Boeing : les USA ont jugé inutile un examen indépendant du système anti-décrochage du 737 MAX

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Par Luc OLINGA - New York (AFP)
Publié le 14 mai 2019 - 20:36
Mis à jour le 15 mai 2019 - 00:20
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La flotte de 34 Boeing 737 MAX 8 de la compagnie aérienne américaine Southwest est clouée au sol depuis mi-mars
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© Mark RALSTON / AFP
La flotte de 34 Boeing 737 MAX 8 de la compagnie aérienne américaine Southwest est clouée au sol depuis mi-mars
© Mark RALSTON / AFP

Les autorités américaines n'ont pas jugé nécessaire d'évaluer indépendamment la sécurité du système anti-décrochage MCAS du 737 MAX, préférant s'appuyer sur des conclusions de Boeing sur ce logiciel mis en cause dans deux tragédies impliquant cet avion, a indiqué mardi à l'AFP une source proche du dossier.

Cette information fait partie des conclusions préliminaires d'un audit interne de l'agence fédérale de l'aviation (FAA) sur la certification du 737 MAX, dont l'inspection d'une partie des systèmes a été confiée à des ingénieurs de Boeing via une procédure mise en place il y a une dizaine d'années baptisée ODA.

Le Wall Street Journal affirme mardi que durant la certification du 737 MAX, Boeing n'a pas clairement indiqué aux autorités qu'un dysfonctionnement du MCAS pourrait s'avérer désastreux, au moment de la certification il y a un peu plus de deux ans.

Si l'avionneur l'avait fait, ceci aurait enclenché un examen approfondi du logiciel, dont le dysfonctionnement est à l'origine de l'accident du 737 MAX 8 d'Ethiopian Airlines ayant fait 157 morts le 10 mars, selon l'enquête préliminaire.

C'est aussi un problème du MCAS qui aurait entraîné la tragédie d'un 737 MAX 8 de Lion Air le 29 octobre en Indonésie, ayant fait 189 morts.

Ces deux drames ont conduit à l'immobilisation au sol depuis mi-mars de toute la flotte des 737 MAX à travers le monde.

- Toujours pas de vol test -

Les incertitudes planent sur un retour en service de cet avion, Boeing n'ayant toujours pas soumis aux régulateurs américains la modification du 737 MAX pour une levée de l'interdiction de vol et le vol test avec la FAA n'a toujours pas eu lieu, a indiqué à l'AFP mardi une source gouvernementale.

Or la FAA a invité le 22 mai aux Etats-Unis des autorités de l'aviation civile de différents pays pour leur expliquer comment elle a inspecté le 737 MAX modifié.

La FAA avait initialement approuvé le 737 MAX début 2017 et celui-ci est entré en service en mai de la même année.

Le logiciel MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) est un système qui permet d'optimiser le profil de vol et de maintenir l'avion dans une trajectoire sûre.

Il est nouveau sur les 737 MAX, version remotorisée du 737. Pour faire évoluer ce dernier, l'avionneur américain a installé des moteurs plus puissants.

Il a donc fallu protéger l'avion d'un risque plus élevé de décrochage, d'où le développement du MCAS.

Les premiers éléments de l'enquête sur Lion Air ont fait apparaître qu'une des deux sondes d'incidence AOA était tombée en panne mais elle avait continué à transmettre des informations aux calculateurs, notamment au MCAS.

Or ce logiciel prend la main sur les commandes de vol et les oriente à piquer même si le pilote tente de faire le contraire tant que le système n'est pas désactivé.

- Les compagnies assignées -

L'audit interne de la FAA indique que Boeing n'avait pas pour intention de tromper le régulateur, a expliqué à l'AFP la source, ajoutant que la FAA avait elle même déjà déterminé que le MCAS n'affectait pas la trajectoire de l'appareil.

Le régulateur avait également estimé qu'il n'y avait pas besoin d'inspection supplémentaire parce que les changements effectués par Boeing n'affectaient pas la façon dont le MCAS opérait en vol, notamment en cas de mouvements brusques ou jugés "problématiques", a indiqué la même source proche du dossier.

La FAA estimait en outre qu'en cas de données erronées envoyées au MCAS, les pilotes avaient reçu la formation nécessaire pour le désactiver et reprendre le contrôle de l'avion.

"Le MCAS n'a pas déclenché d'évaluation supplémentaire sur sa sécurité parce qu'il n'affectait pas la phase la plus critique en vol, considérée comme la vitesse de croisière", a déclaré à l'AFP un porte-parole de la FAA.

Contacté par l'AFP, Boeing, qui a annoncé une diminution de près de 25% de ses livraisons d'avions civils sur les quatre premiers mois de l'année, n'a pas donné suite.

Ces informations tombent la veille d'une audition au Congrès américain de Daniel Elwell, le patron intérimaire de la FAA.

Outre la FAA, le ministère des Transports mène également un audit sur le 737 MAX, tandis que le ministère de la Justice conduit, depuis novembre, une enquête pénale sur la conception de cet avion.

Les compagnies aériennes American Airlines et Southwest, deux grosses clientes du 737 MAX, ont reçu en novembre des assignations (subpoena) leur demandant des informations après l'accident de Lion Air, ont indiqué mardi à l'AFP deux sources proches du dossier.

"Nous coopérons entièrement avec l'enquête", a déclaré une porte-parole de Southwest.

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