Réquisitions au procès Bygmalion : "14 prévenus et presque autant de versions"

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Par Alain JEAN-ROBERT et Marie DHUMIERES - Paris (AFP)
Publié le 17 juin 2021 - 03:41
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L'ancien président Nicolas Sarkozy (c) arrive pour une audience dans l'affaire Bygmalion au tribnal à Paris, le 15 juin 2021
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© Christophe ARCHAMBAULT / AFP
L'ancien président Nicolas Sarkozy (C) à son arrivée au tribunal correctionnel de Parisle 15 juin 2021
© Christophe ARCHAMBAULT / AFP

"Une vaste fraude" et une "décision collective" de prévenus qui pour la plupart "n'ont rien vu, rien su, rien entendu". Les réquisitions ont débuté jeudi matin au procès de Nicolas Sarkozy et de 13 autres prévenus dans l'affaire des dépenses excessives de la campagne présidentielle de l'ex-chef de l'Etat en 2012.

"L'important n'était pas le plafond légal de campagne mais de gagner l'élection (...) l'argent ne comptait pas", a dit la procureure Vanessa Perrée au début de son réquisitoire. Elle a dénoncé des "dérives financières majeures" et un "système opaque".

"Quoi qu'on vous en dise - vous avez entendu Nicolas Sarkozy contester vigoureusement", dit-elle au tribunal, la campagne a été marquée par une "improvisation et une impréparation totale".

La procureure a ironisé sur ces "professionnels de la politique" qui ignoraient tout du coût de meetings électoraux.

"Nicolas Sarkozy a dit: +Qui peut oser dire que ma campagne a dérapé? c'est une farce!+ Mais c'est une farce de nous faire croire que ces personnes là ne surveillaient rien. C'est une farce que de les voir se retrancher derrière leur absence de compétence", s'est-elle indignée.

Elle a rappelé que, contrairement aux autres prévenus, M. Sarkozy n'a pas daigné se présenter à l'audience depuis le 20 mai sauf pour son interrogatoire, pour "délivrer quelques bons et mauvais points" à ses coprévenus. Il ne s'est pas présenté pour les réquisitions non plus.

"Il y a 14 prévenus et presque autant de versions. Ces multiples versions et leur impossible combinaison montre qu'il y a nécessairement des mensonges", a affirmé de son côté le procureur Nicolas Baïetto.

Malgré les notes d'alerte sur le risque de dépassement du coût de la campagne, dès le 7 mars 2012, "Nicolas Sarkozy veut un meeting par jour" et dès lors "vogue la galère", a ironisé le procureur.

- "Aucun doute" -

Pour eux, la culpabilité des ex-dirigeants de Bygmalion, qui organisait les meetings, et de sa filiale chargée de l'événementiel Event & Cie et des ex-cadres de l'UMP ne fait "aucun doute".

Vanessa Perrée et Nicolas Baïetto ont prévu d'examiner les cas des ex-dirigeants de la campagne de Nicolas Sarkozy et de l'ancien chef de l'Etat dans l'après-midi.

Tout au long des débats, les anciens cadres de l'UMP (devenue Les Républicains) et de Bygmalion, le directeur de campagne, les experts-comptables, ont tous cherché à minimiser leur rôle, voire à le nier.

Seuls 4 des 14 prévenus (3 ex-cadres de Bygmalion et l'ancien directeur de campagne adjoint du président-candidat, Jérôme Lavrilleux), ont reconnu partiellement leur responsabilité dans la mise en place d'un système de fausses factures imaginé pour masquer l'explosion des dépenses de campagne du président candidat à sa réélection.

Révélé deux ans après la défaite de M. Sarkozy, le scandale avait entraîné des déflagrations en série à droite.

Contrairement aux autres prévenus, soupçonnés d'être impliqués à des degrés divers dans la fraude, Nicolas Sarkozy est, lui, uniquement jugé pour "financement illégal de campagne électorale". Il encourt un an de prison et 3.750 euros d'amendes.

Les autres comparaissent notamment pour "faux, usage de faux", "escroquerie" et complicité de ces délits, et encourent jusqu'à cinq ans d'emprisonnement.

L'enquête a révélé que le prix réel des 44 meetings organisés par l'agence événementielle Bygmalion avait été drastiquement réduit - 80% des factures ont disparu - et le reste réglé par l'UMP au nom de conventions fictives du parti.

L'enquête "n'a pas établi" que Nicolas Sarkozy l'aurait "ordonné", qu'il y aurait "participé", ni même qu'il en aurait été informé, selon l'accusation. Par contre, il en a "incontestablement" bénéficié, disposant ainsi de "moyens bien supérieurs à ceux que la loi autorisait". Le plafond légal a été dépassé de 22 millions d'euros.

Une thèse vigoureusement contestée par le chef de l'Etat pendant ses quatre heures d'interrogatoire.

Il n'y a eu "aucun emballement" de la campagne, qui ressemblait "comme une sœur" à celle de 2007, voire à celle de son opposant au second tour, François Hollande, a martelé à la barre M. Sarkozy. Comment la campagne de 2012 aurait-elle alors pu "coûter le double", a-t-il scandé. "Invraisemblable !"

L'ancien patron de l'UMP Jean-François Copé, entendu comme simple témoin dans le procès, a fustigé jeudi sur France Inter la "stratégie de défense intenable" de Nicolas Sarkozy et son incapacité à "assumer" ses actes.

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