Aux assises, l'assaillant au marteau de Notre-Dame assume un geste "politique"

Auteur:
 
Par Emmanuel DUPARCQ - Paris (AFP)
Publié le 12 octobre 2020 - 16:50
Image
Aux assises, l'assaillant au marteau de Notre-Dame assume un geste "politique"
Crédits
© LOIC VENANCE / AFP/Archives
Aux assises, l'assaillant au marteau de Notre-Dame assume un geste "politique"
© LOIC VENANCE / AFP/Archives

Il vit coupé du monde en prison et assume son "geste politique": au début de son procès à Paris lundi, l'étudiant algérien qui a attaqué un policier au marteau devant Notre-Dame en 2017 s'est défendu d'être "radicalisé" et a dit avoir voulu ainsi dénoncer la mort de milliers de musulmans en Irak et Syrie.

Debout dans le box des accusés de la cour d'assises spéciale de Paris, Farid Ikken, 43 ans, ne semble pas en grande forme après plus de trois ans de détention passés en très grande partie à l'isolement.

Vêtu d'un jogging sombre et d'un pull gris plus larges que sa silhouette chétive, il n'est plus ce jeune étudiant juvénile et sans histoire, cheveux courts et rasé de près, qui apparaissait sur les photos publiées par la presse au lendemain de son geste qui a stupéfié ses proches.

Incarcéré en région parisienne puis à Nantes, il arbore désormais une barbe plutôt fournie et sa chevelure frisée en bataille se dégarnit.

Au président de la cour qui lui demande de décliner son identité et sa nationalité, il répond d'une voix aigüe et étouffée. "Je suis musulman, j'appartiens à la communauté musulmane de l'oumma", lâche-t-il, "administrativement, je suis Algérien".

Il récuse ensuite ses avocats et déclare vouloir se défendre seul. Puis il refuse de répondre aux questions, un nouveau signe de défiance vis-à-vis d'un système judiciaire qui, estime-t-il, se trompe en parlant de lui comme d'un "radicalisé" lié à une "entreprise terroriste".

Le 6 juin 2017, sur le parvis de Notre-Dame, Farid Ikken a bondi sur un groupe de trois policiers, frappant l'un d'eux avec un marteau à deux mains en criant "C'est pour la Syrie !" Le policier, légèrement blessé à la tête, et un de ses collègues ouvrent le feu. Blessé au thorax, Farid Ikken est interpellé.

Dans ses affaires, les policiers trouveront un ordinateur et des clés USB remplis de propagande jihadiste, ainsi qu'une vidéo où il prête allégeance au groupe Etat islamique (EI) et annonce; "c'est l'heure de la vengeance, c'est l'heure du jihad".

- Mutisme total -

Cette attaque au marteau, souligne-t-il à la barre, est "un engagement politique", un "acte de résistance" destiné à attirer l'attention de l'opinion publique française sur le sort des "milliers de musulmans" tués dans des bombardements occidentaux en Irak et Syrie.

A l'époque, la France participe notamment aux bombardements contre l'EI, notamment à Mossoul (Irak), où près de 10.000 civils mourront en neuf mois, d'après les enquêtes de plusieurs médias occidentaux et ONG.

Au fil de la matinée, l'accusé se fait plus disert, comme s'il lui avait fallu du temps pour se réhabituer à parler après des années de mutisme total.

Depuis son arrestation, Farid Ikken a passé la plus grande partie de sa détention à l'isolement, l'administration judiciaire l'estimant toujours potentiellement à risque.

Après avoir donné quelques espoirs de coopération, il s'est renfermé totalement sur lui même, selon les rapports de l'administration pénitentiaire.

Il a refusé des visites familiales au parloir, et de participer à toutes les activités et rendez-vous d'évaluation.

Il ne sort plus de sa cellule où il passe son temps entre lectures, prières et télévision. Il a une "hygiène douteuse" et ne communique plus que par écrit avec les gardiens. Il porte des bouchons d'oreilles et un casque à écouteurs pour ne plus entendre aucun bruit.

La suite du procès, qui doit s'achever mercredi, doit notamment se pencher sur ce qui a fait basculer cet étudiant multidiplômé et sans histoires dans la violence. Et sur ses motivations: accusé notamment de "tentative d'homicides volontaires", Farid Ikken affirme avoir "frappé mollement" pour blesser, et non tuer, les policiers.

Une version que les enquêteurs ont peine à croire. Interrogé dans l'après-midi à la barre, l'un d'eux, un policier antiterroriste, a souligné "la violence du coup" de marteau porté à la tête du policier, "qui n'a été légèrement blessé que parce qu'il a eu le réflexe de se recroqueviller quand sa collègue a vu arriver l'agresseur et crié" pour le prévenir.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.