Tavernier, terminus d'un long "voyage à travers le cinéma"

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Par Francois BECKER - Paris (AFP)
Publié le 25 mars 2021 - 18:30
Mis à jour le 26 mars 2021 - 00:56
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Le cinéaste Bertrand Tavernier le 1er septembre 2017 lors du festival du cinéma américain de Deauville
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© CHARLY TRIBALLEAU / AFP/Archives
Le cinéaste Bertrand Tavernier le 1er septembre 2017 lors du festival du cinéma américain de Deauville
© CHARLY TRIBALLEAU / AFP/Archives

Le cinéma pleure un réalisateur phare, érudit et engagé, autant qu'une "encyclopédie du 7e art": mort à 79 ans, Bertrand Tavernier laisse la marque d'un cinéaste apprécié d'un grand public et admiré au-delà des frontières.

Auteur de films comme "Coup de Torchon" et "L.627", il est décédé jeudi, a annoncé l'Institut Lumière de Lyon, institution centrale du patrimoine cinématographique, qu'il présidait. Son directeur Thierry Frémaux s'associe à son épouse Sarah, ses enfants Nils et Tiffany et ses petits-enfants, pour faire part de leur "tristesse" et de leur "douleur".

Artiste engagé à l'œuvre éclectique, celui qui arborait une chevelure ivoire et des lunettes a réalisé des films d'époque et contemporains, avec une prédilection pour les sujets brûlants, de la police aux banlieues.

En plus d'un demi-siècle, ses long-métrages ont été largement récompensés : prix 1974 Louis-Delluc pour "L'horloger de Saint-Paul", nomination aux Oscars 1983 pour "Coup de torchon", prix de la mise en scène à Cannes en 1984 pour "Un dimanche à la campagne", BAFTA 1990 du meilleur film étranger pour "La vie et rien d'autre", Ours d'Or 1995 à Berlin pour "L'appât", Lion d'Or à Venise pour l'ensemble de sa carrière (2015).

- Rochefort et Noiret -

Sa disparition touche des générations de cinéphiles : il rejoint des grands noms du cinéma français disparus ces dernières années, comme les acteurs Jean Rochefort et Philippe Noiret, qu'il enrôlait en 1974 dans l'"Horloger de Saint-Paul" puis, en costumes d'époque dans "Que la fête commence".

Mais Tavernier avait aussi su renouveler son public, recyclant Thierry Lhermitte en diplomate dans "Quai d'Orsay" (2012) ou plongeant dans la moiteur de la Louisiane pour un thriller 100% américain, avec Tommy Lee Jones, "Dans la Brume électrique" (2009).

Il aura filmé "tant de destins lumineux, cabossés, humains tout simplement", a résumé l'ancien président François Hollande.

Netflix avait ajouté récemment une partie de ses films à son catalogue, et plusieurs chaînes rendent hommage à ce passeur de cinéma en rediffusant ses œuvres, de France 3 ("Le juge et l'Assassin", jeudi) à Arte ("La princesse de Montpensier", vendredi).

Tavernier, également scénariste et producteur, fut un grand cinéphile investi dans la préservation et la transmission des films, qui avait signé, en 2016, un "Voyage à travers le cinéma français". Mû par le souci de défendre le cinéma français indépendant, amoureux de jazz et de musique, il était aussi passionné par le cinéma américain du XXe siècle.

"Une fontaine de curiosité", a dit la ministre de la Culture Roselyne Bachelot dans un communiqué. "La rare diversité des sujets qu'il a abordés dans ses films mais aussi dans ses documentaires témoigne d'un esprit insatiable, insatisfait et rigoureux".

- "Force de conviction" -

Un amour qu'il a continué de partager jusqu'au bout, notamment sur un blog (https://www.tavernier.blog.sacd.fr). Fin janvier, il y conseillait encore des DVD de films américains, échangeant avec passion sur la "cancel culture" et le "politiquement correct".

Parmi les nombreux hommages, le président du festival de Cannes Pierre Lescure a évoqué pèle-mêle "la passion et la culture, le talent et l’engagement, (...) l’histoire et la politique, le patrimoine et l’avenir, les maîtres et la jeunesse, les Lumières et les amis américains", avant de saluer tout simplement "l’humanité de Bertrand". Son prédécesseur Gilles Jacob se remémore son "tempérament humaniste, (ses) idées mémorables et (sa) drôlerie communicative".

Côté actrices, Marie Gillain, dont Tavernier a accéléré la carrière à 19 ans, en lui offrant le rôle-titre dans "l'Appât", se souvient d'un "petit bout de pellicule" dont ne se départait jamais le cinéaste sur ses tournages, et de son "rire unique". "Je suis devenue la comédienne que je suis grâce à ton regard bienveillant", témoigne-t-elle.

Nathalie Baye évoque un "homme passionné et passionnant" qui lui a donné son premier rôle principal, dans Une semaine de vacances (1980).

Des personnalités lyonnaises, une ville où il était né le 25 avril 1941, fils d'un écrivain et résistant, qu'il avait filmée et aimée et où se trouve l'Institut Lumière, lui ont rendu hommage, comme l'ancien ministre de l'Intérieur Gérard Collomb ou le président de la métropole Bruno Bernard.

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