A Aurillac, promesse d'un nouveau départ pour Franciliens cabossés par la vie

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Par Karine ALBERTAZZI - Aurillac (AFP)
Publié le 08 juin 2018 - 12:50
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Vasile (D) et sa famille dans leur maison à Aurillac le 2 mai 2018
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© Thierry Zoccolan / AFP
Vasile (D) et sa famille dans leur maison à Aurillac le 2 mai 2018
© Thierry Zoccolan / AFP

En Île-de-France, Tamani, Vasile, Hocine et les autres ont connu la rue, la précarité et les accidents de la vie. Jusqu'à leur arrivée à Aurillac, où le dispositif "Un toit, un emploi" les aide à prendre un nouveau départ.

Depuis son lancement en 2014, 25 familles ont profité de ce dispositif expérimental, unique en France, mené en partenariat avec le bailleur social Polygone et l'association Aurore qui accompagne les sans domicile et mal-logés franciliens.

"Avant, j'avais peur du lendemain", relate d'une voix douce Tamani, tout en préparant le thé dans le grand appartement de 73 mètres carré, presque vide, qu'elle occupe dans un ancien couvent.

Cette jeune femme de 34 ans, qui a fui les coups de son ex-mari, voulait "tirer un trait sur son passé" dans une "petite ville calme de province". Au point de sauter dans l'inconnu: ce sera le Cantal, dont elle ne connaissait que le fromage du même nom. Un soir de décembre, elle débarque à Aurillac, son fils de 4 ans sous le bras et les pieds dans la neige.

Logement clé en main, recherche d'emploi, inscription à l'école et au centre de loisirs pour l'enfant, Tamani bénéficie alors d'un accompagnement personnalisé.

"Je suis encore étonnée de la rapidité avec laquelle les choses se sont faites. A Paris, je n'aurais jamais eu le droit à tout ça, si vite", reconnaît l'ancienne mère au foyer qui vient d'intégrer un chantier d'insertion dans le conditionnement de cosmétiques.

- "Page blanche" -

Hocine, "touche à tout" de 40 ans, a lui mis "trois jours tout au plus" pour trouver un poste de maçon. Après une séparation difficile et des années de galère, le Cantal était "à essayer" pour ne pas "rechuter". Aujourd'hui, "pas de regrets. Il y a de beaux paysages, je prends l'air, je me reconstruis", explique cet homme réservé aux yeux rieurs qui se dit désormais "plus apaisé".

Les candidats au départ sont d'abord invités à passer quelques jours "en immersion" pour s'assurer que ce nouveau mode de vie puisse leur correspondre.

Vasile et sa famille ont été rapidement conquis. Ce Roumain de 25 ans dormait jusqu'ici dans la rue en banlieue parisienne, avec femme et enfant, quand le 115 n'avait plus de place pour les héberger. Aujourd'hui l'appartement qu'ils habitent foisonne de peluches, fleurs et bibelots colorés, symbole d'un confort retrouvé.

"Ici c'est joli, c'est calme et sûr. On n'a plus peur dans la rue", relate ce peintre en bâtiment, dont la deuxième fille vient de voir le jour à Aurillac.

"Le but du projet n'est pas de déplacer la misère sociale d'un territoire à un autre mais d'offrir une page blanche pour repartir à zéro en leur donnant toutes les chances", souligne Pascal Polonais, de l'Association Aurore.

Le bilan est positif: sur les 25 familles installées, aucune n'est repartie. Seuls 3 personnes seules ont pris le chemin du retour. "Il faut de la ténacité et du courage pour tout quitter. C'est plus facile de s'intégrer avec des enfants", concède le responsable local de l'association.

Et avec 500 logements à pourvoir chaque année sur le bassin aurillacois, les bénéficiaires du dispositif ont le choix, sans délai d'attente. "Le taux de rotation des locataires dans le parc HLM est autour de 15-20% quand il est en-dessous de 3% à Paris", précise le directeur de Polygone, Pascal Lacombe.

- "Gagnant-gagnant" -

Au total, 70% des bénéficiaires ont retrouvé le chemin de l'emploi. Car le département, qui compte le plus faible taux de chômage en France - 5,3% au quatrième trimestre 2017 selon l'Insee - est aussi le seul à avoir perdu des habitants entre 1999 et 2014 au sein de la région Auvergne-Rhône-Alpes: il peine donc à satisfaire les postes non pourvus, notamment dans les secteurs d'activité en tension du bâtiment et de la restauration.

Et l'évolution démographique d'Aurillac (26.000 habitants) n'est pas plus favorable: elle a perdu en 25 ans près de 5.000 habitants - et encore 250 en 2017 selon la municipalité - et une centaine de naissances annuelles depuis 10 ans selon les statistiques de l'Insee.

"C'est un dispositif gagnant-gagnant pour ces personnes, comme pour la ville, une chance économique, culturelle et sociétale", abonde le maire PS, Pierre Mathonier.

Mais si l'expérimentation est concluante, elle nécessite aujourd'hui de nouveaux financements pour être pérennisée et possiblement dupliquée, notamment dans le Lot voisin.

Les premiers bénéficiaires, appelés à sortir du dispositif, ont désormais des projets plein la tête: Tamani prévoit d'acheter une voiture pour découvrir la campagne avec son fils; Hocine de monter son entreprise et Vasile imagine de futures parties de pêche à la carpe.

De Paris à Aurillac, la vie devant soi.

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