de 13 millions de documents dont la plupart proviennent du cabinet d'avocats "Appelby" localisé aux Bermudes. Ils ont déclenché une logique de "Name and Shame" ("Nommez les fautifs et stigmatisez-les!") vis-à-vis de plusieurs personnalités telles que Rex Tillerson (ancien patron d'ExxonMobil et actuel Secrétaire d'Etat des Etats-Unis), le chanteur Bono et même la Reine Elisabeth II. Ou encore l'emblématique Apple.
Dans la mesure où ces Paradise Papers sortent sur la place publique après l'affaire d'importance qu'a été, en 2016, celle des Panama Papers (11 millions de documents en provenance des avocats de Mossack Fonseca pour une incrimination de plus de 210.000 sociétés offshore) et après les Football Leaks, on comprend aisément l'hostilité de l'opinion publique mondiale. Sur les seuls Paradise Papers, la somme de 350 milliards de dollars d'évasion fiscale est évoquée en l'attente de l'exploitation des données recueillies.
A ce stade, il faut effectuer deux remarques. La première est issue d'une réflexion de feu Maurice Lauré ("père" de la TVA en 1954) qui estimait que "plus un système fiscal est complexe, plus il a de chances d'être fraudé". C'est bien le cas de la plupart des systèmes fiscaux.
Deuxième remarque, il faut délimiter une ligne rouge entre la fraude fiscale et l'évasion fiscale. La fraude, comme son nom l'indique, est une séquence de décisions qui, au total, permet à un contribuable de ne pas payer l'impôt et d'être ainsi en pleine illégalité. L'évasion fiscale est d'essence différente: elle vise à payer le moins d'impôts possible par le recours à des techniques –le plus souvent légales– d'optimisation diverse.
En l'état actuel de ce qui est connu et confirmé, il semble que les Paradise Papers relèvent principalement d'optimisation fiscale. Donc de personnalités fortunées qui ont eu recours à des conseils de malins mais pas de délinquants. Pour l'opinion publique, le dégoût est le même. Dans un cas, ce sont des gens qui violent les lois et dans un deuxième cas il s'agit de pseudo-magiciens qui échappent par ruse au paiement "normal" et citoyen de l'impôt.
Une histoire qui remonte à 1972 vient nous rappeler que l'opinion a de la mémoire. A cette époque-là, Jacques Chaban-Delmas était Premier ministre et sa feuille d'impôts avait, étonnamment, été communiquée au Canard Enchaîné. Ainsi, on pût découvrir que l'ancien maire de Bordeaux ne payait pas d'impôt sur le revenu grâce au système de l'avoir fiscal. L'effet politique fût désastreux et a "probablement" servi les futurs intérêts électoraux du ministre des Finances de l'époque: Valéry Giscard d'Estaing. Dans la mesure où un proche de Justin Trudeau (le trésorier du Parti libéral Stephen Brofman) est éclaboussé par les Paradise Papers, on peut imaginer que d'aucuns sauront exploiter cette affaire outre-Atlantique et tenter de salir le Premier ministre canadien…
Quant à la France, il convient de rappeler que de nombreux montages fiscaux élaborés en vue de s'exonérer du paiement de tout ou partie de l'impôt sont retoqués par l'administration au moyen de la procédure dite de l'abus de droit qui figure dans l'article L 64 du Livre des Procédures fiscales détaillant les motifs de rejet des montages "qui n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales" du contribuable. La France dispose donc déjà de moyens pour faire face à l'évasion fiscale!
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