Corruption en Ouzbékistan : le russe MTS paie à son tour, la fille d'Islam Karimov inculpée

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Par AFP - New York
Publié le 07 mars 2019 - 11:50
Mis à jour le 08 mars 2019 - 09:56
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Goulnara Karimova, fille aînée de l'ex-président ouzbek Islam Karimov, le 17 août 2012 à Chirchiq, en Ouzbékistan
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© MUHAMMAD SHARIF / AFP/Archives
Goulnara Karimova, fille aînée de l'ex-président ouzbek Islam Karimov, le 17 août 2012 à Chirchiq, en Ouzbékistan
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La justice américaine a contraint jeudi le géant russe des télécoms MTS à lui verser des centaines de millions de dollars et inculpé la fille de l'ex-président ouzbek Islam Karimov pour avoir reçu d'énormes pots-de-vin, dernier volet d'une vaste affaire de corruption en Ouzbékistan.

Le numéro un russe de la téléphonie mobile, coté à New York, a annoncé à Moscou avoir conclu un accord à l'amiable avec les autorités américaines, prévoyant qu'il leur verserait au total 850 millions de dollars (752 millions d'euros au taux actuel) pour éviter un procès.

Dans un communiqué confirmant cet accord, le procureur fédéral de Manhattan a précisé aussi avoir inculpé Goulnara Karimova, fille aînée de l'ex-président déjà sous le coup d'une condamnation en Ouzbékistan, pour avoir réclamé et obtenu plus de 865 millions de dollars de pots-de-vin, venant de MTS et de deux autres sociétés téléphoniques, le suédois Telia et le russe Vimpelcom.

Mme Karimova, 46 ans, ex-ambassadrice d'Ouzbékistan à l'ONU, aurait perçu ces sommes entre 2001 et 2012, pour permettre aux trois sociétés d'opérer en Ouzbékistan.

A l'époque, son père dirigeait d'une main de fer cette ancienne république d'Asie centrale. Il est mort en 2016 après 27 ans au pouvoir, permettant une ouverture du régime.

Outre Mme Karimova, la justice américaine a également inculpé Bekhzod Akhmedov, 44 ans, ex-directeur général de la filiale ouzbèke de MTS actuellement en Russie, accusé d'avoir orchestré l'ensemble de cette corruption.

Avant MTS, Telia avait été condamné en 2017 à payer une amende de 965 millions de dollars aux Etats-Unis, l'une des plus élevées jamais imposées.

Et l'année précédente, c'est Vimpelcom (rebaptisé depuis Veon) qui avait écopé d'une amende de 835 millions de dollars.

- Corruption massive -

"C'est le troisième volet d'une trilogie d'affaires de corruption d'un montant de près d'un milliard de dollars, qui avait atteint les plus hauts échelons du gouvernement ouzbek, orchestrée par des sociétés de télécoms parmi les plus importantes au monde", a souligné le procureur fédéral de Manhattan Geoffrey Berman, dans un communiqué.

"Aujourd'hui, elles en paient le prix (...) Notre bureau est prêt à empêcher, poursuivre et punir les pratiques de corruption à l'étranger partout dans le monde", a-t-il ajouté.

La justice américaine a indiqué avoir déjà récolté quelque 2,6 milliards de dollars en amendes et pénalités depuis le début de cette affaire. Et avoir entamé des procédures pour récupérer quelque 850 millions de dollars placés dans des comptes bancaires en Suisse, en Belgique, au Luxembourg et en Irlande, correspondant aux pots-de-vin payés à Mme Karimova et à des fonds employés à les blanchir.

Les montants donnent une idée de l'ampleur de la corruption régnant, selon la justice américaine et des organisations de défense des droits humains, en Ouzbékistan.

Mme Karimova, un temps pressentie pour succéder à son père avant de tomber en disgrâce après l'avoir comparé à Staline, défrayait parfois la chronique dans ce pays très pauvre avec son train de vie luxueux, ses défilés de mode, ou les chansons pop qu'elle interprétait.

La justice américaine n'a rien dit sur une éventuelle demande d'extradition: la fille du défunt président a déjà été condamnée en 2016 en Ouzbékistan, pour fraude, à une peine de cinq ans de résidence surveillée, et a été emprisonnée cette semaine pour avoir enfreint son régime de liberté surveillée.

La justice ouzbèke l'accuse d'appartenir à un groupe criminel contrôlant des actifs représentant plus d'un milliard d'euros dans 12 pays, dont des propriétés à Londres, Dubaï, un château près de Paris ou encore une villa à Saint-Tropez.

Outre les 850 millions de dollars à payer, MTS a dû s'engager "à s'assurer que ses principes, modes opératoires et procédures respectent scrupuleusement la législation anticorruption".

Le groupe, dont la filiale ouzbèke avait été accusée de fraude fiscale et acculée à la faillite en 2012, a assuré que l'accord avec les autorités américaines était "dans ses meilleurs intérêts".

"La résolution et le règlement (de l'affaire) permettent à MTS de mettre en œuvre complètement sa stratégie d'être une compagnie télécom numérique de premier ordre", a assuré son directeur général Alexeï Kornia, assurant que la situation financière du groupe restait "solide" et lui permettait d'investir.

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