L’inflation a atteint 1,6 % en moyenne en France, son plus haut niveau depuis 2018, selon l’Insee. Depuis la reprise économique, suite à une année 2020 marquée par la pandémie de Covid-19, de nombreux produits sont engagés dans une spirale inflationniste. Presque chaque jour, un pôle de dépense des foyers français est tiré à la hausse. Les prix explosent, sans que les salaires soient revalorisés.
Les mesures prises par le gouvernement pour faire face à cette baisse du pouvoir d’achat ne semblent pas être à la hauteur de la situation pour certains ménages, contraints de réduire leur consommation au minimum.
L’augmentation des prix touche particulièrement les Français aux revenus modestes
La flambée des prix de l’énergie en est le principal responsable, mais d’autres pôles de dépense des foyers français sont également victimes de cette inflation.
Le prix moyen du panier de course a augmenté de 1,76 euro en janvier 2022. Selon l’association de consommateurs
Familles rurales, les fruits et légumes ont augmenté de «
9 % en deux ans », de septembre 2019 à septembre 2021.
Pour manger sainement sans se ruiner, des nouvelles manières de consommer se développent. À Sélestat, par exemple,
les jardins ouvriers sont devenus un moyen de subsistance pour des maraîchers amateurs aux revenus modestes. Sur des terrains loués à la mairie, l'Association des jardins ouvriers de Sélestat (Ajos) permet à plus de 200 adhérents de disposer d'un terrain à cultiver. Des initiatives qui fleurissent partout dans l'Hexagone.
Les étudiants sont aussi particulièrement touchés par la hausse du coût de la vie et sont nombreux à attendre lors des distributions alimentaires gratuites. Ce lundi 10 janvier
à Paris, quelque 350 étudiants se pressaient pour emplir leur panier de produits alimentaires et d’articles d’hygiène. Mercredi 26 janvier, on pouvait également observer une longue file d’étudiants à l'université de Rennes 2, pour la première distribution d’aide alimentaire de l’année.
Au moins 500 étudiants sont venus en bénéficier, contre 350 lors de la création de cette distribution alimentaire, en mars 2020. La précarité étudiante n’a pas disparu en 2022 et semble même s’être accentuée.
Pour les retraités, la revalorisation de 1,1 % des retraites ne semble pas non plus être à la hauteur de l'inflation. Pour certains d'entre eux, il est difficile de pouvoir vivre décemment. C’est en tout cas ce que Daniel et Geneviève confient à
La Dépêche : « on s'est
mis à renoncer aux voyages, aux loisirs, aux cadeaux ».
Pourtant, le couple ne fait pas partie des plus modestes : avec 4 500 euros de revenus mensuels cumulés, ils possèdent un pavillon de 150 m² avec piscine, payé depuis longtemps, et ils viennent de procéder aux derniers versements pour leur résidence secondaire, une ferme dans le Gers. À la fin du mois, il leur reste 1 000 euros d'épargne. Ce témoignage traduit bien la relativité des ressentis liés au sujet du pouvoir d'achat.
Si le niveau de vie des deux retraités reste confortable, ce récit témoigne d'une certaine crispation autour du sujet du pouvoir d'achat. Même les ménages considérés comme aisés et favorisés sont touchés par la hausse généralisée du coût de la vie et ont le sentiment de devoir se restreindre.
Alors que le taux d’inflation sur la décennie a dépassé les 11 %, les factures sont salées pour de nombreux ménages qui peinent à joindre les deux bouts :
« Le reste à vivre, notamment pour les familles les plus modestes, se contracte », analyse sur
France Info Philippe Moati, professeur d’économie à l’université de Paris et cofondateur de l’ObSoCo (l’observatoire société et consommation).
Le gouvernement tente de sauver son bilan
Selon un récent sondage réalisé par
l'institut MISgroup pour l'association
BonSens, le pouvoir d’achat arrive en tête (72 %) des sujets de préoccupation dominants, sur lesquels les Français voudraient des changements majeurs, devant la sécurité (59 %), la justice (53 %) et la santé publique (51 %). Il est donc normal, à quelques mois de l'élection, que l’exécutif tente de vanter son bilan. «
En 2021, le pouvoir d’achat a augmenté de plus de 2 % » avait affirmé Bruno Le Maire, le 13 septembre sur LCI. «
Emmanuel Macron, président du pouvoir d’achat », avait même insisté Jean Castex lors de son intervention au journal de 20 h 00, le jeudi 21 octobre.
Il faut rappeler que les chiffres avancés par le gouvernement sont des moyennes, et cachent en leur sein des réalités disparates. L’augmentation des dépenses contraintes (logement, énergie, téléphone, etc.) auxquelles les ménages ne peuvent pas échapper accentue le ressenti d’une baisse du pouvoir d’achat.
Quelles solutions ?
Les réponses du gouvernement sont peu convaincantes et semblent même être totalement déconnectées de la réalité. Interpellée sur LCI par une retraitée vivant avec moins de huit euros par jour, la ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, lui apporte une solution qui semble loin d’être à la hauteur de la situation : « changer son système de chauffage ».
Pour faire face à la hausse des prix de l’énergie, le gouvernement propose le chèque énergie pour 5,8 millions de foyers,
un bouclier tarifaire pour contenir à 4 % la hausse de l’électricité, et une indemnité inflation pour 38 millions de Français. Face à l'augmentation du prix de l'essence, le gouvernement propose aussi de relever de 10 % le barème de l'indemnité kilométrique…
Mais, pour
l’économiste Henri Sterdyniak, la revalorisation du barème kilométrique, comme le chèque énergie, masque l’absence de mesures mises en œuvre pour indexer les salaires et les prestations sociales au niveau de l’inflation.
Pour la sénatrice du Parti socialiste Corinne Ferret, « cette proposition favorisera probablement moins de 5 % des foyers français, probablement les plus favorisés ».
Des salaires qui stagnent et des contestations qui fleurissent
Cette situation est d'autant plus difficile que les salaires n'ont pas augmenté au même rythme que l'inflation. Pour certains, ils n'ont même pas augmenté du tout.
La grève interprofessionnelle du 27 janvier, organisée à l'appel de huit syndicats, a entraîné 170 rassemblements en France et avait justement pour objectif de contester l'écart entre le salaire et le coût de la vie. Les salariés du public et du privé se sont mobilisés en faveur d’une revalorisation des salaires, des pensions de retraite, des aides et allocations. Selon la CGT, « plus de 150 000 » personnes se sont mobilisées en France, rassemblant des cheminots, des enseignants, des salariés du nettoyage, de l’énergie, de la métallurgie… Des corps de métiers divers qui témoignent d’une difficulté à faire face au coût de la vie dans l’ensemble de la population.
Dans les prochains mois, face à la hausse du coût de la vie et malgré un certain déni du gouvernement, le pouvoir d'achat va s'imposer de lui-même comme sujets dominants de la campagne présidentielle, jusqu'ici un peu étouffée par les sujets sanitaires.