"Summer Davos" : malgré la fin du zéro-covid, Klaus Schwab flatte le gouvernement chinois, "impatient d'apprendre" de sa "vision"... pour imposer le crédit social ?
WORLD ECONOMIC FORUM - Dans le cadre du "Summer Davos" qui s'est tenu du 27 au 29 juin dernier à Tianjin en Chine, Klaus Schwab a tenu le discours d'ouverture de la 14e réunion annuelle des "Nouveaux Champions". Le fondateur et président exécutif du Forum Économique mondial (WEF), a fait l’éloge du Premier ministre Li Qiang pour sa gestion du Covid et son plan de développement économique du pays. Au printemps 2022, alors secrétaire du Parti Communiste Chinois (PCC) à Shanghai, il avait ordonné un très strict confinement de la ville deux mois durant. Une fois entré dans ses nouvelles fonctions en mars 2023, Li Qiang a fait appliquer "de nouvelles mesures" de contrôle de la pandémie selon Schwab, qui représentent pourtant l'abandon total de la politique dite du "zero-covid". En effet, après des émeutes de la population en fin d'année dernière contre ce type de mesures, la Chine a choisi de largement réouvrir et relancer son économie. Sans reconnaître l'échec d'une gestion qu'il encourageait au nom du WEF, Klaus Schwab s'est félicité de sa collaboration "de 40 ans avec le PCC" et a flatté l'exécutif chinois, s'impatientant en vue d'autres partenariats, dont certains en rapport avec l'établissement d'un crédit social.
Créée en 2017, la réunion des "Nouveaux Champions du WEF", tenue au sein du forum "Summer Davos", se tient chaque été en Chine et réunit des participants issus des pays émergents, des chefs entreprises, des "leaders" de la "prochaine génération" ou encore des personnalités de la Tech.
Cette année, la nouvelle mouture a eu lieu à Tianjin du 27 au 29 juin 2023. Au programme des discussions : des thématiques traditionnellement prisées par le WEF et déjà abordées lors des précédentes éditions du Forum de Davos, comme la sécurité alimentaire et les biotechnologies, le climat et le réchauffement climatique, le futur de la monnaie ou encore l'Intelligence artificielle.
Lutter contre le réchauffement climatique "auprès de la Chine"
Cette nouvelle édition fait surtout parler d’elle en raison du discours d'ouverture de Klaus Schwab. Dans son allocution, il a ouvertement exprimé la reconnaissance du WEF pour son "partenariat de plus de 40 ans avec le Parti communiste chinois" (PCC), se disant prêt à "l’approfondir". Le fondateur du Forum s'engage par exemple à "lutter contre le réchauffement climatique" aux côtés de la Chine, saluée "pour ses mesures de contrôles anti-Covid".
"Le Premier ministre Li Qiang a pris ses fonctions en mars [2023] (...), à un moment critique où la Chine a adopté de nouvelles mesures de contrôle contre la pandémie de Covid et a commencé à stimuler le développement économique, le dynamisme social et la coopération internationale", a-t-il déclaré.
"Premier Li took his office this March at China's National People's Congress at a critical moment when China adopted new COVID control measures and started to boost economic development, social dynamism, and international cooperation": Klaus Schwab #AMNC23 #WEF pic.twitter.com/cWHGl5QNJs
— Tim Hinchliffe (@TimHinchliffe) June 27, 2023
De fait, ces "nouvelles mesures" sont davantage un désaveu de la politique dite du "zéro-covid" encouragée par Schwab et le WEF durant la crise sanitaire. Des mesures qui ont justement été décriées en Chine du fait de leur coût exorbitant, voire ruineux, pour l'économie et de leur caractère éprouvant pour la population, sans pour autant montrer quelque efficacité scientifique.
En décembre 2022, les plus grandes villes chinoises ont été le théâtre d’importantes manifestations contre l'ensemble des mesures anti-Covid : confinements, tests quotidiens, système de contrôle par passe..., jugées trop dures et coercitives par la population.
Les autorités nationales comme locales ont misé sur des applications pour lutter contre la propagation du coronavirus. Les citoyens étaient obligés d’installer des programmes sur leurs smartphones pour pouvoir circuler librement dans le pays après obtention de certificats d'autorisation. Ces programmes réunissaient de nombreuses données de santé comme les résultats de tests PCR, obligatoires pour prendre un avion, un train ou même accéder à un établissement commercial comme un hôtel, un supermarché ou un restaurant.
Dans une enquête dévoilée fin 2022, Associated Press a démontré comment ces applications ont justement été utilisées pour étouffer les manifestations contre la politique chinoise de "zéro-covid".
Cet exemple chinois, avec sa "modernisation durant les 40 dernières années" et ses mesures anti-Covid, est ainsi, ce que beaucoup redoutent, le modèle que le WEF et son fondateur Klaus Schwab souhaiteraient instaurer dans plusieurs autres nations, notamment européennes et nord-américaines. Une "modernisation" accompagnée par des technologies de surveillance de masse, qui rime en fait avec l’instauration d’un système de crédit social.
Mais les procédés qui suscitent l’inquiétude en Occident sont différents. Malgré le rejet des mesures anti-Covid par une partie de la population, comme le port du masque, la vaccination ou le confinement, des États du G20 ou des organisations mondiales comme l’OMS envisagent ouvertement de reconduire la mise en place de passe sanitaire, "pour prévenir les prochaines pandémies".
Le WEF "impatient" d’apprendre de la "vision" chinoise
De nombreuses autres initiatives, visant à "lutter" contre les épidémies, le réchauffement climatique ou à protéger les mineurs font planer le risque d’un système de crédit social semblable à celui instauré en Chine et sont, à chaque fois, décriées par des citoyens, en France comme ailleurs en Europe ou aux États-Unis.
Citons les projets européen et américain de créer une version numérique de leurs devises respectives, l’euro et le dollar, ou encore le projet français d’un certificat digital pour empêcher l’accès des mineurs à des sites pornographiques. N’omettons pas le projet européen d’une identité numérique, qui pourrait intégrer "des données sociales, financières, médicales, professionnelles et bien plus encore", et de "stocker les informations personnelles dans un seul identifiant numérique".
La lutte contre le réchauffement climatique suscite aussi une appréhension, puisque, parmi les mesures proposées (et parfois adoptées), figurent la surveillance obligatoire de l'empreinte carbone des individus, à travers un "passe" que certains voient comme une violation de la vie privée et des libertés individuelles.
Des idées que l’on retrouve également chez les personnalités conviées chaque année au Forum de Davos. Lors de la dernière édition en janvier 2023 en Suisse, de nombreuses personnalités ont par exemple proposé des initiatives favorables au climat ou à la prévention des prochaines pandémies. Citons le cas de Tony Blair, qui a ouvertement appelé à la mise en place d’une "une infrastructure digitale" centralisée pour "savoir qui a été vacciné et qui ne l’a pas été" et de ce fait, lutter contre les prochaines pandémies.
"Monsieur le Premier ministre Li, nous sommes impatients d'apprendre de votre vision de la Chine et du monde", a conclu Klaus Schwab dans son allocution. Le fondateur du WEF et son discours sont très critiqués, particulièrement sur Twitter, non seulement pour ses louanges vis-à-vis des mesures chinoises contre la pandémie mais également ce projet, à peine dissimulé, "d’apprendre de la vision" chinoise avec, en filigrane, l'adoption de son fameux système de crédit social.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.