Aux assises, les retrouvailles de Tyler Vilus et de "Mamie jihad"

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Par Sofia BOUDERBALA - Paris (AFP)
Publié le 29 juin 2020 - 18:30
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Le jihadiste français Tyler Vilus lors de son procès à Paris le 25 juin 2020
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© Benoit PEYRUCQ / AFP
Dessin de presse représentant Tyler Vilus, lors de son procès aux assises de Paris, le 25 juin 2020
© Benoit PEYRUCQ / AFP

Pour la première fois, Tyler Vilus sort de ses gonds. Le jihadiste français, jugé aux assises de Paris pour des crimes commis en Syrie, ne supporte pas les questions de l'accusation à sa mère, Christine Rivière, qu'il revoit pour la première fois depuis plus de six ans.

Après le fidèle demi-frère, Leroy, sa mère est venue témoigner. Pour l'occasion, Christine Rivière, dite "Mamie jihad" en sa qualité de doyenne des femmes jihadistes détenues, a été extraite de sa prison, où elle purge une peine de dix ans de détention, assortis d'une période de sûreté des deux tiers, pour trois séjours en Syrie auprès de son fils (en 2013 et 2014) et financement du terrorisme.

La dernière fois qu'ils se sont vus, c'était probablement en avril 2014 à Shaddadi, une ville de l'est syrien, où Tyler Vilus (30 ans), devenu émir du groupe Etat islamique (EI), a séjourné plusieurs mois.

Dans cette ville, il est accusé, comme membre de la police de l'EI, d'avoir supervisé l'exécution de deux prisonniers, une scène filmée et diffusée en 2015 par le service de communication du groupe jihadiste et qui lui vaut d'encourir la réclusion criminelle à perpétuité.

Christine Rivière, 54 ans, convertie à l'islam radical au contact de Tyler, est entrée dans la salle menottée, pantalon et haut noirs, cheveux dénoués retenus par des lunettes.

Elle cherche son fils du regard, lui adresse un discret clin d'oeil et un baiser, puis s'installe nonchalamment face à la cour. Elle décrit "un bon fils, un bon père, un bon frère, enfin je crois", dit-elle, se tournant imperceptiblement vers la salle où s'est assis son aîné Leroy, qui a assisté impuissant à leur dérive "sectaire" mais ne les laissera jamais tomber.

"En rentrant dans l'islam, Tyler est devenu quelqu'un de mieux", qui a "arrêté de fumer et qui a arrêté l'alcool", assène-t-elle. Elle reconnaît volontiers une "relation fusionnelle" avec ses fils, avant de préciser: "quand on a deux enfants, on n'a pas les mêmes relations avec les deux". "Leroy était plus calme, Tyler plus nerveux". Elle a noué une relation particulière avec le cadet, atteint de la maladie de Crohn.

- "Ma mère, c'est ma mère" -

Face à la cour, elle joue l'esquive pour ne pas porter tort à son fils. Tyler Vilus "n'a pas cherché à (la) forcer" à se convertir, elle "ne se souvient plus" qui elle a rencontré ou dans quelle ville elle a séjourné en Syrie.

Alep, Hraytan, Raqa ? "Ca me dit quelque chose", dit-elle.

- "Vous y alliez pourquoi?", demande le président.

- "Vacances", dit-elle. Evoquant son troisième séjour, elle explique: "Je voulais revoir mon fils Tyler et la Syrie me manquait".

- "Vous dites qu'il avait l'air heureux, pourquoi?"

- "Je sais pas, peut-être parce que j'étais là".

Des photos d'elle, kalachnikov à la main, attestent de sa présence dans ce pays en guerre, où elle décrit "une vie de famille normale: la cuisine, le ménage, on rigole".

Elle ne dira rien de la vie de combattant de Tyler Vilus, ne se rappelle pas de l'avoir félicité quand il lui annonce qu'"en plus d'être flic", il est "devenu émir". Elle se rebiffe quand le président lui rappelle qu'elle envisageait la mort en martyr de son fils - "Ben, ça peut arriver", avait-elle dit à son procès en 2017 - assurant qu'on l'avait mal comprise.

Quand vient le tour de l'avocat général, qui la cuisine sur la "fonction au sein de l'EI" que son fils a trouvé pour elle - recruter et acheminer des jeunes femmes -, Tyler Vilus n'y tient plus. Il se lève et hurle: "Elle a déjà été jugée pour ça. C'est de l'acharnement".

Christine Rivière lui fait signe de se calmer puis refuse de répondre aux questions de l'accusation.

Retrouvant son ordinaire maîtrise de lui-même, Tyler Vilus tient à expliquer, peut-être aussi effacer la violence qu'il a laissé surgir un bref instant. "Ma mère, je ne lui disais pas ce que je faisais. Pour les armes, il y avait des armes chez moi, on était en guerre", dit-il, décrivant sa maison comme "une bulle de normalité dans la guerre".

"Après, ma mère, c'est ma mère. Vous pensez qu'elle va m'incriminer? Même la vérité elle ne va pas la dire parce qu'elle a peur de m'incriminer. Si vous voulez savoir quelque chose, demandez-moi".

Verdict vendredi.

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