Une nouvelle "fièvre de la construction" guette le littoral espagnol

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Par Daniel BOSQUE - Begur (Espagne) (AFP)
Publié le 10 septembre 2018 - 09:33
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La côte espagnole à Aiguafreda (commune de Begur), village cerné par l'eau bleue de la Méditerranée et les pinèdes, et menacée par une nouvelle "fièvre de la construction", le 28 août 2018.
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© LLUIS GENE / AFP
La côte espagnole à Aiguafreda (commune de Begur), village menacé par une nouvelle "fièvre de la construction", le 28 août 2018.
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Entre le bleu des eaux et le vert des pins, la crique d'Aiguafreda, l'une des dernières préservées de la côte méditerranéenne espagnole, voit sa tranquillité menacée par de nouveaux projets d'urbanisme, dix ans après l'éclatement d'une bulle immobilière.

En Catalogne, en Andalousie ou aux îles Baléares, de nombreux projets stoppés net par la crise de 2008 reprennent du poil de la bête avec la reprise économique et font craindre aux écologistes une nouvelle "fièvre de la construction" sur une côte déjà largement bétonnée.

Sur la seule Costa Brava, une centaine de kilomètres de côte dans le nord-est de l'Espagne, le collectif SOS Costa Brava dénombre une vingtaine de projets immobiliers, visant jusqu'à 2.000 logements au total.

Il en est prévu 260 sur le littoral d'Aiguafreda. Au point mort pendant 15 ans à cause de problèmes administratifs, de désaccords entre les investisseurs puis de la crise économique, le projet va être relancé par de nouveaux promoteurs.

Aujourd'hui, seules quelques maisons se cachent entre les pins au bord de cette crique aux eaux cristallines de la commune de Begur.

"Des endroits comme celui-là, si verts et avec si peu de maisons, il en reste très peu. L'idée de le perdre nous effare", dit Estel Rumbau, du collectif Salvem Aiguafreda (Sauvons Aiguafreda).

La mairie se dit impuissante pour bloquer la construction: les terrains sont déjà déclarés constructibles, et exproprier coûterait 50 à 70 millions d'euros.

"Moi, je voudrais faire zéro maison, mais nos armes sont ce qu'elles sont. Nous essaierons de faire en sorte qu'il y en ait le moins possible", affirme le maire Joan Manel Loureiro, promettant qu'il n'y aura pas plus de 100 logements.

Ce n'est pas le seul projet à Begur. De l'autre côté de la colline d'Aiguafreda, six pelleteuses préparent le terrain pour construire 26 appartements de luxe avec une vue spectaculaire sur les îles Medes, une réserve naturelle protégée.

Une soixantaine d'appartements sont aussi en projet dans la crique voisine de Sa Riera. Et dans la commune voisine de Pals, la mairie s'apprête à autoriser la construction d'un millier de maisons à la place d'une pinède centenaire.

Même le port de Cadaquès, où résidait le peintre surréaliste Salvador Dali, est concerné, avec un projet d'une centaine de logements et un hôtel en bordure d'un parc naturel.

À Begur, 4.000 habitants à l'année et plus de 20.000 en haute saison, des habitants protestent, répétant que leur ville est déjà saturée.

"Les gens achèteront une maison et ils ne pourront pas aller à la plage faute de place. Ils voudront un bateau mais n'auront nulle part où l'amarrer. Ils ne pourront pas non plus boire une bière au village parce qu'ils ne pourront pas se garer", proteste l'un d'entre eux, Miquel Collado.

- "Renaissance de la construction" -

De tels projets fleurissent un peu partout sur les côtes espagnoles, dénonce Greenpeace: des milliers d'appartements, des hôtels et deux tours de trente étages à Roquetas de Mar, près d'Almeria (sud-est), ou des complexes de luxe les pieds dans l'eau à Majorque, et un hôtel sur l'une des rares plages préservées à El Palmar, près de Cadix, sur la côte atlantique.

"Il y a une renaissance de la construction", déplore Pilar Marcos, l'une des auteurs d'un rapport de l'ONG écologiste sur la frénésie de la construction en Espagne, publié en juillet.

Dans ce rapport, on lit que le bétonnage du littoral espagnol a doublé en trente ans, avec par endroits des taux d'urbanisation dépassant 90%.

Symbole des excès passés, l'hôtel El Algarrobico, 21 étages les pieds dans l'eau dans un parc naturel d'Andalousie, jamais ouvert, est toujours debout malgré un ordre de démolition de la Cour suprême.

Avec le retour de la croissance économique et de l'activité du secteur immobilier, "nous retombons dans le même piège", estime Pilar Marcos.

Mais la loi espagnole rend la majorité de ces projets difficiles à contester, reconnaît-elle, réclamant au gouvernement socialiste une loi plus restrictive sur l'urbanisation du littoral.

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