Au procès Botton : "Vous n'êtes pas censé connaître la loi ?"

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Par Anne LEC'HVIEN - Paris (AFP)
Publié le 03 mars 2020 - 22:34
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Pierre Botton photographié à Paris le 31 janvier 2013
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© FRANCOIS GUILLOT / AFP/Archives
Le fondateur des Prisons du Coeur Pierre Botton, à Paris le 31 janvier 2013
© FRANCOIS GUILLOT / AFP/Archives

"Vous n'êtes pas censé connaître la loi ?" Au procès de Pierre Botton, soupçonné d'avoir détourné une partie de l'argent de son association, le tribunal a interrogé mardi l'ex-homme d'affaires sur le flou qui existait entre dépenses professionnelles et personnelles.

Pensions alimentaires, loyers et travaux dans une villa à Cannes, indemnités kilométriques, voyages, restauration, esthétique... le président Benjamin Blanchet énumère, laconiquement, une série de dépenses tirées des comptes de la société de M. Botton.

Pour l'accusation, M. Botton a détourné, par le biais de cette société, entre "54 et 61%" du total des dons réalisés au bénéfice de l'association "Ensemble contre la récidive", qu'il a fondée après avoir passé 20 mois en prison dans les années 1990.

Dans les comptes de cette société, baptisée "Au centre des projets", il aurait fait passer, entre 2013 et 2017, plusieurs centaines de milliers d'euros de dépenses personnelles pour des dépenses professionnelles, selon le parquet.

"En quoi cette société doit payer les pensions alimentaires que vous devez à titre personnel ?" commence le président du tribunal.

M. Botton explique avoir emprunté de l'argent à un investisseur suisse qui était aussi un ami. "Il a été convenu qu'il mette de l'argent au compte courant de la société et que je puisse utiliser cet argent à des fins personnelles", dit-il.

"Vous avez une condamnation, celle de la cour d'appel de Lyon en 1996, notamment pour abus de bien sociaux... Vous savez ce que c'est", s'étonne le magistrat, sceptique. "Ca ne fait pas tilt ?"

"Ca fait tilt", acquiesce M. Botton. "J'ai demandé aux experts-comptables: +est-ce que vous êtes sûrs que c'est bien la bonne méthode ?+", poursuit-il, affirmant avoir "fait confiance" à des gens qui étaient pour lui "des autorités".

"A aucun moment, compte tenu de ce qui est s'est passé dans ma vie, je ne peux faire passer sur la société un voyage en Thaïlande. Je ne suis pas fou !", s'emporte-t-il.

- "Légalité" -

En 1996, M. Botton a été condamné dans le cadre d'une affaire politico-financière impliquant celui qui était alors son beau-père, Michel Noir, ancien ministre RPR et maire de Lyon.

A sa sortie de prison, il a décidé de s'engager pour améliorer les conditions de détention et lutter contre la récidive. Il a mené une série d'actions à travers son association, en lien avec les pouvoirs publics et en récoltant des financements auprès de grandes entreprises.

Après une enquête préliminaire ouverte en 2017, il a cependant été renvoyé devant la justice, notamment pour "abus de confiance", "abus de biens sociaux" et "escroquerie".

Le président du tribunal poursuit sur les frais: les loyers et travaux liés à une villa de Cannes pour 108.500 euros ? Il l'utilisait pour des déplacements professionnels, justifie M. Botton. Les dépenses liées à son logement personnel pour 90.400 euros ? C'était aussi le siège social de sa société, dit-il.

Des frais liés à une activité de photographie baptisée "O2B", pour 169.000 euros ? M. Botton explique longuement, parfois confusément, s'être pris de passion pour la photographie d'art, mais souligne aussi qu'il a réalisé des photos commerciales, destinée à l'agencement de pharmacies - l'activité initiale de sa société.

"Il y avait un message de base: il faut que tout soit fait dans la légalité", insiste-t-il. "Jamais vous ne me verrez aller contre la décision d'un commissaire aux comptes, d'un expert comptable !" lance-t-il.

Le procureur, Julien Goldszlagier, insiste: "J'ai cru comprendre que vous avez été condamné pour abus de bien social et que vous en avez tiré un certain nombre de conséquences". "Vous n'êtes pas censé connaître la loi, M. Botton ?"

"Tout le monde est censé connaître la loi", répond le prévenu, contestant avoir voulu réaliser des "montages" financiers.

Pas moins de "trois contrôles fiscaux" ont été réalisés depuis 2007 sur les comptes de cette société, souligne l'avocat de M. Botton, Me Jérôme-Marc Bertrand.

"Quel a été l'avis du contrôleur fiscal en 2010, 2012 et 2016 ?", demande le conseil. "Aucun contrôle ne m'a alerté sur le fait que ce n'était pas légal", répond le prévenu.

En fin d'après-midi, après la lecture d'un procès-verbal, M. Botton s'effondre en larmes, n'arrive plus à s'exprimer. L'audience est suspendue jusqu'à mercredi.

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