Portugal : un miracle économique ?

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La Maison de l'Europe de Paris, édité par la rédaction
Publié le 06 décembre 2017 - 13:43
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Drapeau portugais Portugal
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La politique profondément anti-austérité du Portugal a porté ses fruits.
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Grâce à des réformes structurelles, le Portugal a réussi à obtenir une réduction du déficit durable et une croissance probablement supérieure à celle de la zone euro en 2017. Le gouvernement portugais avait opté pour une politique profondément anti-austérité.

En visite à Lisbonne en juillet dernier le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, saluait les bons résultats économiques du Portugal soulignant une réduction du déficit durable et une croissance probablement supérieure à 2,7% en 2017.

Un an plus tôt, à Bruxelles, la Commission européenne entamait une procédure pour "déficit excessif" contre le gouvernement de Lisbonne. Cette procédure était destinée à alerter Lisbonne avant une probable amende, le pays n’étant pas parvenu à ramener son déficit à 2,5% en 2015. Depuis la procédure a été abandonnée et la situation économique du Portugal est radicalement différente. 

Arrivé au pouvoir en novembre 2015, le socialiste Antonio Costa a mené une politique en rupture totale avec celle menée jusqu’à présent par son prédécesseur le social-démocrate Pedro Passos Coelho. A la tête d’une coalition composée de partis de gauche historiquement opposés, Antonio Costa a rapidement mis en place de nouvelles mesures socio-économiques.

Voir également - Moscovici: "la réduction du déficit au Portugal est durable"

Autour du parti communiste, des écologistes et de la gauche radicale, le nouveau Premier ministre portugais a, dès 2015, établi la feuille de route d’une politique profondément anti-austérité. Là où le gouvernement précédent avait gelé le salaire minimum et les pensions de retraites tout en augmentant les impôts, Antonio Costa a misé sur des réformes de relance de la demande. Entre 2016 et 2017, le salaire minimum a été augmenté à deux reprises en échange de baisses de cotisations pour les employeurs de 23% à 22% (source TV5 Monde). Ces augmentations ont fait passer le salaire minimum de 505 à 557 euros tandis qu’en parallèle des réformes économiques et sociales ont également été adoptées. Afin de relancer le pouvoir d’achat, le gouvernement d’Antonio Costa a décidé de l’augmentation des retraites et des allocations familiales et de la baisse des impôts pour les ménages les plus modestes. D’autre part pour attirer des candidats à l’immigration au Portugal, et renforcer la demande, le gouvernement a proposé un cadeau fiscal: depuis début 2013, tous les retraités européens du secteur privé qui s'installent pour la première fois au Portugal sont exonérés d'impôts sur leurs pensions perçues dans leur pays d'origine pendant dix ans, à condition de passer six mois par an au moins sur place.

Ces différentes mesures, associées au renforcement du droit du travail et à la fin des privatisations dans le secteur public, ont eu un effet immédiat sur la création d’emplois dans le pays. En cinq ans le code du Travail portugais a évolué renforçant le rôle de la formation tout en supprimant les représentants syndicaux, les comités d’entreprises et les réunions formelles des délégués du personnel. Le chômage proche de 13% en 2014 a baissé à 11,5% en septembre 2016 et atteint les 8,8% au deuxième trimestre de l’année 2017 (source RTL). Sur cette même dernière période la France affichait un chômage à 9,5%.

Grâce à ces réformes structurelles, les entreprises portugaises bénéficient d’un climat économique favorable visant à améliorer leur compétitivité et à favoriser l’investissement. La concurrence ne se fait pas sur les bas salaires comme dans les pays de l’Est. Cette hypothèse avait été écartée dès le début du mandat du premier ministre. "Un combat perdu d’avance" déclare le ministre de l’Economie Manuel Caldeira Cabral qui ajoute qu’aujourd’hui les producteurs recherchent des professionnels et laissent de côté la main d’œuvre bon marché.

Ainsi, l’industrie portugaise mise davantage sur la qualité que sur les prix. La production est axée sur le textile, les chaussures ou encore l’automobile. On assiste au retour des grands groupes de l’industrie automobile avec PSA, Renault ou encore Volkswagen. Du côté du tourisme et afin de répondre à la demande de touristes en expansion (+12% cette année par rapport à 2016), un grand chantier est mené avec la construction de plus de 200 hôtels de luxe. Là encore, le Portugal recherche la qualité.

Cette hausse de la création d’emplois a engendré une hausse du PIB portugais évaluée désormais pour 2017 à 2,5%. C’est plus que pour la zone euro (1,9%) et pour la France (1,5%).

Lire aussi: Le Portugal garde le cap sur la croissance et la réduction du déficit

Les faits sont incontestables: une politique de relance par la demande peut fonctionner en Europe. Si le Portugal réalise de belles performances sur le plan économique, une ombre au tableau perdure… celle de la dette publique.  

La dette du Portugal est toujours très élevée et atteignait 130,4% du PIB en 2016 (source Eurostat). Les exportations portugaises de biens et de services représentent plus de 40% du PIB contre 27% avant la crise (source Le Moci). Cela signifie que l’Etat portugais s’endette à l’extérieur. De plus, les ménages portugais sont très endettés (environ 143% du PIB). Le Portugal ne peut donc pas compter sur leur épargne pour financer sa dette, comme c’est le cas au Japon. La dette portugaise reste donc instable et l’on peut s’inquiéter de sa solvabilité. D’autant plus que le Portugal profite de la bonne situation de la zone euro. Peut-on la garantir sur le long terme? Rien n’est moins sûr. Néanmoins, le pays commence à retrouver la confiance des investisseurs. Standard & Poors a déjà relevé d'un cran en septembre dernier la note de sa dette publique, de BB + à BBB-, sortant le pays de la catégorie des investissements spéculatifs. Lisbonne espère dans les mois prochains décrocher l'approbation des autres agences de notation. Alors devrait-on désormais parler du "modèle portugais" au lieu du "modèle allemand"?

(Avec la contribution du Centre d’Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris)

 

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