Dix millions de morts au Congo face au silence des médias. Entretien avec Charles Onana.
ENTRETIEN ESSENTIEL - Charles Onana est docteur en science politique, essayiste et journaliste spécialisé dans les questions relatives à l'Afrique des Grands Lacs qui regroupe le Burundi, l'Ouganda, le Rwanda et la République démocratique du Congo.
Il publie son dernier ouvrage "Holocauste au Congo" (aux éditions L'Artilleur), dans lequel il revient sur un génocide en cours depuis 1997 en République Démocratique du Congo (RDC) qui a causé 10 millions de morts, "l'un des plus grands holocauste que l'Afrique ait connu au XXe et au XXIe siècle", selon l'essayiste.
Pourquoi ne parle-t-on pas davantage de cette dramatique situation dans les médias ? Pour le comprendre, Charles Onana décrit le parcours de Paul Kagame, qui a selon ses sources "mobilisé beaucoup de moyens, colossaux, dans les médias occidentaux et français en particulier, pour qu'on parle uniquement que de ce qui s'est passé au Rwanda en 1994, alors que non seulement il est celui qui est à l'origine de la tragédie rwandaise, parce qu'il s'agit d'une guerre pour la conquête du pouvoir, mais il va être surtout l'organisateur de la chute du Maréchal Mobutu en 1997 au Congo et aussi celui qui va organiser le pillage et les massacres de populations à l'est de ce pays."
Qui est Paul Kagame ? Toujours au pouvoir au Rwanda en tant que président, il est à l'origine un Tutsi victime du génocide perpétré par les Hutus. Soutenu par Bill Clinton dès 1993 et directeur des services de renseignements d'Ouganda, il prend le pouvoir au Rwanda et tente par la suite de faire de même au Congo, d'après Charles Onana. Ainsi, "il y a plusieurs étapes dans son cheminement politico-militaire qui permettent d'expliquer pourquoi aujourd'hui la République démocratique du Congo est dans cette situation", dit-il. À ses yeux, les victimes du génocide au Rwanda en 1994 sont devenues des bourreaux la population congolaise à l'heure actuelle.
Derrière ces mouvements liés à la conquête du pouvoir et aux guerres qui se succèdent, Charles Onana évoque la question des populations locales martyrisées et de l'exploitation économique faite autour des mines de cobalt, de diamant et de coltan. Ces matériaux servent à la production d’engins électroniques, dont les téléphones portables : "Personne ne veut en parler parce que mettre le nez dans la comptabilité macabre des morts au Congo, va amener à un scandale international." Et peut-être remettre en cause un certain modèle économique ?
"Là, on touche aux gros poissons. Les médias de masse n’ont pas vocation à vous informer. Les médias de masse ont vocation à diffuser une information qui intéresse ceux qui les financent", suggère Charles Onana.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.