Brexit : l'inquiétude des pêcheurs du port de Roscoff en Bretagne

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Par Sandra FERRER - Roscoff (France) (AFP)
Publié le 20 novembre 2020 - 10:49
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Dans le port de Roscoff, en Bretagne, le 13 novembre 2020
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© Fred TANNEAU / AFP/Archives
Dans le port de Roscoff, en Bretagne, le 13 novembre 2020
© Fred TANNEAU / AFP/Archives

À Roscoff, des pêcheurs débarquent lottes, turbots, homards, pêchés en partie dans les eaux anglaises, tandis que des navires britanniques déchargent leur marchandise à destination du marché européen. Tous disent leur inquiétude à l'idée d'un Brexit dur le 1er janvier.

"On est vraiment dans une période d'incertitude, on ne sait pas à quelle sauce on va être mangé", s'inquiète Erwan Dussaud, de l'armement Beganton, qui compte cinq caseyeurs de 20 à 25 mètres pêchant tourteaux et homards dans les eaux anglaises. "C'est assez compliqué de se projeter", déplore-t-il.

Le Royaume-Uni a officiellement quitté l'UE le 31 janvier 2020 mais l'effet du divorce ne se fera pleinement sentir que le 1er janvier 2021. De difficiles négociations sont actuellement en cours, qui portent notamment sur le niveau d'accès des Européens à la mer territoriale britannique, très poissonneuse.

Dans le cas d'une restriction d'accès, "dans deux ou trois ans ce sera fini pour nous", peste Jean-Philippe Guillerm, patron d'un fileyeur de 15 mètres, disant réaliser 40% de son chiffre d'affaires dans les eaux anglaises.

Idem pour Franck Brossier qui possède trois fileyeurs dans le port breton. "On va perdre une zone de pêche historique" et il faudra "se reporter sur d'autres zones avec toutes les problématiques que ça implique", assure-t-il, tout en supervisant le débarquement de son poisson face à la criée du port finistérien qui compte une quarantaine de bateaux de pêche.

"On va se retrouver avec une concentration de bateaux plus importante sur une zone plus restreinte, ce qui va impliquer à très court terme une surexploitation de ces zones de pêche", regrette le marin, soulignant les "problèmes de cohabitation" qui risquent de surgir avec les navires espagnols, hollandais ou irlandais.

"Ça va être très, très compliqué", prédit ce grand fan du club de football de Liverpool qui a baptisé ses bateaux "Liverpool", "Anfield Road", du nom du stade des Reds, et "Ian Rush", de celui de la légende du club.

- Des conséquences pour les pêcheurs anglais -

Cependant, le marin est catégorique: si les négociations en cours entre Londres et Bruxelles échouent et que les pêcheurs français sont privés d'eaux anglaises, il y aura des conséquences pour les pêcheurs anglais.

"C'est sûr, on ne laissera pas les Anglais débarquer leur marchandise en France", prévient-il, certain que "la profession saura se mobiliser très vite".

Non loin, sur un autre quai du petit port de la côte nord du Finistère, Ben Laity, patron anglais de l'Ocean Pride, débarque aussi son poisson. "C'est un peu inquiétant", réagit-il à l'idée d'être empêché de vendre sa marchandise en France. "Je préfère débarquer mon poisson ici comme nous l'avons toujours fait", assure-t-il, après avoir vidé les entrailles de son bateau dans un camion qui acheminera le poisson jusqu'à la criée du Guilvinec, dans le sud-Finistère.

Le marin explique avoir débarqué une partie de sa marchandise en début de semaine à Newlyn, le plus gros port des Cornouailles, dans le sud-est britannique, mais "le prix n'était pas très bon". Il a alors décidé de l'acheminer jusqu'au Guilvinec. "On a toujours un très bon prix pour nos poissons là-bas", explique l'homme au fort accent des Cornouailles.

"On ne pêche pas assez de poisson par rapport à la consommation française donc on va être obligé d'acheter du poisson anglais", estime Erwan Dussaud, pariant sur un accord in extrémis entre Londres et Bruxelles au cours des prochains jours.

Un sentiment partagé par Ben Laity qui juge cependant que "les Anglais devraient obtenir beaucoup plus que ce qu'on leur propose pour le moment qui, pour être honnête, n'est pas grand chose".

Nul doute que les négociations entre Londres, qui souhaite garder le contrôle total de ses eaux, et Bruxelles qui prône le statu quo, ont encore de beaux jours devant elles.

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