Doutes croissants sur l'introduction en Bourse du géant pétrolier Aramco

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Par Anuj CHOPRA avec Omar HASSAN à Dubaï - Ryad (AFP)
Publié le 31 juillet 2018 - 13:48
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Présentation Aramco au salon de l'auto de Detroit, dans le Michigan, aux Etats-Unis, le 16 janvier 2018
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© BILL PUGLIANO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/Archives
Stand de l'Aramco le 16 janvier 2018 au salon de l'automobile de Detroit
© BILL PUGLIANO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/Archives

L'Arabie saoudite cherche à lever des milliards de dollars par une introduction en Bourse de son géant pétrolier Aramco, afin de stimuler son économie, mais l'opération tardant à se concrétiser, les autorités envisagent une autre solution risquée selon des analystes.

L'introduction en Bourse de 5% d'Aramco --présentée comme la plus importante du genre dans le monde-- est au coeur d'un plan de diversification de l'économie lancé par le prince héritier Mohammed ben Salmane.

Plus gros exportateur mondial d'or noir, l'Arabie saoudite a souffert de la baisse des cours à partir de 2014 et tente de devenir moins dépendant des hydrocarbures pour son budget.

La cession d'une part minoritaire dans Aramco a pourtant été reportée à plusieurs reprises depuis son annonce en 2016. Les dirigeants de la société publique ont invoqué officiellement des conditions défavorables sur les marchés financiers pour repousser l'introduction qui devait avoir lieu cette année.

Certains spécialistes considèrent désormais que l'opération pourrait ne pas avoir lieu. Et une autre solution semble se dessiner.

Le PDG d'Aramco, Amine Nasser, a ainsi confirmé la semaine dernière l'existence de pourparlers préliminaires pour une prise de participation dans Sabic, la quatrième plus grande firme de pétrochimie du monde, détenue à 70% par le Fonds d'investissement public du royaume saoudien (PIF).

"Un éventuel accord avec Sabic aurait une incidence sur le calendrier d'introduction en Bourse d'Aramco", a-t-il ajouté dans une interview à la télévision Al-Arabiya, sans autre précision.

- "Gymnastique comptable" -

Une acquisition par Aramco de la participation du Fonds d'investissement public du royaume dans Sabic pourrait constituer une alternative à l'introduction en Bourse sans cesse repoussée, mais elle est "complexe", relèvent des spécialistes.

Karen Young, chercheuse au centre de réflexion Arab Gulf States Institute de Washington, la qualifie de "gymnastique comptable".

Sabic est la plus grosse firme cotée sur le marché financier de Ryad avec une capitalisation d'environ 100 milliards de dollars (85 milliards d'euros).

"Si Aramco achète une part de contrôle dans Sabic, il alimentera en liquidités le Fonds d'investissement public saoudien et obtiendra en échange (avec Sabic) un bien qui lui permettra d'emprunter" davantage en cas de besoin, explique à l'AFP Karen Young. L'Etat est présent dans les deux compagnies mais leurs bilans sont distincts.

Pour le Fonds public d'investissement, cette opération lui permettrait d'engranger des liquidités pour poursuivre la transformation de l'économie, d'autant que les investissements étrangers directs en Arabie ont chuté l'année dernière à leur plus bas niveau en 14 ans, selon un organe de l'ONU.

Le Fonds a déjà engagé des sommes colossales dans des investissements allant de la société de voitures avec chauffeur Uber à un projet de création d'une mégapole dans le nord-ouest du royaume évalué à 500 milliards de dollars.

"Si des liquidités sont mises à la disposition du Fonds public d'investissement à la suite de l'achat par Aramco des 70% du capital de Sabic, cela peut conduire à l'abandon total de l'introduction en Bourse au niveau national ou international d'Aramco", a affirmé sur Twitter Mohammed al-Sabban, ancien conseiller du ministère du Pétrole.

- Synergie -

Augmenter la dette au lieu de vendre des actions à des investisseurs ajoute du risque à la stratégie de Ryad d'utiliser le Fonds d'investissement pour réformer l'économie, selon des experts.

Ni Aramco ni Sabic ne semblent enthousiasmés par cette solution, mais les sociétés ont "acquiescé sous la pression" des conseillers du prince, a rapporté le Wall Street Journal, citant des cadres des deux sociétés.

Les entreprises n'ont pas répondu aux demandes de commentaires de l'AFP.

"Je ne vois aucune bonne raison pour Aramco d'acheter (une participation dans) Sabic. Cela ne facilite pas la gestion des deux entités", déclare à l'AFP Hossein al-Askari, professeur à l'Université George Washington.

Mais les partisans de l'accord affirment qu'Aramco, qui possède sa propre unité pétrochimique, pourrait bénéficier de l'achat de Sabic en étendant ses activités pétrochimiques et en devenant une entreprise énergétique plus intégrée.

L'opération pourrait aussi renforcer la valorisation d'Aramco en vue d'une future introduction en Bourse, selon Ryad.

Les places de Londres, New York et Hong Kong sont toutes intéressées par l'opération.

Mais les experts doutent qu'Aramco puisse arriver à être évaluée à 2.000 milliards de dollars comme le souhaite le prince héritier. Et l'entreprise semble réticente à faire l'objet d'un audit approfondi comme l'exigerait une éventuelle entrée en Bourse, ce qui expliquerait les retards de l'opération.

Au sein de l'entreprise, les préparatifs pour l'introduction en Bourse semblent avoir ralenti.

"Aramco pourrait proposer ce rachat (de parts dans Sabic) afin de transférer des liquidités au Fonds public d'investissement, apaiser le Fonds et le prince héritier et espérer ainsi éviter une introduction en Bourse", selon Ellen Wald, auteur du livre "Saudi Inc".

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