Pressé par ses créanciers, le Liban en passe d'adopter un budget d'austérité

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Par Bachir EL KHOURY - Beyrouth (AFP)
Publié le 15 mai 2019 - 14:20
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Une vue du siège de la Banque centrale libanaise, le 4 mai 2019 à Beyrouth
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© ANWAR AMRO / AA/AFP
Une vue du siège de la Banque centrale libanaise, le 4 mai 2019 à Beyrouth
© ANWAR AMRO / AA/AFP

Frappé par une crise économique, le Liban s'apprête à adopter le budget "le plus austère" de son histoire moderne, sous l'oeil vigilant de ses créanciers internationaux qui ont conditionné le déblocage d'une aide cruciale à la mise en œuvre de réformes.

Le Conseil des ministres devrait adopter le budget vendredi, même si par le passé les délais impartis n'ont pas toujours été respectés. En attendant, sit-in et grèves des fonctionnaires se succèdent contre une éventuelle baisse des salaires.

Le Liban s'était engagé à adopter des réformes structurelles et effectuer des coupes budgétaires lors d'une conférence internationale parrainée en avril 2018 par Paris (CEDRE), en contrepartie de promesses de prêts et de dons de 11,6 milliards de dollars.

Il doit surtout réduire le ratio déficit public/produit intérieur brut (PIB) de cinq points sur cinq ans (2018-23).

Selon l'économiste Nassib Ghobril, le gouvernement est "sous la pression du citoyen, qui constate un recul des opportunités d'emplois", mais aussi du "secteur privé qui subit la stagnation économique" et du secteur bancaire.

Les banques locales et la Banque centrale détiennent près de 80% de la dette libanaise, qui culmine selon le ministère des Finances à plus de 85 mds USD, soit 152% du PIB.

La pression provient aussi "des pays et institutions ayant participé à CEDRE et des agences de notation", ajoute M. Ghobril.

D'autant plus que la croissance économique s'est tassée à 0,2% en 2018, selon le Fonds monétaire international (FMI), à l'ombre du conflit en Syrie voisine et du recul des investissements.

En janvier, l'agence Moody's avait abaissé la note accordée à la dette pour signaler un "risque de crédit très élevé".

- "Explosion sociale" -

Le Premier ministre Saad Hariri a, de ce fait, plaidé en avril en faveur du "budget le plus austère" de l'histoire du pays.

Les mesures en discussion incluent une hausse de la taxe sur l'épargne bancaire de 7 à 10%, une réduction des salaires des fonctionnaires et le gel du recrutement dans le secteur public.

Les réactions ne se sont pas faites attendre. Militaires à la retraite, employés du Port de Beyrouth ou de la Caisse nationale de sécurité sociale ont tous battu le pavé. Les employés de la Banque centrale ont lancé une grève inédite, qui a poussé la Bourse de Beyrouth à suspendre temporairement ses opérations.

"Si le gouvernement ne tient pas compte de nos remarques, le budget mènera à une explosion sociale", a averti le président de la Confédération générale des travailleurs au Liban, Béchara Asmar.

Après son vote par le gouvernement, le budget doit être soumis à l'approbation du Parlement.

Le lancement des réformes a été retardé par plus de huit mois de tractations pour former le gouvernement mis sur pied en janvier.

Le pays a ainsi failli à son premier "test" budgétaire. Au lieu de réduire son déficit à 9% du PIB en 2018, celui-ci devrait officiellement s'établir à 11,5%, selon la Banque mondiale (BM) qui a souligné en mars que le Liban n'avait "pas encore rempli sa part du contrat".

- "Dernier avertissement" -

Alors que plus du quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon la BM, la classe politique, quasi inchangée depuis la guerre civile (1975-1990), est souvent accusée de corruption et de népotisme, cherchant à privilégier les mesures fiscales qui ne compromettent pas ses intérêts.

Pour M. Ghobril, les mesures étudiées illustrent un "manque de sérieux". C'est la lutte contre l'évasion fiscale, la contrebande, l'exploitation illégale des biens-fonds en bord de mer, ainsi qu'une optimisation de la collecte des recettes qui sont nécessaires.

"Toutes ces mesures nécessitent simplement une volonté politique", souligne-t-il. "Environ 50% des Libanais et des entreprises au Liban ne déclarent pas tous leurs impôts" et n'honorent ainsi qu'une partie de leurs obligations fiscales.

Le Liban a déjà bénéficié de trois conférences de soutien, notamment en 2002 et 2007 sans jamais honorer ses engagements.

Cette fois-ci, les bailleurs ont conditionné le déblocage des montants promis à la mise en œuvre des réformes. Acculé, le gouvernement a approuvé en avril un projet de réforme du secteur de l'Energie, chroniquement déficitaire.

"C'est notre dernier avertissement", a lancé Ali Amer, un militaire à la retraite qui a pris part à des manifestations la semaine dernière à Beyrouth contre une possible réduction de sa pension. Si cette disposition est adoptée, "nous serons tous les jours dans la rue pour brûler des pneus et couper les routes".

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