Le président de Renault renonce à la tête de Nissan, l'alliance tourne la page Ghosn

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Par Anne BEADE - Tokyo (AFP)
Publié le 12 mars 2019 - 07:59
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Le logo de Renault, Nissan et Mitsubishi, pris en photo avant une conférence de presse au siège de Nissan à Yokohama dans la banlieue de Tokyo, le 12 mars 2019
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© Behrouz MEHRI / AFP
Le logo de Renault, Nissan et Mitsubishi, pris en photo avant une conférence de presse au siège de Nissan à Yokohama dans la banlieue de Tokyo, le 12 mars 2019
© Behrouz MEHRI / AFP

Une nouvelle gouvernance, le président de Renault qui renonce à briguer la tête de Nissan: l'Alliance franco-japonaise a pris mardi "un nouveau départ", sous le regard lointain de son bâtisseur Carlos Ghosn, désormais persona non grata.

Oubliant les tensions de ces derniers mois, les dirigeants des deux constructeurs ont présenté un front uni mardi au siège de Nissan à Yokohama (banlieue de Tokyo), arborant un grand sourire, posant main dans la main et faisant assaut d'amabilités.

Renault, et indirectement l'Etat français actionnaire, ont de fait accepté de céder la présidence de Nissan, une importante concession de nature à apaiser les frustrations au sein du constructeur japonais.

"Je ne demanderai pas à présider Nissan, je serai candidat au poste de vice-président", a déclaré à plusieurs reprises le président du groupe au losange, Jean-Dominique Senard, lors d'une conférence de presse au siège de Nissan à Yokohama (banlieue de Tokyo).

"Je me dois d'être à la hauteur de ma réputation de diplomate", a-t-il glissé.

C'est une victoire pour le patron exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, qui a salué "une étape importante".

L'alliance sera "basée sur le consensus, nous avancerons en étant d'accord", a-t-il souligné, lui qui ne voulait surtout pas que se reproduise une situation où tous les pouvoirs seraient concentrés aux mains d'un seul homme.

- Gouvernance simplifiée -

Finies les "opaques" sociétés néerlandaises, Renault-Nissan BV et Nissan-Mitsubishi BV, censées jusqu'ici symboliser le partenariat, mais servant en réalité les intérêts personnels de Carlos Ghosn, accusent ses détracteurs.

Désormais l'Alliance sera gouvernée par un nouveau conseil opérationnel, même si RNBV continuera à exister en support.

M. Senard va certes prendre la tête de cette instance, mais les décisions seront validées avec les autres membres: le directeur général de Renault, Thierry Bolloré, le patron exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, et le PDG de Mitsubishi Motors, Osamu Masuko, tous présents à la tribune mardi.

En revanche, pas question de toucher aux participations croisées régissant l'alliance depuis sa naissance en 1999.

L'accord dit "Rama" (Restated Alliance Master Agreement), qui définit les rapports entre Renault et Nissan, ne sera pas modifié: "il reste en place tel qu'il est", a assuré M. Senard, réfutant tout problème concernant l'actionnariat.

Renault détient 43% de Nissan qui en retour possède 15% de Renault, mais sans droit de vote, une répartition qui apparaît déséquilibrée aux yeux des Japonais compte tenu des performances de Nissan comparées à celles de Renault.

Au bord de la faillite en 1999, quand Renault est venu à sa rescousse, Nissan s'est redressé au fil des années jusqu'à devenir le poids lourd du duo, les experts citant ses atouts technologiques et sa forte implantation en Amérique du Nord et en Chine.

- Ghosn pas encore prêt à parler -

A travers ces changements, les trois constructeurs signifient la fin de l'ère Carlos Ghosn, l'omniprésent bâtisseur de l'alliance mis sur la touche après avoir été inculpé par la justice japonaise sur des soupçons d'abus de confiance et minoration de déclarations de revenus.

M. Ghosn avait bien tenté de s'inviter mardi à Yokohama, où se tenait un conseil d'administration de Nissan avant la conférence de presse.

Mais la justice lui a interdit l'accès au conclave, dont il reste membre jusqu'à sa révocation par l'assemblée générale des actionnaires prévue le 8 avril, même s'il a été limogé de la présidence.

Dans une brève déclaration transmise aux médias, l'ex-PDG de Nissan s'est montré "déçu que le tribunal ait rejeté sa requête".

"Il est regrettable qu'il ait été empêché de mettre ses idées et sa vision au service de la compagnie qu'il a servie pendant 20 ans, du fait d'accusations non fondées à son encontre", a réagi un porte-parole de M. Ghosn.

Après plus de 100 jours de détention, l'ancien capitaine d'industrie a retrouvé la semaine dernière la liberté en échange du paiement d'une caution d'un milliard de yens (environ 8 millions d'euros), et il ne compte pas rester inactif.

Il s'est rendu mardi au cabinet de ses avocats pour préparer son argumentaire.

"Il accepte l'idée d'une conférence de presse mais il le fera lorsqu'il aura décidé de ce qu'il veut dire, il demande un peu de temps", a expliqué son défenseur, Junichiro Hironaka.

Carlos Ghosn a déjà dénoncé, dans deux interviews accordées en prison, un "complot" ourdi par le constructeur nippon pour faire échouer son projet de rapprochement plus poussé avec Renault.

Mais il ne s'est encore jamais exprimé sur les soupçons qui ont émergé en France. Après un signalement de Renault début février, le parquet de Nanterre vient d'ouvrir une enquête sur le financement de son mariage, célébré en octobre 2016 dans le faste du château de Versailles.

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