Carnets de profs : Samuel Paty, "trop douloureux" pour être abordé en classe

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Par AFP - Nanterre
Publié le 26 mai 2021 - 21:18
Mis à jour le 27 mai 2021 - 11:14
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Chaque semaine, trois professeurs racontent à l'AFP leur expérience de terrain.
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© Thomas SAMSON / AFP/Archives
Chaque semaine, trois professeurs racontent à l'AFP leur expérience de terrain.
© Thomas SAMSON / AFP/Archives

Les "Carnets de profs" de l'AFP sont nés de l'envie de raconter le travail sur le terrain d'enseignants, après l'assassinat en octobre de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie décapité dans les Yvelines par un Tchétchène radicalisé.

Sept mois après, pour la vingtième édition de ces Carnets, les trois correspondants réguliers de l'AFP, qui enseignent l'histoire-géographie en collège public comme le faisait Samuel Paty, font le point sur l'impact de l'attentat sur leur manière d'exercer et sur l'ambiance dans leurs salles de classe.

- "Trop frais, trop douloureux" -

Camille, 39 ans, professeure dans un collège classé REP+ d'une petite ville des Yvelines:

"Avec les élèves, nous n'avons pas du tout reparlé de l'attentat: trop frais, trop douloureux. En revanche, j'ai utilisé dans l'un de mes cours une caricature sur les trois ordres (dans la société d'Ancien régime, ndlr).

A la simple évocation du mot +caricature+, j'ai lu dans leurs yeux éberlués la terreur. Je pense qu'ils ont cru que j'allais utiliser une caricature sur Mahomet et j'ai vraiment eu le sentiment qu'ils avaient peur pour moi. Ils se sont détendus lorsqu'ils ont compris le sujet de cette caricature qui représente le tiers-état courbé sous le poids de la noblesse et du clergé.

Sinon, je n'ai rien changé à ma pratique et à la manière d'aborder la question de la laïcité. Je me sens vulnérable en tant que personne, non en tant que professeure.

Je n'ai pas l'impression de me censurer. En revanche, je manque de temps pour avancer sur les programmes et certaines questions mériteraient des discussions qui prendraient beaucoup d'heures de cours."

- Pouvoir rire -

Céline, 45 ans, professeure d'histoire-géographie dans un collège REP+ d'une ville moyenne du Haut-Rhin:

"Dans les semaines qui ont suivi l'attentat contre Samuel Paty, on avait organisé dans chaque classe deux interventions de deux profs sur la laïcité. Mais depuis, on n'en a pas plus ni moins parlé qu'avant.

Moi je n'ai pas utilisé ces caricatures, j'ai préféré que ça ne s'enflamme pas de nouveau.

En revanche, j'ai travaillé sur une caricature de Trump, au moment des élections américaines, ça a beaucoup amusé les élèves.

Je leur ai aussi montré une autre caricature qui les a bien fait rire: Jean-Michel Blanquer célébrant la liberté d'expression en proposant une minute de silence… Même sur l'événement tragique de l'assassinat de Samuel Paty, je leur ai montré que des caricatures avaient été faites et qu'on pouvait en rire. Nos vies dans nos sociétés occidentales sont pleines de caricatures."

- "Aucune influence" -

Philippe, 54 ans, enseignant dans un village du Puy-de-Dôme:

"L'attentat contre mon collègue fait déjà partie de l'Histoire et, par conséquent, est l'objet de la mémoire individuelle et collective.

A titre personnel, je pense que l'attentat n'a eu aucune influence ni sur ma façon d'enseigner certains sujets ni sur mon sentiment de sécurité quand je me rends (au collège) ou que je quitte mon établissement. Le fait qu'il soit situé en milieu rural d'une région peu peuplée joue probablement sur ce sentiment.

Mes élèves ne m'ont jamais reparlé de l'attentat, et je n'ai pas mis le sujet sur le tapis.

Dans les semaines qui l'ont suivi, je me suis refusé de faire une séance ad hoc comme cela était suggéré par le ministère. Je préférais attendre en continuant le traitement défini à l'avance de mes programmes.

Dans une quinzaine de jours, en quatrième, des élèves vont travailler sur la liberté d’expression, sur ses limites. A cette occasion, la question des caricatures sera abordée et, peut-être, l'attentat contre Samuel Paty."

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