"Carnets de profs" : des enseignants aux salaires stagnants

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Par AFP - Nanterre
Publié le 18 mai 2021 - 20:38
Mis à jour le 19 mai 2021 - 09:34
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Chaque semaine, trois professeurs racontent à l'AFP leur expérience de terrain.
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© Thomas SAMSON / AFP/Archives
Chaque semaine, trois professeurs racontent à l'AFP leur expérience de terrain.
© Thomas SAMSON / AFP/Archives

Rémunération, mutation, formation... A quoi peut aujourd'hui prétendre un professeur du second degré ? Le gouvernement devrait rendre fin mai ses conclusions du Grenelle de l'Education, dont l'un des enjeux phares est la revalorisation des salaires.

En amont de ces conclusions, trois enseignants d'histoire-géographie, en REP + et en zone rurale, reviennent pour l'AFP sur leur propre parcours et leurs espoirs parfois douchés.

- "Graal" et "injustice" -

Camille, 39 ans, professeure dans un collège classé REP+ d'une petite ville des Yvelines:

"Mes premières années, j'étais titulaire en zone de remplacement, avec au moins quatre heures de transports par jour. J'étais complètement épuisée mais j'ai adoré. Puis j'ai obtenu mon graal: un poste fixe au sein d'un établissement. Le hasard des points a fait que j'ai obtenu un collège REP+, à nouveau très loin de chez moi. Mais un poste fixe valait toutes les peines du monde.

Et je m'y suis beaucoup épanouie.

Ma frustration a grandi lorsque je n'ai pas obtenu ma mutation pour la seconde fois. J'ai vécu cela comme une injustice. Cette profession a de multiples facettes et j'avais le sentiment de ne plus progresser là où j'étais.

Des formations peuvent nous permettre d'élargir nos horizons: passer des certifications pour enseigner dans d'autres langues, le théâtre... Mais nous ne pouvons pas prétendre à obtenir un meilleur salaire en étant plus formés. Mon salaire de base est 2.000 euros. Finalement, je me dis que j'ai le luxe inouï d'avoir des vacances d'été.

La question de la rémunération est compliquée. Il m'arrive de me heurter au mépris des gens. Une de mes tantes pense sincèrement que je suis une fumiste. A l'inverse, au marché, depuis que le primeur sait que je suis enseignante, il me glisse toujours un sac de kiwis pour que je fasse le plein de vitamines."

- "Point d'indice gelé" -

Céline, 45 ans, professeure d'histoire-géographie dans un collège REP+ d'une ville moyenne du Haut-Rhin:

"J'ai enseigné dans quatre établissements. Concernant notre évolution, il y a onze échelons en +classe normale+, ensuite on passe +hors classe+, et éventuellement en +classe exceptionnelle+.

C'est ma 21e année d'enseignement, et pour mon échelon, le dixième, on gagne 2.300 euros nets, auxquels il faut enlever entre 150 et 200 euros pour l'impôt sur le revenu. Et comme j'enseigne dans un établissement classé REP+, je touche une prime de 387 euros par mois.

Le gros problème est que cela fait des années que le point d'indice est gelé, ça ne suit pas du tout l'inflation. On perd du pouvoir d'achat petit à petit. Tout augmente, il serait normal que les salaires des profs augmentent aussi."

- "Je ne me plains pas" -

Philippe, 54 ans, enseignant dans un village du Puy-de-Dôme:

"Faire un Grenelle de l'Education nationale, pourquoi pas, même si le terme de Grenelle est mis un peu à toutes les sauces… J'ai constaté que le ministère avait augmenté le salaire des nouveaux enseignants, ce qui est une bonne chose car l'écart entre le niveau de SMIC et le salaire du débutant ne cesse de se réduire.

Mais si je regarde en arrière en ce qui concerne l'entrée dans le métier, je constate que peu de choses ont changé si ce n'est les appellations. Par exemple, il y avait des maîtres auxiliaires, qui n'avaient donc pas le statut de fonctionnaires et étaient envoyés là où il y avait des heures à faire. Aujourd'hui, il s'agit de contractuels.

Personnellement, je voulais rester en Auvergne. J'ai eu une opportunité à laquelle je ne m'attendais pas, puisque le poste que j'occupais à mes débuts a été transformé en poste fixe. Depuis, j'y suis resté car je m'y sens bien : quand j'ai voulu faire un projet pédagogique, il a pu être fait, qu'il s’agisse d'un déplacement sur le terrain malgré le coût du transport ou d'une organisation différente du temps scolaire.

Je ne me plains pas de mon salaire mensuel qui tourne autour de 3.200 euros. Pour en arriver à ce niveau, il faut être bien avancé dans la carrière et avoir réussi l'agrégation."

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