Inquiétude à la Chambre britannique des Lords face au remplacement de politiciens ou de PDG par une intelligence artificielle
IA - Si les espions britanniques n'ont pas à se soucier de l’essor de l’intelligence artificielle (IA), les politiciens, eux, se font un sang d’encre. Richard Denison, membre de la Chambre des Lords, craint une “prise de contrôle” d'une IA et redoute son remplacement, comme celui de ses pairs, par des “bots avec une connaissance plus approfondie, une productivité plus élevée et des coûts de fonctionnement inférieurs”. La perspective d’un remplacement de politiciens et de directeurs d'entreprise n’est vraisemblablement pas aussi lointaine que cela, selon un chercheur américain.
Lors d’un débat lundi 24 juillet 2023 sur le développement de l’intelligence artificielle à la Chambre des lords, Richard Denison a émis l’hypothèse que ces technologies seront bientôt en mesure de prononcer ses discours dans son propre style et sa propre voix, “sans hésitation, répétition ou déviation”. “J'ai été brièvement tenté de sous-traiter mon discours d'IA à un chatbot et de voir si quelqu'un le remarquait. J'ai testé deux [technologies]. En quelques secondes, les deux ont prononcé des discours de 500 mots qui étaient crédibles, bien qu'un peu génériques”, a-t-il déclaré à ses pairs.
Inquiétude à la Chambre des Lords britannique
M. Denison a exprimé sa préoccupation quant à la capacité des solutions d’intelligence artificielle “d’écrire mes discours dans mon style personnel, après avoir [analysé] un compte rendu parlementaire” et de “prononcer même mon allocution, avec ma voix après avoir analysé et traité mes discours sur Parliamentlive.tv (site dédié au Parlement britannique, ndlr)”.
Une appréhension partagée par ses collègues à la Chambre des Lords. Charles Colville, producteur de télévision écossais, réalisateur et autre membre de la chambre haute du Parlement britannique a également fait part de son expérience avec le programme ChatGPT, à qui il a demandé d’écrire un discours sur la menace que fait planer l'intelligence artificielle sur le journalisme.
M. Colville révèle que le texte qui lui a été généré affirmait que “l'IA, dans son efficacité infatigable, menace d'éclipser le journalisme humain. Les articles de presse peuvent être automatisés et les éditoriaux composés sans une seule pensée, un seul cœur battant derrière les mots”. "Ma crainte, poursuit-il, est que nous descendions dans un paysage où les informations sont dépouillées des éléments humains qui les rendent compréhensibles et finalement percutantes”.
"Est-ce une perspective excitante ou alarmante que nous puissions un jour être remplacés par des robots avec des connaissances plus approfondies, une productivité plus élevée et des coûts de fonctionnement inférieurs?", s’interroge Richard Denison, relayé par The Guardian. “Pourtant, c'est la perspective pour peut-être jusqu'à 5 millions de travailleurs au Royaume-Uni au cours des 10 prochaines années”, a-t-il ajouté.
Si le membre écossais de la Chambre des Lords fait remarquer que “l’intelligence artificielle exacerbe la menace financière que vit l’industrie des médias”, The Guardian rappelle que des sociétés comme le géant IBM ou encore British Telecom (BT) ont annoncé la suppression, les prochaines années, de 7.800 et 55.000 emplois respectivement qui pourraient être remplacés par l’IA et l’automatisation.
Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 27% des emplois sont exposés au risque d’automatisations. “Les professions très qualifiées, bien que plus exposées aux progrès accomplis récemment par l’IA, restent néanmoins celles qui sont le moins susceptibles d’être automatisées”, lit-on. C’est les emplois “peu et moyennement qualifiés” qui sont les plus touchés comme ceux des secteurs de la construction, de l’agriculture, de la pêche et, dans une moindre mesure, de la production et des transports.
"L’IA, une espèce envahissante"
Mais selon le chercheur Dan Hendrycks, directeur du Centre américain pour la sécurité de l’IA (Center for AI Safety, ndlr), les politiciens ou les PDG pourraient bien être remplacés par cette technologie. Dans une déclaration à Fox News, il explique que l’intelligence artificielle est bien capable d’évoluer jusqu’à prendre le contrôle de ces emplois. "Par exemple, une entreprise en Chine a déjà nommé une IA comme PDG. Cela ne signifie pas que c’est une bonne idée ou mauvaise idée, mais que les gens sont prêts si l'IA fonctionne assez bien", a-t-il observé. Il s’agit de la société d’édition de jeux vidéos, NetDragon Websoft, qui a annoncé avoir installé un robot doté d’IA comme PDG d’une de ses filiales.
Dan Hendrycks affirmait même dans un article que le remplacement de certains emplois par IA est inévitable puisque cette technologie “est favorisée par la sélection naturelle” (sic). Celle-ci, “une force dominante dans le développement de l’IA, incite les bots à agir contre les intérêts humains". "Sur le marché, c'est la survie du plus apte. Au fur et à mesure que les IA deviennent de plus en plus compétentes, les IA, si elles suivent les règles darwiniennes, automatiseront de plus en plus d'emplois", a-t-il expliqué à Fox News Digital. "À long terme, les IA pourraient être considérées comme une espèce envahissante."
Il rappelle qu’un “cadre IA pourrait travailler 168 heures par semaine sans repos ni pause", "pourrait penser plus vite, prendre des décisions de haute qualité même sous la pression du temps". Une telle technologie peut aussi “travailler sur de nombreuses tâches simultanément", gérer "un nombre arbitraire de relations ou d'employés" et servir d'"expert dans de nombreux domaines”. Ainsi, "les entreprises qui ne remplacent pas leurs PDG par des IA deviendraient moins compétitives et perdraient leur pertinence", prédit Dan Hendrycks.
Intervenant le 19 juillet dernier, Richard Moore, chef de l’agence de renseignement britannique, communément appelée MI6, avait affirmé que l'IA ne remplacera pas le “besoin en espions humains”. “L'IA parcourt l'open source mais il sera encore plus utile de cibler, avec une mouche (espion, ndlr) bien lancée, les secrets qui se trouvent au-delà de la portée de ses filets”. Des “mouches” qui, dotées de “caractéristiques uniques” et “placés aux bons endroits”, pourront “influencer les décisions au sein d’un gouvernement ou d’un groupe terroriste”.
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