Affaire Kohler : Anticor obtient la relance des investigations

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Par Mehdi CHERIFIA - Paris (AFP)
Publié le 24 juin 2020 - 21:06
Mis à jour le 25 juin 2020 - 01:16
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Le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler le 11 novembre 2018 à Paris
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© ludovic MARIN / AFP/Archives
Le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler le 11 novembre 2018 à Paris
© ludovic MARIN / AFP/Archives

La justice va de nouveau se pencher sur les soupçons de conflits d'intérêts entourant Alexis Kohler: après un classement sans suite à l'été 2019, des juges vont enquêter sur ses liens avec l'armateur MSC en pleine polémique sur une note du chef de l'Etat en faveur de son bras droit.

Après le classement sans suite du parquet national financier (PNF), l'association anticorruption Anticor avait déposé une plainte avec constitution de partie civile: elle a débouché mardi sur l'ouverture d'une information judiciaire visant le secrétaire général de l'Elysée, ont indiqué mercredi à l'AFP des sources concordantes, confirmant une information de Mediapart.

Cette relance des investigations porte sur des soupçons de "prise illégale d'intérêts", "trafic d'influence" et "défaut de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique", a précisé une source judiciaire.

Confirmant sa position initiale, le PNF avait pris des réquisitions de non-lieu à informer le 15 mai, estimant qu'il n'y avait pas matière à rouvrir l'enquête, sans convaincre toutefois les juges d'instruction.

L'ouverture d'information judiciaire est "la conséquence mécanique de la plainte avec constitution de partie civile déposée par l'association Anticor", a réagi l’Élysée mercredi soir, assurant que les juges d'instruction la mèneront "en toute indépendance".

L'affaire était née après la publication en 2018 de plusieurs articles de Mediapart mettant en avant les liens familiaux et professionnels étroits entre le N.2 de l'Elysée, passé par des cabinets ministériels à Bercy, et l'armateur italo-suisse, fondé et dirigé par les cousins de sa mère, la famille Aponte.

MSC est un important client de l'entreprise STX France (aujourd'hui renommé Chantiers de l'Atlantique) qui gère les chantiers navals de Saint-Nazaire.

Au cours de l'enquête préliminaire, une douzaine de personnes ont notamment été entendues par la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE), dont Alexis Kohler.

- Intérim -

Ces investigations ont donné lieu à la rédaction de deux rapports de police successifs contradictoires, selon des éléments de l'enquête dont a eu connaissance l'AFP.

Dans un premier -qualifié d'intermédiaire par le PNF-, daté du 7 juin 2019 et faisant 34 pages, un enquêteur écrit par exemple que M. Kohler "ne prend aucune mesure pour organiser un déport formalisé", à savoir ne pas intervenir sur les questions liées à MSC lorsqu'il travaille pour le ministre Pierre Moscovici ou qu'il "ne met en place aucun déport" quand il est ensuite directeur de cabinet d'Emmanuel Macron.

Les conclusions du second rapport, plus court de 11 pages et daté du 18 juillet 2019, sont moins sévères: le même enquêteur détaille ainsi que des déports d'Alexis Kohler ont bien été organisés quand il a travaillé à Bercy.

Entre ces deux rapports, le bras droit du chef de l’État est auditionné le 6 juillet par les policiers. Mais c'est une "note personnelle" rédigée par M. Macron pour son collaborateur le 1er juillet qui fait aujourd'hui polémique.

Dans ce document, versé à la procédure et dont l'existence a été récemment révélée par Anticor, le président assure que M. Kohler n'est jamais intervenu, au moment où il était son directeur de cabinet à Bercy, dans des dossiers liés à MSC.

"D’évidence, ce courrier a été écrit pour influencer une enquête préliminaire dont les conclusions avaient déjà été rendues", estime Elise Van Beneden, présidente d'Anticor, dans un entretien à Libération à paraître jeudi.

Pour elle, "la question est de savoir si la lettre de M. Macron a changé les conclusions du commissaire en charge du dossier parce qu’elle apportait un éclairage différent sur la qualification pénale ou parce qu’elle émane du président de la République."

Évoquant "des faits particulièrement troublants" lors des questions au gouvernement à l'Assemblée, le député LFI Ugo Bernalicis a laissé entendre mardi que cette note avait orienté les enquêteurs vers un classement sans suite.

Interrogée par France 2 mercredi, la ministre de la Justice Nicole Belloubet s'est dite "incapable de répondre", n'ayant "pas accès au dossier". "Je n'interfère jamais dans les affaires individuelles", a-t-elle affirmé.

La majorité a, elle, fait bloc pour défendre le président et son collaborateur.

"Il ne faut pas confondre la séparation des pouvoirs, qui est une règle absolue (...), et une sorte d'attestation d'employeur", a réagi sur RMC-BFMTV le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand.

La décision de classement sans suite pose aussi question car elle est intervenue dans une période d'intérim à la tête du PNF, après le départ fin juin 2019 d'Eliane Houlette, remplacée quelques mois plus tard par Jean-François Bonhert.

"Le projet de classement avait été porté à la connaissance des magistrats du parquet général chargé de l'intérim des fonctions de procureur de la République financier (...) et n'a fait l'objet d'aucune observation de leur part", a réagi le PNF auprès de Mediapart mercredi.

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