Au procès Charlie, la lettre anonyme, le trafic d'armes et l'embrouille familiale

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Par Valentin BONTEMPS - Paris (AFP)
Publié le 14 octobre 2020 - 18:24
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La cour au Tribunal de Paris lors du procès des attentats de janvier 2015, le 16 septembre 2020
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© Benoit PEYRUCQ / AFP
Amedy Coulibaly sur une photo fournie par la police le 9 janvier 2015
© Benoit PEYRUCQ / AFP

C'est un courrier anonyme, fin 2017, qui avait mis les enquêteurs sur sa piste: accusé d'avoir fourni des armes à Amédy Coulibaly, Mohamed-Amine Fares a nié mercredi tout lien avec les attentats de janvier 2015, regrettant qu'on lui fasse "porter le chapeau".

Qui l'a dénoncé et pour quelles raisons? Cheveux noirs noués en catogan, haut de survêtement noir et barbe finement taillée, Mohamed Fares affiche sa perplexité face à la cour d'assises spéciale de Paris.

"Franchement, je sais pas, j'ai pas d'éléments à donner... Pour moi, c'est quelqu'un qui essaie de me faire porter le chapeau", avance d'une voix grave l'accusé, discret dans le box depuis le début du procès.

"J'ai des hypothèses, peut-être dans le réseau familial... Mais je n'ai aucune certitude. Je n'arrive toujours pas à y croire".

Mohamed Fares, 31 ans, est soupçonné d'avoir vendu des pistolets et des fusils d'assaut au tueur de l'Hyper Cacher par le biais d'Amar Ramdani et de Saïd Makhlouf, rencontrés à plusieurs reprises dans l'agglomération lilloise à l'automne 2014.

Le jeune homme, qui encourt 20 ans de réclusion criminelle, conteste tout lien avec le trafic d'armes, assurant avoir vu Ramdani et Makhlouf -- employé par la société d'ambulance de son père -- pour une affaire de stupéfiants.

Une version fragilisée par les déclarations de son ex-beau frère, Souliman B., qui a évoqué un trafic d'armes entre Fares et des "Parisiens". Mais aussi par son ex-belle soeur, Amel B., dont l'ADN a été découvert sur l'un des pistolets de Coulibaly.

Par quel mystère cet ADN s'est-il retrouvé sur l'une des armes du tueur de l'Hyper Cacher? Face aux enquêteurs, la jeune femme a expliqué avoir touché le pistolet au domicile de ses parents, où son frère Souliman l'avait ramené. Souliman, lui, a chargé Fares.

Une mise en cause fermement contestée mercredi par l'accusé. "Je n'ai jamais vendu d'armes. C'était pas mon intérêt: les armes, c'est une peine à deux chiffres. Avec mon trafic de stupéfiants, je gagnais bien ma vie, j'avais pas besoin de ça!"

- "quand vous croire?" -

Face à l'accusé, la cour s'interroge. Pourquoi alors son beau-frère l'a-t-il mis en cause? Dans le box, Mohamed Fares hésite quelques secondes, puis évoque un différent familial lié à sa rupture avec son ex-épouse religieuse, à l'origine selon lui de vives tensions.

"Souliman, il m'en veut parce que j'ai laissé tomber" sa soeur "pour aller avec une autre fille", raconte le trentenaire, qui confesse également des "violences" à l'égard de son ex-épouse. "Il n'a jamais accepté ça, il s'est senti trahi".

De là à inventer un lien avec les attentats de janvier 2015? Le président Régis de Jorna, qui rappelle les multiples mensonges et les déclarations contradictoires de l'accusé durant l'enquête, se dit sceptique: "on ne sait plus quand vous croire, monsieur".

Les mains posées sur le micro, Fares encaisse. "Je comprends, j'ai fait l'idiot", glisse l'accusé, disant avoir eu "peur". "On parle de terrorisme", insiste le jeune homme, qui rappelle que d'autres protagonistes, dont Souliman B., ont varié dans leurs déclarations.

Face à lui, Régis de Jorna acquiesce. "Dans le volet armes, si on compte le nombre de versions des uns et des autres, c'est effarant", soupire le magistrat, à la peine au moment d'aborder l'imbroglio familial qui émerge derrière ce dossier.

Après deux heures d'audition, les pièces du puzzle peinent à s'assembler. "Votre soeur avait de mauvaises fréquentations", avance de Jorna. "Pas ma soeur", rétorque l'accusé. "Non, votre nièce... Euh non... Votre belle-soeur... Votre belle-soeur, c'est ça", corrige le magistrat.

Quelle responsabilité pour Mohamed Fares dans le trafic d'armes? Quel rôle pour son entourage? Difficile, à ce stade d'en savoir plus: Souliman B., mineur au moment des faits et visé par une enquête disjointe, est en fuite et n'a pas répondu à sa convocation.

Une situation regrettée par l'avocate de Mohamed Fares, Me Safya Akorri. "Il y a zéro élément matériel, que du testimonial dans ce dossier. Or le seul et unique témoin qui met en cause de manière concrète mon client n'est pas présent".

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