Arbitrage : Bernard Tapie affaibli mais combatif au premier jour de son procès en appel

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Par Anne-Sophie LASSERRE - Paris (AFP)
Publié le 12 octobre 2020 - 06:00
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Bernard Tapie le 4 avril 2019
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© Bertrand GUAY / AFP/Archives
Bernard Tapie le 4 avril 2019
© Bertrand GUAY / AFP/Archives

Quinze mois après sa relaxe, Bernard Tapie est apparu affaibli mais combatif au premier jour de son procès en appel lundi à Paris, dans l'affaire de l'arbitrage lui ayant accordé 403 millions d'euros en 2008 et qui a été annulé au civil pour "fraude".

Le nouveau procès pour "escroquerie" du patron du groupe de médias La Provence, qui lutte à 77 ans contre un double cancer de l'estomac et de l'oesophage, a débuté dans une ambiance électrique, M. Tapie menaçant de quitter la salle quelques minutes après l'ouverture de l'audience.

La présidente de la cour d'appel, Sophie Clément, venait de rappeler que le vieux litige de l'ancien ministre avec le Crédit Lyonnais lié à la revente d'Adidas il y a près de trente ans, avait déjà été tranché définitivement par la justice civile.

"Alors je pars", a lancé d'une voix presque inaudible Bernard Tapie, costume sombre et masque chirurgical sur le visage, son avocat Hervé Temime réclamant qu'il ait "la possibilité d'être entendu" sur "l'affaire Adidas", le combat de sa vie.

L'audience s'est ensuite déplacée sur le terrain de la procédure. La défense de M. Tapie et celle de ses cinq coprévenus, dont l'actuel patron d'Orange Stéphane Richard, ont contesté la régularité de l'appel formé par le parquet, après la relaxe générale prononcée par le tribunal correctionnel le 9 juillet 2019.

Les juges n'avaient pas retenu le "détournement de fonds publics" ou la "complicité" de ce délit reprochés aux prévenus, et les avaient relaxés du chef d'escroquerie ou de complicité d'escroquerie, estimant que l'arbitrage n'était pas entaché d'une quelconque "fraude".

La validité du document d'appel, qui ne mentionnait que l'infraction d'"escroquerie", a donné lieu à une vive passe d'armes entre la défense et le ministère public. La cour d'appel tranchera à la reprise de l'audience, mardi à 13H30, avant d'examiner d'autres points de procédure soulevés par la défense.

- Une chaise vide -

Bernard Tapie et ses cinq coprévenus sont rejugés douze ans après l'arbitrage -un mode de règlement privé- qui avait octroyé à l'homme d'affaires 45 millions au seul titre de son préjudice moral, pour la "faute" du Crédit Lyonnais lors de la revente d'Adidas.

La sentence arbitrale a été définitivement annulée pour "fraude" par la justice civile, qui a également condamné de manière définitive l'ancien patron de l'Olympique de Marseille à restituer les millions perçus.

Mais ces décisions "ne lient pas" la cour d'appel, "à moins de considérer que la messe est dite", a appuyé Me Temime.

Bernard Tapie s'est toujours défendu d'avoir "volé le contribuable". En première instance, le parquet de Paris avait requis des peines d'emprisonnement contre cinq des six prévenus, dont cinq ans ferme à l'encontre de l'homme d'affaires, pour cet arbitrage considéré comme "truqué".

Il est reproché à Bernard Tapie d'avoir activé ses soutiens à l'Elysée pour que le pouvoir sarkozyste choisisse la voie arbitrale au lieu d'une résolution judiciaire classique.

Puis de s'être assuré de la "partialité" de l'un des trois juges-arbitres, Pierre Estoup, principal rédacteur de la sentence arbitrale, accusé d'avoir entretenu des "liens anciens et réguliers" avec son avocat historique Maurice Lantourne.

Une fois la sentence rendue, l'ancien ministre de Pierre Bérégovoy aurait tout fait pour que Bercy n'engage pas de recours.

Cette absence de recours a valu à Christine Lagarde, fin 2016, d'être reconnue coupable de "négligence" par la Cour de justice de la République, qui l'a toutefois dispensée de peine. Elle est à l'heure actuelle la seule personne condamnée dans ce dossier.

Son ancien directeur de cabinet au ministère de l'Economie, Stéphane Richard, est rejugé pour "complicité" d'escroquerie et de détournement de fonds publics, tout comme les deux ex-dirigeants des entités chargées de gérer le passif du Crédit Lyonnais, Jean-François Rocchi et Bernard Scemama.

Les audiences, prévues à raison de trois demi-journées par semaine jusqu'au 18 novembre, se tiendront une nouvelle fois sans le haut magistrat Pierre Estoup, 94 ans, absent pour raisons médicales et dont la chaise était aussi restée vide lors du premier procès.

L'ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud, qui présidait le tribunal arbitral, sera entendu comme témoin.

L'Etat et le Consortium de réalisation (CDR), qui gère le passif du Crédit Lyonnais, sont parties civiles.

Le montant exact de la dette de Bernard Tapie, après l'annulation au civil de l'arbitrage, est toujours l'objet d'âpres joutes procédurales. La cour d'appel de Paris a estimé en février qu'elle s'élevait à 438 millions d'euros, mais l'homme d'affaires s'est pourvu en cassation.

Dernier rebondissement: les sociétés de M. Tapie, en faillite personnelle depuis décembre 1994, ont été placées le 30 avril en liquidation judiciaire, ouvrant la voie à la vente de ses biens afin qu'il puisse rembourser. Une décision dont il a fait appel.

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