Nous sommes Novak Djokovic
BILLET/AU FILET - C'est fait. Le tennisman serbe Novak Djokovic a atteint, à 36 ans, le record du plus grand nombre de tournois majeurs jamais gagnés. Alors même qu'il a été empêché de participer à deux d'entre eux, en 2022, pour cause de refus de vaccination.
L'icône du tennis, qui avait prouvé en début d'année à l'Open d'Australie qu'il était toujours aussi fort après avoir été expulsé de l'édition précédente, devient, avec sa victoire de dimanche à Roland-Garros, le plus grand joueur de tennis de tous les temps.
Après un début de saison très mitigé sur terre battue, les supporters attentifs de l'ex-Yougoslave, qui auront remarqué l'apparition de quelques cheveux blancs sur la tête du joueur, étaient fébriles. Seuls trois tennismen, dans toute l'Histoire, avaient réussi jusqu'ici à gagner un tournoi majeur après 35 ans.
Son principal rival encore en activité, Rafaël Nadal, qui a moins d'un an d'écart avec Djokovic, est de plus en plus handicapé par des problèmes physiques, au point d'avoir dû renoncer à Roland-Garros. Et le Serbe, qui se plaint de douleurs au coude, son talon d'Achille, depuis le début de saison, n'a pas atteint mieux qu'un quart de finale sur terre battue…
L'os espagnol
Et puis, Roland-Garros. Le tirage au sort place Djokovic dans la même moitié de tableau que le jeune prodige espagnol Carlos Alcaraz, plus jeune numéro un mondial de l'Histoire. Leur précédente et unique confrontation, à Madrid l'année dernière, s'était soldée par une victoire de l'Espagnol à domicile. À Roland-Garros, le Serbe risque de nouveau de tomber sur un os, et ce qui devait arriver arriva.
Le 9 juin, vendredi dernier, la demi-finale n'est pas seulement un duel au sommet : c'est un combat de générations. Pour Carlos Alcaraz, il s'agit de confirmer sa victoire de Madrid, et surtout de décrocher une première victoire en Grand Chelem contre un des monstres sacrés du tennis. Pour Djokovic, de barrer la route à la génération montante, comme il l'a fait tout au long de ces dix dernières années.
Mais Carlos Alcaraz a été tellement étincelant, avec quatre tournois gagnés depuis le début de l'année, et un parcours facile à Roland-Garros jusqu'à la demi-finale, que les pronostics sont en défaveur de Djokovic. L'Espagnol pratique un tennis absolument spectaculaire, alternant courses fulgurantes, coups droits météoriques, non sans flegme, avec une apparente naïveté et un sourire qui contraste avec les éclats de colère fréquents chez les joueurs de tennis.
Erreur de calcul
Le Serbe est bien tombé sur un os. Il va le ronger. On excusera la fébrilité du tout jeune Carlos Alcaraz, qui perd le premier set vendredi dernier. Il retrouve son tennis pour empocher le second. Mais face à la défense métronomique de Djokovic, il en demande sans doute un peu trop à son corps. La tension s'accumule, et les muscles lâchent. Les deux derniers sets sont pliés 6-1, 6-1 par le Serbe.
On commence à imaginer ses cheveux blancs se refléter sur le trophée de Roland-Garros, après ceux de Nadal qui avait porté haut les couleurs de sa calvitie naissante l'année passée. Papa fait de la résistance.
Novak Djokovic profite des deux jours de repos qui l'attendent pour emmener ses enfants se promener dans la nature. Une nature qu'il vénère. Au cours d'un entretien accordé au Telegraph en 2018, il avait révélé qu'il s'était senti coupable pendant plusieurs mois d'avoir subi une opération du coude pour diminuer ses douleurs. "J'essaie d'être aussi nature que possible, et je pense que notre corps s'auto-répare", ajoutait-il.
Novak Djokovic, dont on rappelle qu'il a bien sûr obstinément refusé la vaccination estampillée Covid-19. L'année dernière, quand la BBC lui demandait s'il était prêt à compromettre ses chances de devenir le joueur le plus titré, il répondait sans ciller : "Concernant mon corps, mes principes sont plus importants que n'importe quel titre ou que n'importe quoi d'autre".
Pas tape-à-l'œil
Le gain de l'Open d'Australie 2023 avait bien marqué un retour en force. En moyenne, Djokovic a gagné ce tournoi presque deux fois sur trois. La frustration liée à son éviction l'année passée s'était-elle transformée en rage de vaincre ?
Autant de conjectures sceptiques, envolées comme bulles de savon après sa victoire contre Carlos Alcaraz. Contrairement au jeune prodige, le Serbe ne compte pas parmi les joueurs plus spectaculaires. Un mot : solide. Avec Novak Djokovic, vous jouez contre deux filets : le premier par-dessus lequel il faut passer la balle, et le deuxième, qui vous la renvoie sans cesse, avec une implacable élasticité.
Filet qui se transforme en fronde à la moindre de vos défaillances. Inévitablement, ses adversaires s'y emmêlent les pinceaux. Un tennis pas tape-à-l'œil. Face à Djokovic, tous les joueurs ont l'air de jouer mal, d'inconstants apprentis.
C'est le destin qui attendait le brillant Casper Ruud, quatrième mondial et désormais triple finaliste en Grand Chelem, lors de l'ultime match du tournoi, ce dimanche. Avec à la clef, la consécration de Novak Djokovic, joueur le plus titré de l'Histoire, 23 titres majeurs contre 22 pour le pré-retraité Rafaël Nadal.
À contre-courant
"Ce que vous perdez dans l'instant, vous le regagnerez doublement plus tard. Ce que vous gagnez dans l'instant en résistant, c'est plus que ce que vous ne perdrez jamais." Ces mots, Novak Djokovic ne les a jamais prononcés. En revanche, il leur a donné vie. Droit dans ses tennis, il a donné de l'espoir, un visage, une reconnaissance à tous les résistants aux injonctions-injections. Sans ostentation, il leur a rendu dignité et courage.
Face à la pensée dominante du groupe dominant, en bon soldat de sa cause, Novak Djokovic nage à contre-courant. Quand le vent tourne, il est déjà loin devant.
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